Corentin : Dis-moi, Thomas, y’a une légende urbaine qui me trotte dans la tête depuis un moment, et je pense que de toutes nos chroniqueuses et chroniqueurs, tu es peut-être le mieux placé pour y répondre : pourquoi est-ce que Popeye devient fort quand il mange des épinards ?
Thomas : Attends, c’est à ça que tu penses quand tu as le regard perdu dans le lointain ? Oui, enfin, bon, bref… Longtemps, on a expliqué que la force de Popeye venait du fer contenu dans les épinards. Sauf que des hoaxbusters ont rapidement contredit cette légende, affirmant que les études que les créateurs du personnage de cartoon avaient eu entre les mains étaient erronées.
[01 - popeye.wav]
MAIS retournement de situation ! Plus récemment encore, on a démontré que ce fait sur les auteurs avec de mauvais chiffres était également une légende urbaine ! Peut-être qu’en fait les épinards ont été choisi parce qu’ils étaient naturellement riche en vitamine A. Ou alors parce que l’industrie agro-alimentaire américaine avait bien du mal à faire manger des légumes aux enfants dans les années 30 et qu’un personnage de dessin animé pouvait peut-être inverser la tendance. On sait pas. Bref, tout le monde est perdu. J’espère que tu es content, Corentin.
Corentin : Une légende-urbaine-ception en quelque sorte. Bon, ben puisque je t’ai sous le coude, tu nous ferais pas un petit truc sur les épinards ?
Thomas : Ah ben tu perds pas le nord. Mais tu as de la chance, parce que l’épinard, c’est un de mes légumes de printemps préférés…
Corentin : ...oui, avec tous les autres légumes de printemps, j’ai l’impression…
Thomas : C’est pas ma faute si tout est délicieux au printemps ! Mais tu vas voir, avec de l’épinard frais, on fait des trucs très chouettes par forcément possible avec les épinards en boîte de Popeye ou même les épinards surgelés.
Corentin : Bon, pour commencer, s’il n’est pas forcément riche en fer, quels sont les bienfaits nutritifs de l’épinard ?
Thomas : S’il n’est effectivement pas plus riche en fer que n’importe quel autre légume vert, c’est une excellente source de vitamine K, qui a des propriétés coagulantes. C’est pour ça que le jus d’épinard était parfois additionné au vin des soldats français blessés pendant la Première Guerre mondiale, pour accélérer leur guérison. Et les épinards sont également riches en nitrates, qui devient nitrites une fois ingérées, et qui sont un vasodilatateur. Pour cette raison, on les retrouve souvent au menu des maisons de retraite, puisqu’ils augmentent la circulation sanguine dans le cerveau, retardant ainsi les pertes de mémoire et autres dysfonctionnements cérébraux.
C’est aussi un bon aliment si l’on fait du sport, comme l’explique la nutritionniste Solveig Darrigo dans la Quotidienne de France 5, en 2018 :
[02 - epinard sport.wav]
Pour les muscles, ce qui est intéressant dans l’épinard et dans la betterave aussi, c’est que ça va favoriser le travail du foie de manger des épinards. Du coup, la détoxication, quand on détoxifie, par exemple on fait beaucoup de sport, et bien on a plus de toxines, on produit plus de toxines. Et du coup, le travail d’élimination des toxines va mieux se faire, donc ça c’est déjà un point positif. Et ensuite, le travail d’endurance et d’enchaînement, par exemple pour la musculation, eh bien on a une endurance qui s’améliore via cette musculation.
Corentin : OK pour tous ces aspects nutritifs. Du coup, j’enchaîne logiquement : les épinards, c’est vert, c’est bon pour la santé : est-ce que c’est pour ça que c’est pas bon ?
Thomas : Ha ha, excellent Corentin, j’adore l’humour ! Mais oui, on a toutes et tous des souvenirs un peu désagréables des épinards visqueux de la cantine, baignant dans une sauce verte radioactive indéfinissable. Ces épinards qui faisaient des fils entre les dents, ils ont traumatisé du monde. Mais il faut savoir faire table rase du passé. Les épinards, ça peut être délicieux, et je vais te le prouver en deux recettes simplissimes.
Corentin : Deux recettes !? Monsieur est ambitieux à ce que je vois ! J’imagine que ça va être des recettes de saison qu’on ne peut réaliser que pendant 17 jours dans l’année et après c’est fini ?
Thomas : Alors pour l’une d’entre elles, oui. Mais la saison des épinards frais est assez longue, puisqu’elle va du milieu de l’hiver, dès février, jusqu’au début de l’été, vers fin juin. Et puis une des deux recettes utilise des épinards surgelés, donc on peut la faire toute l’année.
Corentin : Bon, eh bien commençons par celle-ci. On t’écoute.
Thomas : Alors c’est l’enfance de l’art. On va faire des épinards tombés au beurre. Donc dans une sauteuse ou une grande poêle, vous faire fondre une bonne quantité de beurre à feu doux. Et quand le beurre est fondu, vous y mettez vos épinards surgelés, encore congelés. Prenez des épinards natures, et si possible des épinards branche, qui n’ont pas encore été hachés. Ils auront une meilleure tenue et une meilleure texture.
Et puis vous couvrez, et c’est tout !
Corentin : C’est une recette ça ?
Thomas : Bah tu m’as demandé quelque chose de simple, donc tu as quelque chose de simple ! Mais c’est très bon. Et puis, en vrai, c’est pas tout. Parce que vos épinards, il va falloir les touiller un peu, qu’ils soient répartis uniformément à la surface de votre récipient de cuisson. Et il va falloir les découvrir aussi, qu’il y ait un peu d’évaporation, pour concentrer les goûts. Et il va falloir les assaisonner, avec les classiques sel et poivre, mais aussi pourquoi pas d’une petite gousse d’ail écrasée qu’on aura pris le soin de mettre en début de cuisson, pour que son goût se diffuse pendant la cuisson.
Corentin : Et on ne met pas de crème ?
Thomas : Ca, c’est comme vous voulez. Mais après, je te rappelle, chez Corentin, que de la crème, il y en a déjà dans le beurre, et qu’il sert déjà de liant à notre recette. Mais après tout, c’est votre cuisine, vous avez le dernier mot et je ne viendrai certainement pas vous enquiquiner si vous avez l’audace d’ajouter un peu de crème épaisse à la préparation. Préparation qui sera délicieuse toute seule, et qui accompagnera à merveille de la volaille, une viande blanche, ou des poissons à chair grasse comme le saumon.
Corentin : Bon, OK, c’est une recette, mais elle est un peu trop facile, je trouve. Ca va être la même chose pour la deuxième ?
Thomas : Cette deuxième recette reste simple, mais elle va demander un peu plus de travail. Et puis on va voyager avec, puisqu’il s’agit d’une préparation coréenne !
Corentin : Oh, laisse-moi deviner ! Si je me souviens bien de ta chronique sur la cuisine coréenne (à réécouter dans le brunch), tu vas nous préparer des banchan ?
Thomas : C’est cela même. On va faire du sigeumchi-namul. Et ça commence par des épinards frais. Et c’est toujours un peu pénible à préparer, les épinards frais.
Corentin : Pourquoi ? C’est dangereux ? C’est compliqué ?
Thomas : Rien de tout ça, fort heureusement. Non, c’est juste horriblement long. Surtout quand tu dois en faire un kilo. Mais trêve de jérémiades. Donc pour préparer des épinards frais, il faut retirer la côte un peu épaisse de chaque feuille. Et pour ce faire, il faut plier la feuille d’épinard dans la longueur, et tirer la queue de la feuille de façon à retirer la tige dans son intégralité.
Corentin : Un peu comme quand on ouvre un colis et qu’on tire sur la languette qui referme le pli.
Thomas : Oui, voilà, comme ça. Donc faites ça pour votre kilo d’épinards. Et appelez des renfort, parce que ça peut prendre du temps. Donc on s’y met.
[03 - bob l’eponge.wav]
Quand vous avez fini cette préparation, que vous vous prenez les pieds dans votre barbe et que vous n’avez pas vu vos enfants grandir, vous lavez bien ces épinards. Les tiges peuvent servir à faire de la teinture naturelle verte, si vous voulez absolument les utiliser. Sinon, ça part au compost.
Corentin : Mais on pourrait pas les laisser, les tiges, si elles rendent la préparation aussi galère ?
Thomas : Ben ce sont justement ces tiges qui sont la cause des fibres dégueu qui se coinçaient entre tes dents. Donc pour vivre une expérience optimale et mettre loin derrière nous ces souvenirs douloureux, mieux vaut les préparer comme ça. Et si vous n’avez vraiment pas de temps à perdre, optez pour des pousses d’épinard, beaucoup plus tendres, mais ça va aussi vous coûter plus cher.
Bref, vous avez équeuté les épinards, vous les avez lavés et essorés. Il faut maintenant les blanchir dans un grand volume d’eau salée à peine bouillante. Vous allez donc plonger… allez, 30 secondes, les feuilles, qu’elles se détendent un peu, mais qu’elles gardent un peu de résistance sous la dent. Et vous les égouttez bien. Et pendant que vous les égouttez, vous les rafraîchissez sous un filet d’eau froide, pour être sûr de stopper la cuisson.
Quand vos épinards blanchis sont froids, pressez-les entre vos mains, afin d’en extraire un maximum d’eau. Faites ça au dessus d’un évier, hein. Quand la force de vos poignets ne suffit plus pour retirer davantage d’eau, il est temps de finir la préparation. Hachez grossièrement les épinards, mettez-les dans un récipient, et mélangez-les avec 3 gousses d’ail frais émincées très finement, deux bonnes cuillères à soupe de sauce soja, deux autres cuillères à soupe d’huile de sésame, des graines de sésame blanc torréfiées, et du sel, au goût. Et voilà, vous avez votre sigeumchi-namul. Il se conservera une semaine au réfrigérateur et accompagnera très bien du riz nature ou encore une viande grillée.
Corentin : Eh bien merci d’avoir tenté de nous réconcilier avec les épinards, Thomas. Je pense que je vais même tenter le coup avec la recette coréenne, je crois.
Thomas : Oui, ça sera bien pour toi, surtout depuis que tu t’es remis à bencher.
Mettez littéralement du beurre dans vos épinards
Si les épinards ne contiennent pas plus de fer que les lentilles ou les brocolis, ils n’en restent pas moins délicieux, en particulier au printemps. Thomas Hajdukowicz nous donne deux recettes pour accommoder ce légume qui a pourtant toujours mauvaise réputation.
0:00
7:48
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.