Corentin : Comme pour la littérature, la bande dessinée connaît chaque année sa rentrée avec la sortie de nombreuses oeuvres. Cette année, elle était évidemment marquée par un petit village armoricain qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. C’est bien ce que tu m’as dit Thomas ? On va bien parler de Gaulois, c’est ça ?
Thomas : Salut Corentin ! Effectivement, je vais parler de Gaulois cette semaine.
Corentin : Ah bah ça tombe bien, elle est un peu cliché, mais j’ai la musique parfaite pour l’occasion !
[01 - Astérix - fade out automatique au bout de 10 secondes - libre à toi de couper la musique à un moment, mais ça peut rester en BED, éventuellement]
Corentin : Vous aurez peut-être reconnu le thème des Douze Travaux d’Astérix, super dessin animé au demeurant. Je subodore que tu viens nous parler d’Astérix et la Transitalique ?
Thomas : Eh non ! Je suis désolé de te décevoir, mon bon Corentin, mais ça ne sera pas le cas cette semaine. C’est pas contre Astérix, hein. Les 37e aventures du petit Gaulois sont d’ailleurs plutôt bien foutues et répondent élégamment au classique Tour de Gaule, mon Astérix favori. Mais, non, pas d’Astérix aujourd’hui.
Corentin : De quels Gaulois tu veux nous parler, alors ?
Thomas : Des vrais Gaulois ! De ceux qui ont existé dans le passé ! Je viens te présenter L’Enquête Gauloise, de Jean-Louis Brunaux et de Nicoby. Il s’agit du 2e volume de L’Histoire Dessinée de la France, un projet qui comptera 20 tomes au total, édité conjointement par La Revue Dessinée et les éditions La Découverte.
Corentin : Attends, les éditions La Découverte, ils donnent dans les sciences humaines d’habitude, non ? Ils font de la BD, maintenant ?
Thomas : Non. Enfin, si. Mais pas tout seul, puisque La Revue Dessinée les accompagne dans le projet. La Revue Dessinée, c’est un magazine d’actualité trimestriel, dont la particularité est que tous les reportages y sont présentés sous forme de bande dessinée. L’Histoire Dessinée de la France suit cette idée : informer et enseigner grâce à la bande dessinée.
Corentin : C’est un projet qui a l’air sympa, mais je suis à peu près sûr d’avoir déjà vu l’histoire de France en bande-dessinée !
Thomas : Oui, tu as raison. Il existe déjà une Histoire de France en bande dessinée, qui traîne dans bon nombre de CDI par chez nous. En fait, l’Histoire Dessinée reprend le même format, puisque chaque volume traite d’une période donnée. La différence, c’est qu’évidemment la contenu a été mis à jour. Mais surtout, L’Histoire Dessinée de la France présente l’état actuel des travaux de recherche historiques et les différents débats en cours. C’est très important, surtout avec un sujet aussi polémique que l’Histoire nationale d’un pays. Et encore plus quand certains agitent l’idée qu’il faille inscrire un certain roman national dans le marbre.
Corentin : Tu veux dire qu’il n’y pas de place pour une “histoire objective”, Thomas ?
Thomas : Mais ça n’existe pas, l’histoire objective, mon p’tit pote ! Et c’est bien ça que L’Histoire Dessinée de la France veut montrer. L’histoire est toujours écrite par une ou plusieurs personnes, qui ont des idées préconçues elles aussi. Et ces idées orientent la façon dont on raconte, interprète et enseigne l’histoire. Par exemple, quand on parle d’Histoire de France, de quoi on parle ? Quand est-ce qu’elle commence, d’après toi, l’Histoire de France ?
Corentin : Euh... Eh bien… Je dirais... Les Gaulois tiens ! Puisqu’on parle d’eux, justement.
Thomas : Alors oui, les Gaulois, mais qu’est-ce qu’on sait d’eux, finalement ?
Corentin : Oh, moi, tu sais, à part Astérix, hein ?
Thomas : Exactement ! Et c’est d’ailleurs à partir d’Astérix que commence L’Enquête Gauloise. Parce qu’au-delà de la potion magique et des jeux de mots avec les noms de personnages, la BD de Goscinny et Uderzo plante un début de décor, notamment dans l’espace et le temps.
Dans L’Enquête Gauloise, les deux auteurs, Jean-Louis Brunaux et Nicoby, vont nous guider dans cette période qu’on connaît mal. Jean-Louis Brunaux est un archéologue et directeur de recherche au CNRS, spécialisé dans la religion et l’armement des gaulois. Nicoby est auteur et dessinateur de BD. C’est lui qui va jouer le rôle du benêt aux idées préconçues sur la Gaule. Evidemment, l’historien va infirmer ou confirmer ses hypothèses grâce aux différentes sources qui nous sont parvenues et aux études archéologiques en cours.
Corentin : Et on en a beaucoup des sources historiques concernant les Gaulois ?
Thomas : Comme les druides avaient interdit l’utilisation de l’écriture aux Gaulois, on n’a pas de trace écrite directe. Du coup les sources que nous avons sont soient grecques, soient romaines. Ce qui montre que le supposé terreau gaulois dont certains veulent faire le socle du roman national a d’abord été écrit par des étrangers !
Corentin : Mais à quel point peut-on faire confiance à ces sources, justement ?
Thomas : C’est expliqué dans la BD. La première source “scientifique” vient d’un philosophe grec, Poséidonios d’Apamée, qui a observé la Gaule au IIe siècle avant notre ère. Il la décrit d’ailleurs assez précisément. En effet, la recherche archéologique a confirmé les descriptions qu’il a pu faire. Car même si les Gaulois ont laissé très peu de vestiges, ils ont été de grands bâtisseurs. C’est d’ailleurs expliqué dans Paris, la Ville à remonter le temps, une excellente série documentaire sur l’histoire de la capitale, disponible en DVD et Blu-Ray.
[02 - Lutèce : À l’arrivée des troupes romaines, la cité des Parisii est un marché régional disposant d’un sanctuaire important. Dans ce lieu sacré, les chefs gaulois organisent des festins et sacrifient des animaux au nom de leurs dieux. Cette place forte est habitée par des commerçants redoutables qui frappent même leur propre monnaie : des statères.]
Côté romain, Cicéron a hébergé le seul druide gaulois dont on ait la certitude de l’existence : Diviciac. C’est donc via Cicéron qu’on connaît un peu mieux le rôle réel des druides, qui ne portaient pas de robe blanche et n’utilisaient pas de serpe d’or, mais étaient influents sur le plan religieux, politique, culturel et diplomatique. Et évidemment, il y a César et sa Guerre des Gaules, qui reprend abondamment les travaux de Poséidonios, et déforme “légèrement” les faits pour mettre en valeur sa propre réussite militaire et politique.
Corentin : Et alors, au final, on arrive quand même à se faire une idée de ce qu’ils étaient vraiment ? Les Gaulois ?
Thomas : Oui, heureusement, le livre y répond partiellement ! Au fil des chapitres, on en apprend plus sur l’architecture et l’artisanat gaulois. On découvre que la Gaule n’était pas une entité politique unie sous la coupe d’un roi comme Vercingétorix, mais plutôt une mosaïque de peuples avec leurs organisations internes et leurs traditions propres. On apprend aussi que la guerre des Gaules a été la conclusion sanglante d’un processus d’assimilation à Rome qui avait commencé plus d’un siècle avant Alésia.
L’ouvrage compte 164 pages, dont une cinquantaine sont dédiées aux documents de recherche. Ce dossier permet de compléter ce qui est raconté en BD, en défaisant quelques idées reçues supplémentaires, et en précisant certains faits relatés dans les cases.
Par exemple, la BD confirme quasiment les paroles de cette fameuse chanson de Henri Salvador :
[03 - Faut Rigoler Nos ancêtres les Gaulois habitaient des huttes en bois, et les druides trois par trois sous le gui chantaient à pleine voix “Faut rigoler, faut rigoler, avant qu’le ciel nous tombe sur la tête ! Faut rigoler, faut rigoler, pour empêcher le ciel de tomber !”]
Car, oui, d’après Ptolémée, alors un des généraux d’Alexandre le Grand, et ancêtre de Cléopâtre, la seule chose que craignaient l’ambassade de mercenaires gaulois qu’il a reçu en 335 avant JC était bien que le ciel ne tombe sur leur tête !
Je recommande donc L’Enquête Gauloise pour toutes les curieuses et tous les curieux à la recherche d’informations sur cette civilisation. Il s’agit d’un excellent point de départ, avant de se plonger dans des ouvrages de recherche plus scientifiques sur la période. En outre, je vous conseille également chaudement La Balade Nationale, le premier volume de la série, qui pose de très bonnes questions sur la façon dont on écrit l’Histoire, en particulier l’Histoire de France.
Corentin : On aura compris que tu valides ! L’Enquête Gauloise de Jean-Louis Brunaux et Nicoby, c’est une coédition entre La Revue Dessinée et La Découverte, et ça coûte 22€. On sait déjà quand sort le volume 3 ?
Thomas : C’est prévu pour début 2018, mais on n’a pas encore de date. Par contre, on sait que ça traitera, logiquement, de la Gaule romaine !
Corentin : Tu reviendras peut-être pour nous en parler ! A bientôt Thomas !
Thomas : A bientôt !
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