CORENTIN : Aujourd’hui, Xavier Eutrope va nous parler de Micro économie, de taux de croissance, d’ajustement de la masse monétaire et d’optimisation de l’utilité chez les acteurs ainsi que de magie noire ! Ca a l’air vraiment super Xavier c’est à toi !
[THRILLER] [je commence à parler par dessus après une ou deux secondes]
XAVIER : Bonjour Corentin, bonjour à tous ! visiblement mon mail n’était pas encore assez clair, pourtant je pensais avoir fait un effort… Non mais sinon tout ce que tu as dit est effectivement juste, puisque je vais vous parler aujourd’hui de The Black Monday Murders, qui n’est donc pas un manuel d’économie mystique, mais une bande dessinée américaine, ce que l’on appelle parfois chez nous un comic-book.
C : je suis déçu, je pensais que tu allais faire un pentagramme au sol et invoquer l’esprit de Keynes...
X : Non Corentin, je suis désolé. Mais cela dit, ce que tu viens de dire pourrait très bien arriver dans Black Monday Murders. Ecrite par Jonathan Hickman et dessiné par Tom Cocker, cette bande dessinée nous présente un monde, qui ressemble étrangement au nôtre. En fait, on pourrait dire que c’est notre réalité : les différentes grandes crises économiques que nous avons connues y sont répertoriées, notamment la crise de 29, qui a précipité les Etats-Unis et le monde dans une dépression aux répercussions dramatiques… sauf que….
C : SAUF QUE ???
X : Eh bien on comprend vite que des choses pas très nettes se passent dans les coulisses de l’économie mondiale. Je pense qu’on peut se mettre d’accord sur le fait que l’économie est un domaine opaque pour une grande partie de la population : il faut dire que les débats autour de ces questions ne sont pas forcément très transparents…. et encore quand il y a des débats tout court. A mon sens, le pitch de Jonathan Hickman exploite cette état de fait et propose une solution pour tout expliquer, qui pourrait être résumée comme suit : en fait, le fonctionnement de l’économie repose sur la magie…. une magie plutôt noire…
[BLACK MAGIC]
C : Ah bah voilà on arrive enfin aux pentagrammes ! Allez on sort les craies et les bougies !
X : Attends, attends, c’est un peu plus complexe que ça ! (par ailleurs c’est Black Magic de Slayer que vous venez d’entendre) Un exemple pour vous donner une idée de la façon dont Hickman créé cet univers, pas de dilvugachage, cela arrive très rapidement : on a tous cette image des courtiers en bourse qui se sont jetés du haut des immeubles au moment du krach de 29. Bon, c’est une légende urbaine, mais au delà de ça, Jonathan Hickman a une explication : il ne s’agissait pas de suicides, non, mais de meurtres rituels pour calmer certaines puissances à l’origine de cette perturbation du marché.
C : Mais c’est extrêmement sombre ton truc Xavier !
X : Ah bah j’ai prévenu ! De la magie noire ! Par dessus tout cela, Jonathan Hickman développe une intrigue policière : un détective qui a une certaine sensibilité pour l’occulte est envoyé sur une scène de crime par ses supérieurs… et on retrouve, là encore, ce qui ressemble de près à un meurtre rituel. Vous l’aurez deviné : la victime est un banquier. Je vais en rester là pour l’intrigue, je préfère ne pas en dévoiler plus. Au fur et à mesure de l’enquête, on suit donc Theodore James Dumas, le policier dont je viens de parler, qui va de découvertes en découvertes, souvent plus étranges et inquiétantes les unes que les autres.
C : Mais ça a l’air un peu léger quand même, j’espère que ça va plus loin que “l’économie c’est la science des ténèbres”.
X : Oui bien entendu Corentin, ça va plus loin que ça, j’y arrive. En réalité, le récit alterne entre l’enquête de Theodore James Dumas, des évènements passés qui sont montrés pour donner plus d’éléments de compréhension sur l’histoire économique de ce monde parallèle mais aussi les agitations et confrontations qui parcourent ce milieu très fermé ainsi que les tractations avec une divinité bien sombre. Rien n’est montré par hasard, tout trouve son sens dans le récit d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas un moment où je me suis dit que l’histoire de Hickman plongeait gratuitement dans un mysticisme bon marché et sans fond. Et cela passe par un travail formel qui va de paire avec le fond.
C : Tu parles du dessin donc ?
X : Alors oui en effet le dessin de Tom Cocker et les couleurs de Michael Garland participent à créer une ambiance noire et étouffante, qui donne une dimension supplémentaire aux thèmes abordés par Jonathan Hickman. Mais ce dernier a aussi développé une manière de raconter l’histoire en dehors de planches dessinées. A intervalles réguliers, l’auteur nous donne à voir ce qui s’apparente à des pages de dossier, avec des passages noircis, des arbres généalogique, des retranscriptions d’échanges cryptiques par mail, des textes aux allures d’incantations, etc. Dans un premier temps, leur utilité ne saute pas forcément aux yeux… et on peut avoir tendance à ne pas trop y faire attention. Mais ils sont une source de renseignements particulièrement intéressants sur l’univers. C’est quelque chose que Jonathan Hickman a fait dans pas mal de ses autres livres et il n’y a pas à dire : ça fonctionne.
C : Du coup tu recommandes ?
X : Eh bien oui, absolument ! C’est une très bonne série. Jonathan Hickman montre son talent dans le développement d’univers complexes régis par des logiques paranormales ou surnaturelles. Le récit prend son temps mais il n’y a pas de problème de rythme : tout s’enchaîne assez bien. Le dessin et les couleurs, volontiers macabres, accompagnent parfaitement le tout. Black Monday Murders est une excellente bande dessinée. Mon seul bémol : le rythme de parution très espacé qui fait qu’il n’y a eu que deux recueils en deux ans de publications.
C : En tout cas, vous les retrouverez chez Image Comics en version originale. Urban Comics ne propose pour l’instant que le premier tome traduit en Français. Merci Xavier ! Tu éteindra les lumières en partant ? Stan et moi devons procéder au rituel satanique pour que chaque auditeur ait son émission personnalisée...
« The Black Monday Murders » : hausse des malheurs à la bourse de New York
Xavier Eutrope vient nous parler de « Black Monday Murders ». Dans ce comics sombre, l’économie n’est pas régie par l’offre, la demande et les régulations, mais bien par la magie noire et les rites sataniques.
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