Benjamin : (Léger écho) N’essayez pas de régler votre téléviseur, ceci n’est pas une défaillance, nous contrôlons à présent tout ce que vous allez voir et entendre. Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension, une dimension faite non seulement d’images et de sons, mais aussi d’esprit. Une expérience entre réalité et fiction, un champ d’hypothèses entre science et religion, dans une contrée sans fin dont les frontières sont votre imagination. Entrez avec nous dans... le cinéma de Quentin Dupieux. Du du du du du du
Corentin : Je t’arrête tout de suite, notre public est bien trop jeune pour ce genre de références. Ici, on parle de trucs de millenials. J’accueille Benjamin Benoit le millenial pour parler d’un film bizarre. Bonjour Benjamin le millenial.
B : Bonjour à tous, et je veux pas le savoir, regardez au moins le Prisonnier, par exemple. C’est aussi limpide que notre sujet du jour. Aujourd’hui c’est la critique du film Au Poste, mais avant je vous propose un pit-stop nécessaire sur son réalisateur, Quentin Dupieux.
C : Les cool kids des années 90 le connaissent sous le nom de Mr Oizo.
B : Le monsieur est un pilier indispensable du beat et de la house française, et vous connaissez peut-être sa mascotte Flat Eric ou son tube Flat Beat. Il a signé trouzemille collaborations avec les grands pontes de la French Touch, mais ce n’est pas cette partie de sa vie qui nous intéresse aujourd’hui.
[EXTRAIT 1]
Quentin Dupieux alias Mr Oizo est un cinéaste. Deux choses la caractérisent : ils fait des films particulièrement barrés, et il n’en avait jamais tourné en France.
C : Pas très cocorico la French Touch !!
B : J’avoue, c’est scandaleux. Mais les films en eux-mêmes sont à voir. Son tout premier s’appelle Nonfilm, puis en 2007 c’était Steak avec Eric et Ramzy. Donc déjà un sommet d’absurde, mais en 2010 il sort Rubber. Et là, c’est le summum de ce qu’on appelle le high-concept, parce que je peux vous pitcher la chose en trois mots. C’est un pneu tueur. Et encore, ce n’est qu’une intrigue parmi deux, parce qu’on atteint déjà des sommets de méta. Rubber était prédéstiné à rester confidentiel, et a été tourné en moins deux semaines avec deux appareils photos, donc voilà. Un demi-million de budget tout de même.
C : C’était sans doutes de beaux appareils photo.
B : Certes. Puis Wrong, et Wrong Cops, et enfin Réalité en 2015 qui nous ramène à un humour un peu plus accessible, un tout petit peu grand public - jusque là on restait dans le film d’auteur arty, on s’y éloigne un tout petit peu. Alain Chabat, Jonathan Lambert et Eric Wareheim se partagent l’affichent. Je vous recommande, c’est un humour un peu moins quinzième degré. Mais on reste dans carcan bien barré qui joue avec les strates de la réalité. Je vous parle de tout ça pour bien situer Au Poste dans le contexte. Au Poste qui est l’un de ses deux films de 2018, avec Le Daim. C’est avec Jean Dujardin. Je vous tease le scénario, il a l’air incroyable.
[CE PETIT BLOUSON EN DAIM]
Je cite. “Georges, issu d’une banlieue pavillonnaire, s’achète un blouson en daim.”
Voilà. Ca a l’air palpitant. Mais tout ça pour dire qu’on sent une volonté grandissante de faire du mainstream avec un grain de folie. Au poste d’Au Poste, on voit Benoit Poolvorde et Grégoire Ludig qui se tire la bourre. L’hilarant Marc Fraize, apparu dans Problémos, fait un rôle fameux. Tourné dans les locaux du Parti Communiste Français, Au Poste est à deux doigts du théâtre filmé. Quasi unité de lieu, unité de temps sont les maîtres mots d’une soirée Au Poste, où Poolvorde fait le flic bourru et Ludig fait le mec interrogé, toujours là au mauvais moment et au mauvais endroit.
C : Quand tu parles de théâtre filmé, c’est aussi pour dire que les dialogues font le sel du film.
B : Oui mais par défaut, du coup. Il ne reste plus grand chose que le script et le jeu des acteurs dans cette soirée qui va progressivement s’enfoncer dans la dinguerie - et encore, le film ne fait qu’une grosse heure. Ca va très très vite, c’est relativement bien rythmé. Le sel du film est un tout petit peu visuel, dès l’affiche du film qui parodie Peur sur La ville avec Bebel, avec une photo très beige et un coté vieux film sympathique.
[EXTRAIT 2]
B : Donc on a ici une humour de situation qui oppose l’humeur pugnace de Poolvorde au flegme moustachu de Ludig. Oui, vous êtes maintenant dans adjectif magazine. Et bientôt on retrouve le fétiche de Dupieux : la mise en abîme. Je ne dis pas comment... mais Au Poste, c’est une petite joute verbale. Un échange lapidaire ! Comme si les acteurs se jetaient des pierres, tu vois... donc c’est amusant. C’est RIGOLO. Mais c’est vite fait. Et je suis certain que ça aura plus de succès que tous ses autres films, donc concrètement ce n’est que le début de quelque chose. La phase 2 du Dupieuxverse, bien sûr.
C : Eeeest-ce que Au Poste est recommandé par le poste ?? Héhé ! De radio ?? Des croissants ?
B : Oui mais surtout parce que le film est très court, qu’il ne va va pas trop loin dans la dinguerie et parce que Poolvorde est délicieux, parce que sinon c’est un plat un peu léger. J’aime beaucoup la science du langage dans le cinéma de Dupieux, ici elle est au top. Il faut y être sensible. Peut-être pas pour plus de dix euros mais au coin du feu à prix réduit, ou si ma chronique vous a séduits, ça peut toujours le faire.
Dupieux fidèle : « Au poste ! »
Dire que le cinéma de Quentin Dupieux est barré, c’est un peu comme expliquer que la mer morte est salée ou qu’il y a de la verdure dans la forêt d’Amazonie. On n’a pas besoin de le préciser et ça sera de toute façon un euphémisme. Benjamin Benoit vient nous parler d’« Au poste », son dernier film, et apparemment, on ne dévie pas trop de cette tendance.
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