En Turquie, l’islam progresse dans l’espace public, instrumentalisé par Erdogan, et les mœurs sont sous surveillance.
Son rôle dans la série.
L’une de ses amies avait prévenu : « À Istanbul, il faut aussi que vous rencontriez Evren, mais je ne peux pas vous expliquer précisément qui elle est, ni ce qu’elle fait, elle est trop indéfinissable. » Essayons tout de même. Très à l’aise, vive, le visage extrêmement expressif, elle veut d’abord comprendre ce qu’un journaliste français vient chercher en ce moment à Istanbul. La démarche des Jours, des obsessions, lui a plu. Il lui a alors fallu une bonne heure pour détailler en anglais ses nombreuses activités. Actrice, danseuse, metteure en scène, parfois auteure, professeure de théâtre à l’université. Et quand il lui reste du temps, elle réfléchit et écrit sur le théâtre contemporain. Elle vivait avec quelqu’un, a dû revenir s’installer chez ses parents après la séparation, passage régressif désagréable même si ses parents sont modernes. Il est trop difficile aujourd’hui de vivre du théâtre en Turquie. La famille venait du centre du pays pour le père, d’origines plus lointaines pour la mère. Récemment, ils se sont découvert des racines juives, cela passionne Evren qui compte escalader l’arbre généalogique. Elle aime que cela renvoie à héritage ottoman. « C’est compliqué l’idée de nation quand on pense à toutes les origines qui vivent ici. C’est une dynamique complexe. C’est plus difficile de trouver de l’unité, cela suppose un projet commun fort. Cela pourrait être l’harmonie des cultures. » À la place, le gouvernement propose pour l’instant la guerre contre les Kurdes, pour souder les nationalismes. « La guerre est toujours un focus utile aux gouvernements qui veulent détourner les citoyens de leurs révoltes », soupire-t-elle.
Par Olivier Bertrand