Corentin : Comment un évènement grave et traumatique comme un attentat peut-il être adapté en fiction ? C’est la question qu’a tenté de se poser Angèle Chatelier alors que les films et séries qui traitent des attentats ne cessent d’arriver sur nos écrans.
A : Au début du mois de février, nous apprenions le début du tournage de la saison 4 de la série française, le Bureau des Légendes (EXTRAIT 1)
Dedans, nous suivons le quotidien d’agents de la DGSE, les services secrets français qui, de fait, font face à un certain nombre d’attentats.
Mi février, Clint Eastwood réalise le film 15h17 pour Paris, un long-métrage qui relate l’histoire de l’attentat raté du Thalys en août 2015. Le 13 février, enfin, c’est le saison 7 de la série Homeland qui sortait sur Canal + où l’on suit toujours le quotidien de Carrie Mathison, agent de la CIA et qui, elle aussi… voit passer un certain nombre d’attentats.
C : On pourrait presque le dire, oui. Les films et séries sur les attentats fictifs ou existants… ont la côte.
A : La question mérite donc de se poser : comment adapte-t-on ces évènements traumatiques à travers le monde ? Et je peux te le dire Corentin, les États-Unis sont les grands gagnants en la matière. D’abord parce que, même si des films traitant d’attentats et de terrorismes existaient avant, ceux-ci ont explosé, évidemment, après le 11 septembre.
Il y en a eu une bonne dizaine sur le sujet : World Trace Center, Fahrenheit 9/11 ou encore Vol 93 pour ne citer qu’eux. (EXTRAIT 2)
Seulement trois ans après l’attentat de Boston qui avait fait trois morts et des centaines de blessés lors du marathon de la ville, un film lui été consacré, Traque à Boston, réalisé par Peter Berg. Ici, on parle surtout du traumatisme et de comment s’en remettre. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir que les films américains relatant des évènements graves qui leur sont arrivés sont généralement très patriotiques. Très héroïques. Une manière de guérir en redorant le blason de la nation.
C : C’est d’ailleurs un peu ce que l’on voit dans le dernier Clint Eastwood
A : Oui. Le réalisateur ne relate pas en tant que tel l’attentat raté du Thalys, il s’intéresse aux destins des trois militaires américains qui ont empêchés cet attentat. (EXTRAIT 3)
C : L’Europe est elle beaucoup plus frileuse lorsqu’il s’agit de mettre en fiction un de ses attentats
A : Moins de trois mois après l’attaque meurtrière engendrée par Anders Behring Breivik en Norvège qui avait fait 69 morts, voilà qu’une bande annonce bien glauque et surtout très mystérieuse avait vu le jour sur le web. On y voit un jeune homme, habillé en policier, tiré sur tout le monde sur une musique glaçante. C’est ce qu’il s’est passé le 22 juillet 2011 sur l’île d’Utoya.
Une bande-annonce racoleuse, arrivée bien trop rapidement sur Internet selon les familles de victimes et même la classe politique norvégienne qui exigeait son retrait. Le film n’est finalement jamais sorti.
C : Plus récemment, c’est un projet de téléfilm sur le 13 novembre qui a fait polémique
A : En novembre dernier, la réalisatrice Marion Laine annonçait la sortie d’un téléfilm sur France 2 appelait Ce soir-là. Un film sur un histoire sentimentale qui se déroule le soir du 13 novembre 2015. Le projet fait un tollé et provoque une vive polémique.
Les associations de victimes demandent alors à la chaine de renoncer, je cite, à ce projet douloureux.
C : Est-ce que le problème peut être l’atmosphère un peu glauque de ces films ?
A : Ça peut mais lorsque tu vois le succès des séries Homeland et du Bureau des Légendes par exemple, on peut se poser la question. Sauf qu’en effet, oui, ces deux séries sont dans une atmosphère, elles.
Elles ne relatent pas un évènement traumatique qui a existé mais bien un paysage global, un paysage actuel, celui du terrorisme et des services secrets. Homeland et le Bureau des Légendes ne se demandent pas comment adapter un évènement traumatique en fiction, elles sont elles-mêmes de la fiction.
C : Mais alors, une autre question se pose : à partir de quand peut-on considérer qu’un événement traumatique n’est plus suffisamment « sensible » pour être aborder dans une oeuvre de fiction ?
A : Le site Allociné a interviewé un psychologue à ce sujet, Pascal Laethier. Il dit quelque chose de très juste : « il faut que le temps passe. Il y a un moment de sidération dans lequel il faut laisser le sujet se remettre de cet évènement. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire ».
En réalité, ce sont les cinéastes et les producteurs qui parlent de ces évènements-là qui doivent se demander si tout cela est bien nécessaire.
C : Le Bureau des Legendes Saison 4, ça sera diffusé sur Canal+, il ne faut rien attendre avant au moins septembre 2018. Quant au “15 h 17 pour Paris”, il est déjà en salle depuis le 7 février 2018. En tout cas, merci Angèle pour ce petit point très intéressant sur les oeuvres de fiction traitant des attentats. À la prochaine.
Du « Bureau des légendes » à « 15 h 17 pour Paris » : comment sont adaptés sur nos écrans les événements traumatiques ?
Les attentats sont particulièrement difficiles à adapter au petit et au grand écran. Pourtant, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, quelques tentatives sont régulièrement faites. Du « Bureau des légendes » à « 15 h 17 pour Paris », Angèle Chatelier analyse les différentes manières dont la fiction panse les plaies de ces événements traumatiques.
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