Amour, gloire et beauté à l’ancienne dans Cold War (77 - 29/10/18)
Benjamin : Déjà un an depuis ma chronique sur Le Monde Secret des Emojis, toujours rien d’aussi mauvais. Le prochain candidat est probablement l’adaptation Nicky Larson et le parfum de Cupidon. Alors chers amis à peine réveillés, ou chers auditeur du Brunch, pour fêter ça je vous propose un film ayant 100% rien à voir avec le Monde Secret des Emojis. Aujourd’hui je vais privilégier l’efficacité et la concision, aujourd’hui c’est un bon film de genre à l’ancienne.
Corentin : Salut Benjamin, alors selon toi c’est quoi l’opposé à un film américain nul produit par Sony ?
B : Je dirais un film en noir et blanc, au ratio 1 sur 1 carré parlant d’amour en pleine guerre froide. C’est Cold War, de Pawel Pawlikovski, et ça nous fait une très bonne nouvelle à tous : la bande annonce est sans effets sonores qui font « swooosh » et sans musiques inconnues rythmées de comédies française. La bande annonce !
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B : Ce film, pas sexy pour un sou pour le grand public est pourtant pas si mal distribué, je l’ai vu à la Défense par exemple. C’est probablement parce que son réalisateur a gagné l’Oscar du meilleur film étranger avec son dernier métrage, Ida, en 2013. Donc prépare-toi Corentin, je vous emmène dans le cinéma qui émule le cinéma à l’ancienne. Tu aimes les vieux films Corentin ?
C : La réponse de Corentin sur les vieux films
B : Eh bien Cold War fait tout pour reproduire l’ambiance, le grain et le scénario d’un vieux film d’amour à l’ancienne, celui qui fait fi des frontières métaphoriques et physiques. Alors késsadire ? Je vais vous le dire.
Dans Cold War on voir évoluer les trajectoires de Zula et Wiktor, en mode nouvelle star. Ce dernier est un André Manoukian beau gosse qui doit trouver des artistes qui finiront par faire la promotion de la Pologne et de ses valeurs à l’étranger, et Zula s’y pointe un beau jour et c’est le coup de foudre. Il se rencontrent, ils s’aiment, tout ça est passionné et brûlant, mais lui décide de fuir à l’Ouest. Et là, la tragédie frappe.
C : J’imagine que c’est là qu’apparaît un conflit être ces deux personnages, et il est facile de deviner quoi - elle veut rester en Pologne.
B : Bingo. Donc on a déjà résumé tout le film. Ils vont se séparer et se retrouver quinze fois de suite, et voilà pour le scénario de Cold War allez à la prochaine !
Non, il vont finir par se retrouver à Paris, et les deux vont se rendre compte qu’ils sont progressivement devenus apatrides. Que ce soit au niveau géographique, artistiquement parlant, ils n’ont plus vraiment de maison. Par exemple, l’un se rend compte que Paris est un terreau artistique moins fertile que la Pologne stalinienne, et le voilà bien coincé. C’est très beau et très triste et on s’engage rapidement dans des dimensions romanesques et tragiques.
Les deux rôles principaux crêvent l’écran. Notamment l’actrice Joanna Kulig, qui donne tout. Qui joue le drame, qui chante et qui surtout danse dans une multitude de registres, du chant de l’est patriotique à Rock Around The Clock dans un cabaret parisien.
C : Le film vaut d’ailleurs le coup pour ses passages musicaux.
B : Oui, d’ailleurs je n’ai toujours pas vu de comparaisons avec The Artist, et c’est tant mieux car les films ont beau être très différents, il y a de nombreux ponts à faire, notamment des séquences musicales. Mais là on parle en majorité de chants patriotiques, ou juste le folklore polonais, de numéros galvanisants de voix et de danses. Ca aussi, c’est très beau, je suis à deux doigts d’une nostalgie du bloc de l’Est que je n’ai littéralement jamais connu. Ca donne un peu de peps à ce mélodrame où la musique a une place prédominante.
En parlant de Peps et de musique, je dois confesser que cette actrice me fait beaucoup penser à :
[EXTRAIT 2]
À Debbie Harry.
C : Et pourquoi ce noir et blanc, finalement ?
B : Ahlala j’aimerais avoir une réponse historique à la question, mais à l’instant T je dirais que ça rend tout plus intense. Les plans, les cadrages, les regards, tout est plus brut. Tout est mat, froid, ça renforce ce que dégage le rideau de fer. Et ça rend magnifique des scènes où on dit « je t’aime à la folie, mais faut que j’aille vomir ». Par contre, cette durée compacte est bienvenue, mais vu qu’on parle de dix ans de récit ça le rend parfois un peu sec.
C : Alors est-ce que Cold War est un film recommandé par les Croissants ?
B : Bien sûr. Cold War est une petite chose précieuse, un petit moment galvanisant ou romantique et romantisme se croisent, où l’on mêle passions et perte de sens. Ca passe vite, même la chute et la dernière ligne de dialogue est belle. Je vous la dis : « de l’autre coté, la vue est meilleure ». C’est beau ! Allez donc voir Cold War pour une expérience de cinéma différente, dans un sens un peu inédit pour les Croissants. Par contre, certains d’entre vous peuvent trouvé ce Noir&Blanc lissé et maniéré, mais à priori c’est que vous n’avez pas aimé Ida. Et c’est court surtout. C’est court. Court, intense et beau, c’est tout ce qu’on aime ici.
C : Alors à la prochaine. T’as une grande déclaration à faire tant qu’on y est ?
B : Eh oui. Désolé les croissants... mais mon coeur balance pour les pains au choc.
« Cold War » : amours chaudes pour guerre froide
Avec « Cold War », le réalisateur Polonais Paweł Pawlikowski refait le pari du noir et blanc. Acclamé par la critique, le film raconte une histoire d’amour et de musique en pleine guerre froide, entre Berlin-Est et Paris. Un film qui peut paraître austère, mais qui relève d’une grande puissance à en croire Benjamin Benoit.
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