Corentin : Un des poncifs de la presse cinéma, c’est de rechercher qui sera le prochain Hayao Miyazaki. Plusieurs noms ont déjà été cités, comme Makoto Shinkai, le réalisateur de Your Name, ou encore Naoko Yamada, réalisatrice de A Silent Voice. Mais celui qui truste les pronostics de tête, c’est Mamoru Hosoda, à qui l’on doit entre autres Summer Wars et Les Enfants Loups. Et c’est de son dernier film dont tu viens nous parler, Thomas.
Thomas : Salut Corentin. Oui, Mirai, ma petite soeur, sort sur les écrans français le 26 décembre 2018, et c’est très bien. Il est distribué par Wild Bunch, donc il devrait bénéficier d’une couverture nationale pas trop mal pour un film d’animation japonaise.
Corentin : Merci pour ces précisions, mais rentrons dans le vif du sujet : de quoi parle Mirai, ma petite soeur ?
Thomas : Mirai suit Kun, petit garçon âgé de 4 ans. Il vit à Yokohama, dans la belle maison retapée par ses parents. Le film commence avec le retour des parents à la maison, accompagnés d’une étrange troisième personne : un bébé. Il s’agit de Mirai, la petite soeur de Kun.
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Kun, c’était ta maman ! Elle arrive. Je te présente ta petite soeur. Elle s’appellera Mirai, ça veut dire l’avenir. Tu seras gentil avec elle. Tu la protégeras.
Evidemment, Kun va avoir du mal à s’accommoder de cette intruse qui accapare toute l’attention de maman. Et c’est pas papa, qui découvre les joies de la vie domestique depuis qu’il est devenu freelance, qui va changer les choses. Du coup, Kun se réfugie dans les trains, qui sont sa grande passion. Et parfois, lorsqu’il traverse la cour qui relie les pièces principales à la salle de jeux, des phénomènes fantastiques ont lieu : Kun est transporté dans de nouvelles dimensions, où il rencontre des personnes étonnantes.
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Je vais te dire exactement ce que tu ressens en ce moment. Tu es jaloux, c’est tout. Vous êtes qui ? Je suis le prince, mon cher.
Ces rencontres ont souvent lieu alors que Kun traverse un moment de colère, de peur ou de jalousie, et l’aident à mûrir un peu.
Corentin : Au vue du pitch, j’ai bien l’impression qu’on a affaire à un film dans la droite lignée de la filmographie de Mamoru Hosoda, avec la famille et le fantastique.
Thomas : Tu ne crois pas si bien dire. Le cinéma de Hosoda met très souvent la famille au coeur du récit, comme dans Summer Wars et Les Enfants Loups, les deux films que tu as cité en introduction. De fait, il a imaginé le film - dont il est également scénariste - en observant les réactions de son fils après la naissance de sa fille. Notons que le fils d’Hosoda se nomme Kon, et que sa fille s’appelle… Mirai.
Corentin : Tu es en train de nous dire que Mirai, ma petite soeur est un film autobiographique ?
Thomas : Alors non, ne poussons pas non plus le bouchon. Mais le réalisateur a abondamment puisé dans son quotidien pour écrire ses personnages. Lui-même travaille à la maison et a découvert ce qu’est la charge mentale que subissait sa femme jusque-là. Lui-même a dû faire face aux colères de son fils refusant de partager l’amour de ses parents avec sa petite-soeur. Toutes ces réactions sont inspirées de faits réels.
Corentin : C’est Baby Boss 2, quoi.
Thomas : Je ne me laisserai pas avoir par ton trolling gratuit. Mais si l’on devait trouver une comparaison, je rapprocherais le personnage de Kun à celui de Mei dans Mon Voisin Totoro : ils ont le même âge, ils sont confrontés tous les deux à la nouveauté, et ils s’ils sont tous les deux peureux, ils trouvent le courage d’affronter leurs craintes après l’intervention de phénomènes fantastiques.
Dans l’évolution de Kun, on voit aussi l’évolution de sa famille. Son père devient un peu plus dégourdi. Sa mère le gronde moins et lui accorde plus d’attention. C’est vraiment un film collégial sur la famille et son rôle dans notre construction en tant qu’individus. C’est presque un film sur le miracle de la vie.
Corentin : OK pour le propos du film, on voit bien le film d’apprentissage sur fond d’histoire de famille. Mais d’un point de vue formel, ça donne quoi ?
Thomas : Comme les autres productions de Hosoda, c’est très bien. L’animation est fluide et dynamique, il y a des idées très intéressantes dans le mouvement des caméras qui suivent l’architecture de la maison, et la CGI se fait discrète. Surtout, on appréciera l’utilisation de différentes techniques d’animation pour donner vie aux mondes imaginaires que va découvrir Kun dans ses moments de détresse. Ca ajoute à l’aspect fantastique de ces scènes à part. Le tout est enrobé de la musique de Masakatsu Takagi, qui travaille avec Hosoda depuis Les Enfants Loups.
Corentin : Bon, j’en déduis que le film est bien, donc, non ?
Thomas : Oui, le film est très bien. Mais bien qu’il partage des thématiques chères à Hosoda, il diffère pas mal de sa filmographie jusqu’ici. Tu l’auras compris, Mirai, ma petite soeur est le film le plus intimiste du réalisateur jusqu’ici. Forcément, ça parlera donc moins à des adolescents qu’à des jeunes parents qui sont directement confrontés aux situations mises en scène. Cependant, le message universel porté par le film, sa réalisation impeccable et l’écriture des personnages rend l’ensemble réjouissant. De ce côté du micro, c’est survalidé. Notons que le film est en lisse pour le prix du meilleur film animé de la 76e cérémonie des Golden Globes.
Corentin : Bon ben on sait qui tu soutiendras le moment venu. Rappelons que Mirai, ma petite soeur, sort le 26 décembre 2018, qu’une salle pas trop loin de chez vous devrait le projeter, et que c’est validé par l’ami Thomas. A bientôt !
Thomas : A bientôt !
« Miraï, ma petite sœur » : dur dur d’être plus vraiment un bébé
Après « Les Enfants loups » et « Le Garçon et la Bête », le prolifique Mamoru Hosoda revient avec son nouveau film d’animation : « Mirai, ma petite sœur ». Comme souvent avec le réalisateur, la famille est une thématique centrale. Et c’est Thomas Hajdukowicz qui va nous dire ce qu’il en a pensé !
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