Corentin : Cinéma maintenant avec un film psychédélique. L’histoire d’un vétéran de guerre devenu tueur à gages. Je ne parle pas de Benjamin Benoit, même s’il va nous en parler en détail, mais bien du protagoniste de A Beautiful Day. Salut Benjamin !
Benjamin : Salut Corentin. Eh oui, aujourd’hui, on va parler de cinéma. Un peu cinéma de genre, mais cinéma mainstream tout de même. A Beautiful Day est sorti le 8 novembre chez nous. C’est l’un des derniers primés de Cannes 2017 à être distribué ici. Le film a été récompensé pour l’interprétation de Joaquin Phoenix. Pour situer, vous l’avez déjà vu en méchant empereur dans Gladiator, ou plus récemment dans Her, The Master, Inherent Vice ou l’Homme Irrationnel. Cette fois, on le retrouve dans You Were Never Really Here, « tu n’a jamais été vraiment là », titre original qui sous-entends un peu plus subtilement les thématiques soulevées par le film.
C : On a déjà cité le nom du film et il est anglophone. Donc j’imagine que qu’une personne au marketing s’est dit que c’était une bonne idée de changer un titre anglais par un autre titre anglais !
B : TOUJOURS. Ils ont nommé ce film « A Beautiful day », c’est moins compliqué et ce sont les derniers mots prononcés du film. C’est surtout ironique dans le contexte. Quelle bande de petits malins ! La réalisatrice du film, c’est Lynne Ramsay, déjà derrière Ratcatcher et We Need To Talk About Kevin. Les deux sont assez angoissés, ce troisième film ne change pas la donne.
EXTRAIT DU TEASER
B : A Beautiful Day commence sur une séquence en très gros plan où un homme essaie de s’étouffer avec un sac en plastique. C’est Joe, incarné par Joaquin Phoenix, qui répète cette opération en boucle tout du long de sa vie. Hirsute, taiseux, visiblement un peu ruiné dans sa tête, il a un boulot inhabituel. Il est tueur à gages. On lui donne un contrat, il l’exécute… en exécutant quelqu’un. Et ça a pas l’air de le faire vivre comme un prince puisqu’il reste toujours chez sa vieille mère qui garde encore la pêche. Mais Joe n’est pas quelqu’un de prévisible : il a des TOCs, des soubresauts, des accès de colère imprévisibles. Au cours du fil, on apprendra ce qui lui a valu de devenir cet homme violent, puisque lui-même a beaucoup reçu de sévices de la part de son père et de son pays.
C : D’ailleurs, toutes les affiches du film arbore un énorme LE TAXI DRIVER DU 21E SIÈCLE…
B : Alors, de Joe… au Taxi ? Il va pas partout. Il marche pas au soda… Blague à part, c’est surtout du marketing. On peut trouver des comparaisons plus pertinentes. Le scénario a effectivement des similitudes, puisque Joe sera contacté par un sénateur. Il le somme de sauver sa fille, tenue captive dans un établissement pas net. Une comparaison avec Drive a souvent été relevée, mais seul ce rapport de forces entre un sauveur et une fille à secourir fait tenir cette comparaison. Drive et A Beautiful Day ont deux esthétiques radicalement différentes, mais au moins on peut dire qu’elles sont marquées. Les deux sont justes collés à un schéma narratif vieux comme le monde : le gros bonhomme qui sauve la fille fragile.
Joe, le personnage, est bien plus violent, effectivement comme le personnage de Taxi Driver. On peut convoquer d’autres films de rapts comme La Nuit du Chasseur ou Two Lovers. Mais son truc, à Joe, c’est le bon coup de marteau bien placé…
PAUSE MUSICALE - SI J’AVAIS UN MARTEAU…
B : Joe est un sacré bon cogneur, lui attend la nuit pour aller chez Bricorama et éclater quelques crânes dans des scènes parfois dures, parfois plus posées. L’astuce ? Nous montrer le film de caméra de sécurité plutôt que l’action.
A Beautiful Day est un film court avec quelques aspérités. Certes, il est simple dans son déroulé et son scénario, mais Lynne Ramsay maîtrise quelque chose de puissant : provoquer l’inconfort chez le spectateur. Il se fait avec des leviers formels : le son strident, des gros plans dérangeants, un montage assez malin pour te donner envie de gigoter sur ton siège sans trop savoir quoi faire.
C : Mais un bon malaise se fait aussi par l’image, non ?
B : Ce film est esthétiquement un peu particulier. Il convoque un imaginaire violent et un personnage aux valeurs versatiles. A Beautiful Day n’est pas pour tous les publics. Cependant, le film prend le contre-pied de son sujet en imposant des temps morts, des contretemps, des respirations constantes. C’est un film naturaliste, très porté sur les corps abîmés, sur les blessures et leur ressenti. Attendez-vous à être un petit peu bousculé. Sensoriellement parlant. Ce qui n’empêche pas le film de vouloir être esthétique de temps en temps. Ca peut même sembler parfois un peu forcé. Ca dépend de votre amour des ralentis et des plans improbables et parfaitement symétriques. Ce film, vous l’avez déjà vu deux ou trois fois ailleurs, ici remixés à la sauce Lynne Ramsay. Si vous êtes fans de ce type de ciné, vous pouvez y aller.
C : Et sinon, qu’est-ce qui est prévu dans le futur pour Joaquim Phoenix ?
B : Hé ben je crois qu’il va bien mieux que le personnage de Joe. La prochaine fois, on le retrouvera The Sisters Brothers, un film de Jacques Audiard. Ca se passe en 1850 et ça m’a tout l’air d’être un western. Allez scellez vos bottes, abreuvez votre cheval, et à la prochaine.
C : Salut Benjamin, et merci pour cette chronique sur A Beautiful Day !
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