Corentin : Il est là... il est dans les villes, il est sur les réseaux sociaux... c’est Super Fac De Lettres, qui rôde probablement. Parce que là on va parler d’autofiction, de genèse diégétique ! Des trucs dont tout le monde se fiche sauf... Terry Gilliam, sans doute. Hey, salut Benjamin Benoit. Comment va ?
Benjamin : Ah bah aujourd’hui on va parler d’un film à la genèse frappadingue, bien à l’image de son auteur. J’ai vu l’Homme Qui Tua Don Quichotte en sortant de Deadpool 2, et j’aimerais partager l’enthousiasme de Morgane Jiulani… je faisais une overdose de degré, le timing était mauvais. Bon, ces soucis sont vraiment incomparables à ceux de Terry Gilliams. Cinéaste de l’absurde des Monthy Python et de Brazil. Et cinéaste qui a enfin sorti un film MAUUUUDIT !
C : Ah bah oui tiens, faisons une petite chronologie des ennuis de Terry Gilliam sur son projet Don Quichotte.
B : Ah. Mais. Alors. Là. Mais avec plaisir. On va faire vite sinon on est pas rendus : première tentative en 2000 avec Jean Rochefort et Ewan McGregor. Rochefort est d’ailleurs remercié en hommage dans le film fini. Quatre autres versions du film n’aboutiront pas jusqu’en 2016, dont la dernière version du script met en scène Michael Palin et Adam Driver. En 2017, c’est la bonne, avec Adam Driver et Jonathan Price. Mais ça c’est que le script. Je vous épargne le mic-mac juridique avec le producteur Paulo Branco qui a plombé l’ensemble du projet, et Terry Gilliams dernier a subi moult soucis de santés durant le dernier tournage.
C : Wow ! Et c’est pas fini.
B : Non, mais bref il est sorti, on peut dire que c’était une victoire à la Pyrrhus... euh, pardon, petit relent inutilement littéraire. Une victoire qui a nécessité de grands sacrifices. Le film est sorti a peine distribué aux États-Unis puisqu’Amazons Studio s’est retiré au dernier moment, et la bobine, projetée à Cannes, a été confirmée in extremis dans la sélection officielle du festival pendant que Terry Gilliams faisait un AVC. Donc projet maudit jusqu’au bout, et ça donne rarement de bons films.
[EXTRAIT BANDE-ANNONCE]
Donc le mythe Don Quichotte de Cervantès, vous le connaissez sûrement. Personnage qui incarne la chevalerie, et qui se bat contre des moulins. Le roman a eu récemment une nouvelle traduction qui améliore de fou l’ensemble, ça c’est mon petit conseil perso.
C : Mais le film l’Homme Qui A Tué Don Quichotte ne parle pas directement de ça.
B : Alors c’est exact, puisqu’on suit les tribulations de Toby, un publicitaire désabusé qui retourne en Espagne sur les traces de son film de fin d’études, l’Homme qui a tué Don Quichotte. Et il va recroiser les quidams qu’il avait engagé et se retrouve mêlé à une série d’évènements, en plein grand n’importe quoi progressif. Et là, ouh... la réalité va se mêler à la fiction ! Il va devenir Sancho de la Panza, fidèle écuyer de Don Quichotte... enfin, du mec qui l’avait incarné dans son film il y a dix ans, qui est maintenant persuadé d’être Don Quichotte. Bref, il tombe dans la tanière du lapin blanc, la tanière c’est l’Espagne reculée et « il » c’est Adam Driver. Ah j’aime tellement Adam Driver, lui et son gros nez !
C : Ce film c’est plein de choses, mais c’est surtout un commentaire sur lui-même et son propre projet.
B : Oui alors le film est en permanence confronté à sa propre fabrication. A son.... gnnnnnn... dossier génétique, pardon. Je veux dire, il commence avec un carton « après 25 ans de besognes et de foires d’empoignes... » ah ok on fait du méta, très bien j’accepte. Ce film parle d’un tournage impossible qui n’aboutit jamais, et des délires d’un artiste un peu fou. Ca parle d’avocats à un moment ! Bref ce film s’envoie des références à lui-même de temps en temps, c’est une private joke géante. Il faut accepter qu’un film qui a mûri pendant trois décennies sera forcément décevant. Par contre, si vous venez d’apprendre son existence... ça sera peut-être plus simple.
[EXTRAIT BANDE-ANNONCE 2]
B : Si je devais réduire le film à un adjectif, ce serait sans doute fluide. On ne quittera jamais Adam Driver de vue, on l’accompagne dans un trip halluciné de deux heures et quelques. Un trip qui s’étire un peu... mais qui fait mumuse avec les frontièèèèères du réel, et celles entre fiction, autofiction et réalité. C’est pas qu’un immense bazar de troisième degré ce film, il l’est de manière fictionnelle et de manière non-fictionnelle. Avec le style un peu viellot qu’on connaît de Gilliam. Le trouble, les cadres tordus, de travers, quelques petites transitions malheureuses. Quelques plans bizarres ou le point est pas fait... mais toujours un doute sur ce qu’il se passe, une douce folie qui pourrait vous toucher si vous aimez ce style.
C : Je te sens tiraillé...
B : MAIS OUI je veux tellement aimer plus ce film. Il a coté de bric et de broques qui est super séduisants, les seuls effets spéciaux qu’il emploie sont lors d’une séquence finale assez réussie. Mais ce bidule est un labyrinthe dans lequel on se perd en permanence, et ce n’est pas quelque chose qui aidera la bobine à rentrer dans l’Histoire.
C : Ca a l’air très compliqué ce dosse, est-ce que l’Homme Qui A Tué Don Quichotte est recommandé par les Croissants ?
B : C’est compliqué. Si vous aimez les projets maudits, un peu comme Les Montagnes Hallucinées par Del Toro ou le Dune de Jodorowski, c’est toujours cool de voir une arlésienne finie. Mais ce film est pas mal plombé par sa propre légende, j’ai un peu l’impression d’avoir vu une version de 90 ans de Tupac ou de Gainsbourg ! Parfois, certaines légendes sont meilleures quand elles sont mortes jeunes. J’aime bien ce film tout de même, il est touchant, son histoire est folle, mais il traîne en longueur.
C : Bon, pour respecter la chose jusqu’au bout, on peut aller le voir ironiquement alors !
B : C’est ça. Littéralement les doigts dans le nez. Ou à cheval. Ou en pancho. Faites-vous plaisir !
L’homme qui voulait tuer « L’Homme qui tua Don Quichotte »
Y a-t-il film plus maudit que « L’Homme qui tua Don Quichotte » ? Pas sûr. Après une première tentative en 2000, avec Jean-Rochefort et Johnny Depp, c’est celle de 2018 avec Adam Driver et Jonathan Pryce qui réussira finalement à sortir. Voyons avec Benjamin Benoit si le jeu en valait la chandelle.
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