Corentin : Je sais pas si t’as remarqué, Thomas, mais depuis quelques temps, on voit de plus en plus de mangas à l’atmosphère sombre dans les rayonnages des librairies…
Thomas : Tu penses sûrement à des titres comme Noise chez Ki-oon, ou Contamination, chez Kana. Ben je sais pas, c’est l’air du temps, que veux-tu. Le Japon traverse une crise démographique sans précédent avec une population qui vieillit à vitesse grand V. Du coup, l’esprit est moins à la célébration de la jeunesse comme on peut le lire dans les shonen, qu’à un état de faits triste et déprimant.
Corentin : Bon, et du coup, pour contrer cette déprime, tu nous proposes un titre plus guilleret ?
Thomas : Absolument… pas. Je viens parler de Fool’s Paradise, scénarisé par Ninjyamu et dessiné par Misao, publié chez Kana en France. Et c’est un thriller sombre dans la veine de ceux dont on parlait en introduction.
Corentin : De quoi ça parle, dans ce cas, Fool’s Paradise ? J’imagine qu’on va pas avoir droit à de la grosse poilade…
Thomas : Non, effectivement, non. L’action se déroule à notre époque. Le Japon est secoué par une série d’attentats faisant plus d’une centaine de morts. L’auteur des faits est Kazutaka Nichiya, un gamin de 13 ans. En raison de son âge, il ne peut être condamné à mort, et est envoyé dans un centre de réinsertion, où est appliqué le SRTP. Le SRTP est un programme avec un taux de récidive de 0% : tous les criminels passés par ce programme n’ont pas commis de crime ensuite.
Quelques années après ces attaques, c’est au tour d’une idol, Sela, de devenir une cible. Pour rappel, les idols, ce sont ces jeunes chanteuses bien sous tous rapports, et qui incarnent un idéal de beauté, de pureté et de plein d’autres choses. Quand elles ont du succès, elles peuvent être l’objet d’un véritable culte par leurs fans.
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Il s’agit d’un extrait de Sugar Rush, des AKB48, une des formations d’idols les plus populaires du Japon. Mais revenons à Sela. Lors d’un show, un attentat lui fait perdre la jambe droite. Les soupçons se portent évidemment sur Nichiya. Tatsuya Kudo, le tuteur de Sela, va se retrouver impliqué dans une affaire qui risque de plonger le Japon dans le chaos.
Corentin : Le pitch tient bien en haleine, mais qu’est-ce qui distingue Fool’s Paradise d’un autre thriller dans le genre ?
Thomas : Outre la question principale qui est de savoir qui est l’auteur de l’attaque, et pour quelle raison est-ce qu’il a commis ce crime, Fool’s Paradise aborde plein de thématiques différentes. Evidemment, il y a le statut d’idol. Sela est managée par un producteur peu scrupuleux et franchement dégoûtant. C’est une critique claire à l’encontre des sociétés de management d’idols, souvent rattachées de près ou de loin à des organisations mafieuses.
Il y a également la question des fans. C’est expliqué au début du manga : certaines idols ou groupes d’idols parmi les plus populaires de l’histoire du Japon ont connu le succès juste après qu’une crise majeure (économique comme politique) ait eu lieu dans le pays. Si c’est utilisé à des fins dramatiques dans le manga, c’est également un fait réel : alors qu’un ordre établi s’effondre, le public se réfugie dans des valeurs réconfortantes et accessibles, comme la musique des idols.
Enfin, il y a une question plus générale d’ordre moral : les plus grands criminels ont-ils droit au pardon ? C’est évidemment d’abord cette question qui va préoccuper Tatsuya Kudo, qui est un fervent supporter du programme SRTP.
Corentin : Je comprends mieux pourquoi ce manga peut fonctionner. Et du coup, globalement, tu en penses quoi ?
Thomas : Comme tu l’as dit, le scénario tient en haleine. Pour l’instant, un seul volume est sorti en France, et le cliffhanger est assez terrible. On est bien loin de dénouer cette intrigue. Pour son premier manga publié, Ninjyamu a donné un bon rythme à sa série, avec plusieurs trames narratives différentes.
Par contre, le dessin de Misao pêche un peu. Après, il s’agit également du premier manga professionnel de l’artiste, donc ceci explique un peu cela. Mais le design de certains personnages gêne un peu.
Globalement, on a donc un manga plutôt bon, mais avec un dessin perfectible. C’est un peu dommage, pour un art visuel, mais la qualité du scénario compense pour l’instant ce petit défaut.
Corentin : Ca a donc l’air d’être plutôt validé de ton côté. On le rappelle, le volume 1 de Fool’s Paradise, de Ninjyamu et Misao, est disponible chez Kana, au prix découverte de 5€95. Merci Thomas, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
« Fool’s Paradise » : BOOM BOOM Tokyo girl
Au Japon, les idols représentent un énorme pan de la culture pop musicale. Et c’est dans ce cadre que le dessinateur Misao et le scénariste Ninjyamu ont décidé de placer l’intrigue de leur thriller « Fool’s Paradise ». Et pour parler de ce manga sombre, c’est bien entendu Thomas Hajdukowicz que l’on recevra.
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