Corentin : Vous venez de piocher une chronique de cinéma d’animation, soyez heureux ! Encore mieux, c’est avec Benjamin Benoit, qui vous parle de Japon d’une manière ou d’une autre dans deux chroniques sur trois. Mais diantre quel rapport avec Mutafukaz ?
Benjamin : Parce que c’est tin tin tin lin lin lin une coproduction japonaise, avec le studio 4°C. Mutafukaz est un projet qui aura mis longtemps, loooooongtemps à être distribué sur les écrans français. Si vous êtes festivalier, cela fait précisément un an que vous l’avez déjà vu partout : à Annecy, à l’Étrange Festival, à Gérardmer, aux Utopiales, à tous les festoches de science- fiction de France, de Navarre et yadda yadda madame la marquise. Bref, une longue incubation pour Mutafukaz, aussi régie par un deuxième paramêtre.
C : Je crois me souvenir que le dernier long-métrage du studio de Roubaix n’a pas rencontré le succès escompté.
B : Et ton souvenir a raison, puisque tu parles du film Dofus, Julith, qui était plutot sympa, impressionnant par moment. Personnellement, il m’avait séduit avec son humour libéré et assez régressif... mais il a bidé comme jamais. Mal distribué, sorti au mauvais moment, il a tenu deux petites semaines et a reparti gros-Jean comme devant. Donc tu m’étonnes qu’Ankama soit un peu échaudé par la question. Et c’est bien con, c’est tout de même de cinémation d’animation française qu’on parle. Pas une terra incognita mais... ça ne court pas les rues.
Nouvelle tentative tout de même, cette fois avec Mutafukaz et son nom printanier.
[EXTRAIT BANDE-ANNONCE]
Alooooors... souvenez-vous de ce moment. Vous vous baladez au hasard dans une Fnac pour tromper l’ennui. Et arrivés au rayon BD et Comics, vous tombez sur ces volumes clinquants, à l’esthétique un peu... Gorillazesque.... les travaux de Jamie Hewlett. C’est la bande dessinée Mutafukaz, par Guillaume Renard, alias RUN. Et attention, c’est parti pour le tunnel d’anglicismes : vous y reconnaîtrez un style aggressif et edgy ! Une histoire coming-of-age ! C’est bioutifoule. Le film est réalisé par Shōjirō Nishimi et Run. La bande-son, elle, est de The Toxic Avenger.
C : Mais de quoi ça parle ? J’espère qu’aucune maman n’est concernée par le scénario.
B : Alors tout va bien Corentin, moi-même je serai incapable d’expliquer ce titre. Je parle du film, donc : nous sommes propulsés dans Dark Meat City. Et il y a quelque chose de pourri dans Dark Meat City. Notre héros s’appelle... Angelino, il est haut comme trois pommes, tout noir, et il vit de pas grand-chose avec son pote Vince, qui a une tête de squelette. Les deux traînent dans un appartement miteux, ils nourrissent leurs cafards, et essaient de pas se prendre une balle perdue en sortant de chez eux. Leur coin est pas très engageant. Les impôts locaux doivent pas être terribles...
C : Stéphane Plaza, sort de ce corps !
B : Oui, donc notre duo de choc vit et... ils font des trucs ? Je ne sais pas comment résumer le scénario de Mutafukaz. C’est le même problème avec GTA V, par exemple : ce sont des gens qui font des trucs. Il y a moult éléments perturbateurs quand même. Le sombre passé d’Angelino, des superflics qui veulent tout casser, des méchants, des flingues, des aliens ? Attend, quoi des aliens ? Je ne suis même pas sûr.
[EXTRAIT 2 BANDE-ANNONCE]
C : On a changé de genre un peu soudainement !
B : Et j’ai vraiment beaucoup, beaucoup de mal avec ce scénario. Alors ok, c’est un film d’animation, je peux suspendre mon incrédulité, ok. Mais ce film a un coté balle rebondissante un peu relou : il se lance quelque part, et tu le retrouves un peu n’importe où. La deuxième moitié, c’est un peu n’importe quoi, ça tape un peu partout, du coup l’expérience est un peu plus poussive et c’est dommage pour un film court. Parce que sur l’ensemble, c’est une structure vraiment très classique, voire simpliste. Héros a un passé sombre, mais héros rencontre nana ! Donc héros est motivé. Mais soudainement, héros tombe sur élément perturbateurs, et puis c’est les aventures et c’est super.
Je tiens à noter que c’est un film dont le seul personnage féminin est particulièrement nul et unidimensionnel, seulement présent pour servir d’intérêt amoureux au héros. Peut mieux faire à ce niveau-là, quand même. Aussi, les dialogues sont un peu nuls hein... du genre plats et très prescriptifs.
C : J’ai ouï dire que le casting français était intéressant.
B : Je crois surtout que tu l’as vu sur les affiches, mais effectivement, les rôles titres sont tenus par les Casseurs Flowteurs, Orelsan et Gringe. Ca va. Ils font le taf, ça colle bien. Ceux qui prêtent bien l’oreille pourront reconnaître Féodore Atkine, la voix française de-
[DOCTEUR HOUUUUUSE]
Ah non. Tu te tais ou je te tais. Je change vite de sujet pour oublier : maintenant je vais parler de l’atout du film. C’est son ambiance, cette capacité à retranscrire une sorte de Californie hardcore, la nonchalance de l’ensemble, et le combo animation + bonne musique qui, parfois, marche bien. Comme une partie du jeu Hotline Miami, où la musique et la façon de jouer se conjuguent de manière ultraviolente. Par contre, rassurez-vous : ultraviolent n’est pas du tout un mot qui caractérise le film, et c’est dommage parce que ça créé une petite dissonance cognitive. Le film veut s’encanailler... et il le fait, mais pas tant que ça tu vois. Mais encore une fois, le plaisir visuel est l’atout du film. Les détails, les panneaux de signalisation, les véhicules, l’ambiance trash.
C : C’est l’heure du bilan, Mutafukaz est-il recommandé par les Croissants ?
B : Un peu. Les fans d’animation peuvent y aller, les autres pourraient se demander un poil ce qu’ils font là. Pas mal de choses nous font sortir du film : la voix d’Orelsan qui est vraiment très très Orelsan, et surtout les inégalités flagrantes du scénario. C’est tout de même un petit morceau de culture Underground assez léché que je vous recommande d’aller encourager pour ne pas reproduire le bide de Dofus. C’est écoeurant de voir des projets de longue haleine de se planter comme ça.
C : Bon. Au moins aller le voir par militantisme alors. Merci Benjamin. On se retrouve pour une prochaine fois !
Avec « Mutafukaz », Ankama s’encanaille
Après l’échec du dernier long-métrage « Dofus », on espère que la production franco-japonaise « Mutafukaz » connaîtra un meilleur destin. Benjamin Benoit est allé voir ce film d’animation avec Orelsan au doublage et The Toxic Avenger à la bande originale.
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