(010 - 21/12)
Corentin : Tchou tchou ! J’espère que votre billet est composté et que votre carte voyageur est à jour, car aujourd’hui, le cheminot et détective Benjamin Benoit revient du Crime de l’Orient Express, nouvelle adaptation au cinéma du roman d’Agatha Christie. Attention Benjamin, derrière-toi ! Un contrôleur SNCF !
Benjamin : Ouhlala ! Il s’est en fallu de peu ! Salut Corentin, effectivement, en pleine semaine de vacances, je suis venu en train de Perpignan pour à peine 300 euros et vous parler de mon amour des trains. Mais surtout des films qui se passent dans des trains, comme le Pole Express ou le Transperceneige.
C : Tu noteras qu’à l’instar du Crime de l’Orient Express, ce sont des films qui se reposent beaucoup sur le numérique.
B : C’est vrai, alors citons Dernier Train pour Busan, qui codifie tout ce que j’aime dans ce genre d’oeuvre : des plans ingénieux qui n’ont qu’un espace très limité pour décrire une situation. Une contrainte technique séduisante qui intervient pour le film de Noël de l’année qui ne s’appelle pas Star Wars ou Santa et Compagnie. Bref, mes attentes étaient là, car j’aime les polars, et j’aime les trains.
[TCHOU TCHOU FAIT LE TRAIN,
TCHOU TCHOU FAIT LE TRAIIIIIN]
C : Je ne cautionne pas TOUT ce qui se passe dans cette chronique, mais passons. Recentrons-nous sur Agatha Christie, si tu le veux bien.
B : Oui, alors d’ailleurs. Qui ne connaît pas ce roman ? Y’a-t-il encore un fan de fiction qui ne soit pas au fait de l’une des intrigues les plus connues de la culture populaire occidentale ? Ce film de et avec Kenneth Brannagh succède à la dernière adaptation en date : en 1974 par Sidney Lumeth. Vous le savez surement, Agathie Christie maîtrise le genre du whodunit. Comprendre littéralement le « qui l’a fait » ? Car un meurtre est toujours au coeur de l’intrigue et tout son sel réside dans son déroulement et sa compréhension.
C : Et l’un de ses héros majeurs est Hercules Poirot, dont l’Orient-Express est l’une des aventures les plus connues.
B : Absolument. Le détective belge est joué par Kenneth Brannagh, acteur de théâtre, qui a un peu réalisé un film à sa propre gloire. Il cabotine à mort. Il prend l’accent bizarro belge “hon hon baguette Manneken-Pis mon ami”. Et avant de monter dans ce fameux train pour Jérusalem, il nous assène d’un étrange discours moralisateur. Du genre à rapprocher les peuples et les religions avec un peu de flair et de déduction. Bon. Je ne suis pas sûr.
Appellé vers l’est pour un autre mystère, son train va se retrouver bloqué plusieurs jours après une avalanche. L’un des quelques passagers, Ratchett, le riche américain, est retrouvé mort de 12 coups de couteaux. Bientôt, on découvre qu’il a trempé dans une affaire d’enlèvement qui a brisé tout une famille étendue. Ainsi démarre le mystère.
[EXTRAIT BANDE ANNONCE.]
B : Ce train, c’est un peu un calendrier de l’Avent, où on trouvera une star derrière chaque porte. Elles parleront à tous les publics : Johnny Depp dans le rôle de la future victime, Daisy Ridley, Judi Dench, Michele Pfeiffer, Willem Dafoe et Pénélope Cruz. Un casting all-star pour des rôles qui, ont le verra, ont tous un lien avec la victime. Le slogan de l’affiche le rappelle assez maladroitement : « ils sont tous suspects. »
C : Pas fin ouais. Et que vaut cet Orient Express nouvelle formule dans l’absolu ?
B : Bah c’est pas terrible. Peu de gens ne connaissent pas cette histoire, et les autres vont vite comprendre ce qu’il en est vraiment. Brannagh fait son maximum pour trouver un accent crédible, s’y tient, mais a dû mal à sauver un film un peu immobile, paradoxalement. On y trouve même une ou deux scènes d’action inédites qui ne vont nul part, sinon nourrir les bandes-annonces. Le meilleur point du film ? Une lecture convaincante d’Hercules Poirot, personnage passionnant et mythologique. Celui-là a un petit quelque chose de fatigué et crépusculaire, c’est assez cool. Avec Dafoe, Cruz et Pfeiffer, qui tirent les meilleures épingles du jeu, ils baignent dans une ambiance à peine rétro. Un microgramme rétro.
C’est le problème : le Crime de l’Orient Express peine à installer une licence artistique. Il peine à installer son mystère. Il peine à installer un rythme. Il peine surtout à installer ses enjeux.
C : Et toi, tu peines à installer ton enthousiasme pour ce film.
B : Jusqu’à présent, je parle de trucs très inégaux sur les Croissants, non ?
Il y a deux trois plans bien chorégraphiés qui réveillent mais, dans l’absolu, ce sont des effets de manche. Au mieux, tu y vois un petit divertissement grand public bien calibré pour les fêtes, j’y vois surtout un concours de cachets. Par contre le film marche très bien, avec un minimum de 100 millions de revenus il a doublé sa mise. Je trouve ça un peu mou et opportuniste mais, euh, c’est pas Le Monde Secret des Emojis.
C : Bon pas fou mais acceptable, quoi. J’espère en tout cas que ce fichu Monde Secret des Emojis n’aura pas abaissé définitivement toutes tes attentes cinématographiques. À la prochaine Benjamin ! Et n’oublie pas de valider ton titre de transport.
B : C’est ça. Et n’hésitez pas à continuer à vous abonner, j’ai un Paris-Chartres à prendre et je ne voudrais pas casser mon PEL !
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