X : Thomas ! J’arrive pas à écrire une bonne intro à ma chronique, c’est insupportable, j’ai l’impression d’avoir perdu mon mojo…..
T : Bah c’est pas grave Xavier, on a qu’à appeler les scénaristes d’Hollywood, j’ai justement leur numéro, ça va pas traîner tu vas voir ils vont te trouver des super idées….
X : AH NON STOP NE FAIS PAS CA, CA VA ÊTRE ENCORE PLUS COMPLIQUE APRES. Car il se trouve, et c’est vraiment amusant que tu proposes ça, que justement je voulais te parler du bazar dans lequel sont embarqués ces mêmes scénaristes face à leurs agents.
T : Comment ça “un bazar” ? De quoi tu parles ? Tu peux être plus précis ? Fais ton boulot correctement, s’il te plaît, c’est une entreprise sérieuse ici !
X : Aux Etats-Unis, de nombreux métiers dans le cinéma et la télévision sont protégés par des guildes, des syndicats, etc. Ces structures négocient des règles et des aménagements pour les professions qu’elles représentent. Et il y en a une pour les “writers”, c’est à dire les scénaristes. Elle s’appelle la “writer’s guild of america”, ou WGA et elle s’occupe particulièrement de la protection du droit d’auteur et de la juste compensation du travail des scénaristes.
T : Mais du coup tu disais qu’ils se bagarraient avec leurs agents ? C’est à dire ?
X : très content que tu me poses la question ! La writer’s guild of america est actuellement en conflit avec l’ATA et...
T : *interrompt Xavier* oh non ! encore un acronyme barbare !!!!
X : laisse moi continuer ! bon ! ATA c’est pour Association of Talent Agents. Il s’agit d’une association professionnelle à but non-lucratif fondée en 1937. Celle-ci défend les intérêt des agents cinématographiques, c’est à dire les personnes qui représentent les professionnels de l’industrie du divertissement, et plus particulièrement dans le cas présent, les scénaristes et auteurs.
[Le business]
T : Et donc c’est quoi les bails ? C’est encore une histoire d’argent je parie ! L’argent ! Le nerf de la guerre ! L’argent ! Trop cher !
X : Alors, oui, en partie. En gros, il y a un accord qui régule la façon dont les agents représentent les auteurs. Il établit notamment que les agents peuvent demander jusqu’à 10% des gains des auteurs sur les contrats qu’ils ont négociés pour ces derniers. Pour représenter des auteurs de la guilde, une agence doit souscrire à cet accord, qui n’a pas changé depuis 1976, donc 43 ans ! Seulement, la guilde des scénaristes s’est aperçue qu’une grande partie des auteurs n’était pas satisfaite, s’estimant même lésée, par une série de pratiques liées à ce que l’on nomme le “packaging”.
T : Ah oui le packaging ! je connais ! c’est le design des produits et tout ! Tetrapack ! Le polystyrène ! Le papier bulle !
X : pas du tout Thomas ! Le packaging consiste, pour les agences, à proposer des projets de série ou de film composés uniquement de personnes avec qui elles travaillent, et pas seulement des auteurs. En faisant du packaging, elles peuvent maximiser les 10% dont nous avons parlé tout à l’heure, en incluant le plus de monde possible sur un projet, des profils qui gagnent peu, ainsi que leurs plus gros clients. Mais ces agences font aussi payer des frais spécifiques aux studios et aux chaînes afin que ceux-ci puissent acquérir ces produits déjà emballés, préparés par leur soin.
T : Je comprends la logique pour les agences, cela leur permet de s’assurer de plus gros revenus, mais du coup est-ce qu’elles ne sont pas dans une position un peu…. discutable ?
X : Eh bien mon cher Thomas, absolument, on pourrait parler de conflit d’intérêt et même d’une situation éthiquement douteuse où les agences sont plus motivées financièrement pour négocier leurs propres frais de packaging lucratifs que pour négocier au nom de leurs clients. Et alors que les agences ont profité des années fastes de la télévision outre atlantique, les salaires des scénaristes n’ont pas augmenté. Donc on comprend que ces derniers soient énervés, d’autant plus qu’ils sont souvent à l’origine de projets sur lesquels les agences se font ensuite beaucoup, beaucoup d’argent.
[le hollywood]
T : Donc les scénaristes et la WGA aimeraient revenir sur l’accord qui encadre leur relation avec les agences….mais ça risque d’être compliqué, non ?
X : Eh bien...oui. Certaines agences ont désormais à leur capital des fonds d’investissement qui ont pour but de générer un retour intéressant sur l’argent qu’ils investissent, ce qui a changé quelques logiques dans leur fonctionnement. Cela se fait au détriment des personnes représentées. Certaines de ces agences souhaitent aussi entrer en bourse. Il y a donc de nouveaux intérêts économiques importants à la manoeuvre. De plus les agences argumentent que changer la façon dont les choses marchent depuis des dizaines d’années, dont notamment le système du packaging et les frais qui vont avec, ne va pas arranger les choses pour les scénaristes, bien au contraire : certaines mettent en avant le fait que l’industrie a évolué, qu’il y a moins de films produits, que le format des séries s’est transformé, rendant le terrain défavorable aux auteurs. De ce fait, l’aide qu’offrent les agences aux scénaristes serait indispensable.
T : Mais les négociations se passent bien quand même ou pas trop ?
X : Eh bien elles ont échoué! Et les quatre plus grosses agences ne veulent pas signer la nouvelle version de l’accord proposée par la WGA depuis, qui interdit les frais de packaging ainsi que les relations entre activités de représentation et de production. Une partie non négligeable de petites sociétés, pas concernées par ces interdictions, refuse aussi de signer l’accord, estimant que celui-ci pourrait leur nuire. Mais là ça devient très compliqué. Et entre temps, 7000 auteurs ont viré leur agent.
T : Mais la writers guild association avait pas déjà été en conflit avec une autre structure il y a quelques temps ?
X : Absolument Thomas, la guilde a haussé le ton à plusieurs reprises par le passé, notamment entre novembre 2007 et février 2008. Durant cette période la guilde des scénaristes est entrée en conflit avec une structure chargée de négocier des accords pour de nombreuses boîtes de productions TV et ciné américaine. Au centre des contentieux à l’époque : la négociation entre autre des rémunérations autour des contenus produits pour et diffusés sur les médias émergents, notamment sur internet. La grève a duré cent jours et a affecté de nombreuses séries pour lesquelles un script et des dialogues étaient nécessaires. Les perturbations engendrées ont poussé certaines chaînes à se tourner davantages vers les contenus de télé réalité. Et au terme des 100 jours de conflits, les gains de la guilde des scénaristes était mitigé.
Ce qu’il faut retenir donc, si l’on revient au conflit actuel, c’est que c’est vraiment tendu, parce que personne ne semble vouloir se mettre d’accord, et les conséquences de ce conflit pourraient être gravissimes pour le secteur du divertissement et de la machine à rêves qu’est Hollywood (peut-être que je suis sarcastique, on sait pas)
T : On verra bien comment cette nouvelle crise opposant les scénaristes à la machine hollywoodienne se débloquera - rapidement, je l’espère pour nous, spectateurs avides de grand spectacle et de paillettes. Merci Xavier, et à bientôt !
Grève des scénaristes à Hollywood : agents trop chers
Mais quel est ce conflit qui oppose actuellement les auteurs et scénaristes d’Hollywood à leurs agents ? Des histoires d’argent complexes, comme souvent dans le milieu du cinéma et de la télévision. Mais heureusement, Xavier Eutrope est là pour démêler la situation et nous en expliquer les tenants et aboutissants.
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