Corentin : J’accueille Benjamin Benoit qui va nous parler d’un mauvais film, d’un très mauvais film. Et surtout : d’un mauvais film motivé par de terribles raisons. Salut Benjamin ! Explique nous pourquoi tout ça est très mauvais...
Benjamin : Salut Corentin. Voilà la version courte : Le Monde Secret Des Emojis est une énorme promotion déguisée au service d’un film sans qualités, et il est probablement dangereux pour sa cible. Maintenant, la version longue…
C : Le film a été annoncé par Sony en juillet 2015. Côté public, jamais personne n’a cru en lui.
B : C’est vrai. Le public, donc nous, avait peur d’un gigantesque placement de produit sans vrai scénario. L’idée a universellement été reçue avec crainte et moqueries. Elles se sont avérées justifiées. Sorti le 18 octobre 2017 chez nous, il récolte 8% de notes positives chez l’agrégateur Rotten Tomatoes et plafonne à 12% sur le site Metacritic. C’est abyssal. Le triple de ce score est déjà signe d’un très mauvais film.
[EXTRAIT 1]
C : Et de quoi ça parle ?
B : De l’intérieur du portable d’un ado américain. Dans cet univers inspiré de Vice-Versa, Gene, un Emoji « bof », va accomplir le rêve de sa vie. Il est enfin choisi pour être utilisé dans un texto. Mais il n’arrive pas à rester « bof » au bon moment, car il a la capacité d’exprimer tout une palette d’émotions. Démarre alors un voyage initiatique dans les applications du téléphone pour comprendre ce qui ne va pas chez lui et régler le problème. Le cliché veut que tous les films d’animation du monde parlent de deux choses : rentrer chez soi ou apprendre à intégrer son environnement. Ici, c’est un peu des deux. Gene va rencontrer une hackeuse-émoji pour modifier son code, et ça va se finir très bien, en chanson pénible et en danse PÉNIBLE, appelée Emoji-Pop. Ca force sévère. Tous les clichés du genre sont là, « le menteur révélé », le personnage secondaire pénible, la séquence de danse du malaise, l’obstacle au bon moment, etc.
Sans même s’attacher au fond du film, c’est la cata. Il ne fait qu’une heure vingt et il est quand même interminable. Jamais drôle, jamais divertissant, il n’a jamais d’idées. Pour un scénario similaire, c’est l’anti-Vice Versa. Le Monde Secret Des Emojis n’a aucune âme. Il donne l’impression d’avoir été écrit par des algorithmes. Une hypothèse qui se tient avec le gros manque de cohérence du film, d’ailleurs.
[EXTRAIT 2]
Oh bah super, en plus c’est très vaguement raciste.
C’est une oeuvre très très générique et sans aucune aspérité. Elle ne procure aucune émotion.
C : Et dans le fond ?
B : Si seulement ce n’était qu’un très mauvais film ! Deux choses le plombent encore plus.
La première, c’est qu’il s’agit d’un film Sony, donc d’un constructeur de portables, qui parle… d’un portable. Les partenariats de ce film sont TRÈS VISIBLES. On y voit des placement de produits dantesques. Tu n’as jamais vu le logo Candy Crush Saga aussi grand sur un écran de cinéma. Tout une séquence de film y est dédiée. Réciproquement, dans le jeu, tu peux actuellement interagir avec les personnages du film. Il y a donc un eu un contrat croisé avec King.
Dix minutes du film sont consacrées à l’application Just Dance. Oui, oui, on parle bien d’un des jeux phare d’Ubisoft. Enfin, cette mention de Spotify, que Gene utilise pour dévaler l’onde sonore vers d’autres aventures, n’était pas très discrète. Mais plus qu’intrusifs, ces placements sont partiaux et pas naturels pour un sou. L’ado du scénario a Crackle d’installé sur son portable, et pas Netflix, son équivalent bien plus connu.
C : Et laisse moi-deviner… Crackle est un produit Sony !
B : Bingo ! Et tu peux trouver une raison cynique à plein de choses. L’application WeChat y fait une apparition rapide, mais personne n’utilise WeChat, sauf en Chine ! Très bonne raison pour plaire au box-office chinois ! Est-ce vraiment le genre de mentalité que tu veux exposer aux jeunes générations ?
C : Et alors hormis ce mélange des genres douteux, tu m’avais parlé d’une deuxième chose qui plombait énormément le film.
B : Eh bien, Sony a donc pondu un film tout nul, sans âme et cynique. Mais surtout, il témoigne d’une méconnaissance profonde de la culture Internet. Les trolls y sont représentés comme des identités moches, des sorte de virus, et pas comme, par exemple, un connard nuisant derrière son écran. Vincent Manilève, sur Télérama, a relevé une ironie incroyable : dans une scène, le personnage féminin y est sauvé par l’oiseau Twitter. Je doute qu’on puisse en faire une métaphore filée, tant le site croule sous les accusations de complaisance avec le harcèlement.
Le cloud et l’application Dropbox deviennent une sorte de paradis cool pour données. Oui, enfin, seulement si on omet qu’en 2014, c’est précisément le cloud d’Apple qui a fait fuiter de nombreux nudes d’actrices célèbres. Pour résumer, non seulement ce film est vide et con, mais il apprend n’importe quoi aux publics non-avertis, donc aux générations futures qui ont une tablette dans les mains de plus en plus tôt. Et c’est, de manière transparente, l’objectif du film. Le monde Secret Des Emojis est peut-être le film le plus mauvais et néfaste qu’a sorti Hollywood cette année.
C : Hé bien, on pourra toujours se consoler avec Bad Buzz ou Alibi.com. Allez, à la prochaine Benjamin !
B : Fait pas ça Corentin !!!
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