Corentin : Un hôpital psychiatrique étrange, un stalker psychopathe et des forces de police incompétentes : voilà la recette gagnante de Paranoïa, le nouveau film de David Soderbergh, sorti le 11 juillet au cinéma. Morgane Giuliani l’a vu pour nous, bonjour Morgane !
Morgane : Bonjour Corentin ! L’hôpital psychiatrique est un grand classique des films d’horreur. On peut penser à Shutter Island, Gothika, Sanatorium ou à la saison 2 de American Horror Story. Dans Paranoïa, Sawyer Valentini se retrouve internée “par accident” dans un hôpital psychiatrique nommé Highland Creek. Au départ, elle s’y rend pour une consultation concernant ses angoisses, après avoir été harcelée et cambriolée par un stalker. Sauf que le personnel l’hospitalise pour une journée, sans qu’elle s’en rende compte. Le cauchemar empire lorsque son stalker est embauché par l’hôpital.
EXTRAIT 1
C : Sawyer Valentini est jouée par Claire Foy, notamment connue pour incarner la reine Elizabeth 2 dans la série de Netflix The Crown.
M : Excellente série, au passage. Dans Paranoïa, Claire Foy joue à merveille ce personnage ambivalent. Elle à la fois résiliente et victime d’intenses syndromes post-traumatiques. Elle n’a pas de vie sociale, ni amis, ni amant, et a déménagé pour fuir son stalker. À l’intérieur de l’hôpital, elle explose facilement. L’enfermement la pousse dans ses retranchements.
C : Elle finit même par douter de sa propre santé mentale, comme le montre la bande-annonce.
M : Le problème, d’ailleurs, c’est que la bande-annonce donne l’impression que le film repose sur ce suspense : est-ce que tout se passe dans la tête du personnage principal ? Eh bien, ce suspense prend fin après le premier tiers du film, et à partir de là, l’intrigue prend un nouveau tournant. On assiste à un mélange de thriller et de film d’horreur. C’est haletant, stressant, effrayant. On est tenté, parfois, de rire face aux dialogues absurdes entre Sawyer Valentini et son stalker, qui a le physique typique d’un serial killer : blanc, barbu, grosses lunettes, visage insondable et regard illuminé.
EXTRAIT 2
C : Paranoïa raconte aussi le combat d’une femme face à l’administration.
M : Le film illustre bien l’incapacité des pouvoirs publics à venir à bout des harceleurs les plus chevronnés. Dans un flashback, Sawyer Valentini se remémore les conseils hallucinants donnés par un expert de la justice : ne plus garer sa voiture dans son parking, toujours avoir ses clés dans la main avant de rentrer chez elle, savoir où se situe le poste de police le plus proche, changer sa porte, ses fenêtres, supprimer son compte Facebook, demander à ses amis de ne pas la prendre en photo. Bref, on lui conseille de disparaître, de s’effacer. Elle est victime, mais c’est elle qui doit changer sa vie de fond en comble. Dans son nouveau travail, situé à des centaines de kilomètres de son ancien domicile, elle croit apercevoir son stalker. Et c’est là que tout bascule. Elle pense avoir des hallucinations. Ses appels à l’aide restent sans réponse, aussi bien à l’hôpital qu’envers la police. Elle est seule face à son stalker, seule face à des médecins inefficaces, seule face à une administration aveugle.
EXTRAIT 3
C : Paranoïa était aussi un défi technique pour David Soderbergh : il l’a presque entièrement filmé à l’aide de 3 iPhone 7 Plus.
M : Le réalisateur américain aime expérimenter en terme de matériel. Au début de sa carrière, il filmait en format 16 millimètres ou Super 8, et il a été l’un des premiers à avoir recours à un objectif numérique. Paranoïa est le premier film qu’il a tourné essentiellement à l’iPhone, avec 3 appareils installés sur un pied rotatif, et le logiciel de traitement d’image FiLMiC Pro. Il n’a utilisé une “vraie” caméra, en 4K, que pour certains plans larges filmés de loin.
C : Du coup, le rendu ne fait pas un peu amateur ?
M : On n’a pas vraiment d’effet de profondeur de champ, et la photographie est efficace, à défaut d’être belle. Les plans sont bruts, en général très rapprochés des personnages, surtout filmés en gros plan. Ça aide à créer une atmosphère angoissante, et à se sentir proche du personnage de Sawyer. L’autre avantage, c’est que cela permet une certaine souplesse : l’objectif se déplace de manière plus fluide et naturelle qu’avec une “vraie” caméra. Ça donne presque un côté reportage. La limite, comme l’explique David Soderbergh dans une interview accordée au Parisien, c’est que filmer à l’iPhone nécessite un gros travail de post-production. Pourquoi ? Parce que l’objectif s’adapte en permanence à la luminosité, et on ne peut pas vraiment bloquer les paramètres. Du coup, il faut ré-ajuster la luminosité, le contraste, étalonner pour que ce soit homogène. À cause de cette grosse nécessité de modifications, le grain du film saute parfois aux yeux, et on frôle parfois l’effet fish eye. Mais on peut y voir un moyen de servir l’ambiance glauque de l’intrigue.
C : Est-ce que ça veut dire que le film a été financé par Apple ?
M : Soderbergh dit avoir utilisé l’iPhone simplement parce qu’il en a un à titre personnel, et s’amuser à expérimenter avec depuis un moment. Il a aussi tourné son prochain film, High Flying Bird, à l’iPhone, mais cette fois, il a “échangé” avec Apple, sans qu’on sache encore ce qu’il en retourne. Ce n’est pas la première fois qu’un film d’envergure est tourné à l’iPhone : c’était le cas de Tangerine, Snow Steam Iron, ou encore, le documentaire Searching For SugarMan. Tourner avec un smartphone permet d’être plus flexible, et de faire de grosses économies. En 2017, Apple a même fait appel au réalisateur français Michel Gondry pour réaliser un court-métrage tourné à… l’iPhone 7, faisant la publicité de… l’iPhone 7.
C : C’est intéressant de voir que des réalisateurs aussi importants que Soderbergh ou Zack Snyder se mettent au smartphone. Et au-delà de tout ça, est-ce qu’on va voir Paranoïa ?
M : C’est un thriller très efficace, glaçant, psychologique et physique. Claire Foy le porte avec brio. Donc oui, on va voir Paranoïa si on a envie de se faire une petite frayeur.
C : Paranoïa est en salles depuis le 11 juillet. Merci Morgane Giuliani et à très vite !
Avec le thriller « Paranoïa », Steven Soderbergh pousse le public à bout
« Paranoïa », le dernier thriller de Steven Soderbergh, a la particularité d’avoir intégralement filmé à l’iPhone ! C’est fou, non ? Et ça tombe bien que ça soit fou, car l’action se déroule dans un hôpital psychiatrique. Morgane Giuliani en a eu des frissons.
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