Corentin : Chronique culture et science-fictionnelle avec Benjamin Benoit, que j’accueille aujourd’hui. Il est parti à Nantes pour la dix-huitième édition du Festival de sciences-fiction des Utopiales et est revenu, parce qu’on ne pouvait pas faire la chronique par talkie-walkie. Salut Benjamin.
Benjamin : Salut Corentin. Je vais vous faire visiter une convention internationale qui vient tout juste de fêter sa majorité. Les Utopiales, avec cette 18è édition, ont choisi le « Temps » comme fil conducteur. Un thème de science-fiction pour un colloque géant de science-fiction, présidé par Roland Leoucq, auteur et physicien de son état. C’était sur les 5 premiers jours de novembre à la Cité des Congrès, dans la ville de Jules Verne, pierre angulaire française de la scientific fiction.
C : Alors qu’est-ce qu’on y fait aux Utopiales ? Qui peut y aller ?
B : Tout le monde ! C’est un festival ouvert à tous, dans un spectre qui va du scientifique au très grand public. 90 000 festivaliers ont foulé la convention cette année, et se sont mêlés aux auteurs invités, aux conférenciers, aux prestataires, aux bédéistes, aux journalistes spécialisés. Bref une pelletée de geeks, souvent au look au peu marginal, quelques-un étaient cosplayés. D’ailleurs, le Cosplay est un rituel célèbre de la fin du festival. Toute la convention s’arrête pour cette heure de défilé où tous les regards convergent. C’est fascinant et souvent très détaché des univers occidentaux dans le choix des costumes.
Le festival propose d’autres activités ludiques, dont tout un pôle dédié aux jeux vidéo. Ils font la part belle à la réalité virtuelle. Une Game Jam, un concours de création-express de jeux - s’y tient en fil rouge. Des écoles et étudiants viennent y présenter leurs projets. On peut y croiser des sommités du milieu : cette année, le studio Mi-clos et un certain Fibre Tigre, sont venus papoter des nouveaux mécanismes qui lient jeu et narration.
C : Il n’y a pas de jeux de société ? Moi j’aime bien les jeux de société.
B : C’est vrai, il y a tout un coin dédié aux jeux de rôle, où des pros peuvent vous initier à tel ou tel univers, mais aussi aux jeux de société traditionnels à essayer. Mais le gros de la convention réside dans deux points. La rencontre avec les auteurs, qui tiennent de multiples colloques pour discuter de l’évolution de la fiction, des futurs, des dystopies, des apocalyyyypses. Le célèbre Michael Moorcock, auteur du cycle d’Elric, était invité même si de petits soucis de santé l’ont empêché de venir. Mais étaient bien présents des sommités allant de Lewis Trondheim à Pierre Bordage. Les Utopiales représentaient aussi l’opportunité unique de casser sa tirelire à la librairie et d’obtenir une dédicace de son auteur préféré. De belles occasions peuvent se présenter. J’ai eu la chance l’année dernière de croiser le réalisateur et artiste Alberto Vasquez et de lui faire signer sa BD Psiconautas juste après la diffusion de son adaptation en long-métrage. Ca aurait été beaucoup plus difficile à Angoulême, par exemple.
C : Alors justement, toute la convention est rythmée par de nombreuses compétitions.
B : Oui, voici le palmarès synthétisé. L’Installation de la peur de Rui Zink pour le prix Littérature. La Terre des fils, de Gipi pour le prix BD. Le premier tome du Jardin des Épitaphes, “Celui qui est resté debout” de Taï-Marc Le Thanh, pour le prix littérature jeunesse… et le festival a décerné un « prix Extraordinaire » à Pierre Bordage pour l’ensemble de son oeuvre.
Mais n’oublions pas le plus intéressant : la compétition cinéma.
EXTRAIT - SALYUT 7
B : Hé oui, c’est du russe, on vient d’entendre un extrait de Salyut 7, qui a remporté la compétition des longs-métrages côté public et côté jury. Il a conquis le festival en présentant un évènement important de la conquête spatiale du côté soviétique.
C : Ah oui, c’est rare ! En général, on parle surtout des conquêtes spatiales américaines.
B : Ici, on nous présente l’histoire de cette station spatiale congelée que deux astronautes ont tout fait pour récupérer. C’était vendu comme le « Gravity Russe », c’est vrai avec pas mal de nuances, dont quelques séquences en espace à la première personne tout droits sorties d’une PS3. On peut aisément passer les 5 jours dans les trois salles de projections à marathoner 9 films en compétition, quatre séances spéciales, et une quinzaine de films en rétrospective liées donc, au thème du « temps ». Mullholand Drive, La Traversée du temps, Triangle, The Box, c’est varié en époque et en genres. Mutafukaz, l’adaptation d’Ankama de la BD du même nom, y a continué son tour des festivals, sans qu’on sache s’il sera distribué normalement un jour. Dans tout ça, coup de coeur pour Le Démon De Laplace, un film italien qui remonte aux origines de la scientific fiction, en noir et blanc. Dedans, un groupe de dix personnes vont s’y retrouver enfermés dans un manoir et vont progressivement se faire tuer par un gigantesque automate programmé… (air terrifiant) au nooom de la science !!! Mais aussi Cold Skin, le nouveau film de Xavier Gens (ex-Hitman) - ou le premier film live tiré de l’univers Jojo’s Bizarre Adventure. Enfin, focus sur Contact, aussi un film russe où une ado moscovite tombe amoureuse d’un alien. C’est ultra inégal, parfois excellemment réalisé, parfois kitsch en diable. C’est un film russe, quoi.
Une compétition intéressante car peu de ces films seront distribués chez nous… et je n’ai même pas parlé des courts-métrages, quatre sessions d’une heure et demi pour une trentaine d’univers inquiétants, barrés, absurdes, (ton bullshit) prospectifs.
C : Le public a donc eu son lot d’oeuvres originales et rares !
B : Absolument, le lieu est petit mais il y a toujours quelque chose à y faire. Et puis c’est Nantes, il y fait toujours doux, on est à la cool. Au pire du pire vous pouvez passer du temps au Bar de Madame Spock. Rendez-vous est donné l’année prochaine, avec « Le corps » en thématique.
C : Eh bien si tout ça n’a pas donné envie aux gens d’allers aux prochaines Utopiales, je ne sais pas ce qu’il faut faire de plus. En tout cas merci Benjamin et à la prochaine !
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