Red Sparrow : un film d’espionnage aussi bancal que dérangeant
C : Aujourd’hui, Morgane Giuliani va nous parler de Red Sparrow, un film d’espionnage réalisé par Francis Lawrence, avec Jennifer Lawrence dans le rôle-titre. Il est en salles le 4 avril.
M : Red Sparrow est tiré du polar éponyme publié en 2013, qui a été un best-seller international. Il a d’ailleurs reçu le Prix du roman SNCF, bravo à lui. Red Sparrow, c’est l’histoire assez horrible de Dominika Egorova, une ballerine russe habitant Moscou, dont la carrière s’interrompt brutalement le jour où elle se casse la jambe sur scène. Elle est jouée par l’Américaine Jennifer Lawrence, Oscarisée pour Happiness Therapy et à nouveau nommée en 2017 pour le perturbant Mother! Grâce à Red Sparrow, elle renoue avec Francis Lawrence, le réalisateur de la trilogie Hunger Games, qui l’a faite connaître.
C : Dans Red Sparrow, l’oncle de Dominika, qui travaille dans les renseignements russes, lui propose alors de mener des petites missions d’espionnage pour lui.
M : En fait, il ne lui laisse pas le choix, puisque l’appartement où Dominika vit avec sa mère malade est payé par l’État. Sans son travail à l’Opéra, elle ne peut plus y prétendre. Et c’est le début des ennuis pour l’ancienne danseuse :
[EXTRAIT 1]
https://www.youtube.com/watch?v=bAc5oVB9eeI
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C : Comme souvent dans les histoires d’espion qui tournent mal, Dominika assiste à une scène à laquelle… elle n’aurait jamais dû assister.
M : Elle est chargée de voler le téléphone d’un homme d’affaires en l’entrainant dans sa chambre d’hôtel sauf que patatras, les renseignements russes décident de le tuer sous ses yeux. Ce qui fait d’elle une témoin. Elle se retrouve alors prisonnière des volontés de son oncle, à qui l’on peut décerner la Palme du pire oncle de l’univers. Il est interprété par le Belge Matthias Schoenaerts, dont la ressemblance avec Vladimir Poutine est assez perturbante vu le contexte du film.
C : C’est là que le film part dans tous les sens.
M : Dominika est envoyée dans une école de formation des “red sparrows”, les “moineaux rouges”. L’idée est d’enseigner à de jeunes et beaux espions l’art et la manière de manipuler n’importe qui, par l’esprit et son corps.
EXTRAIT 2
0:47 - 1:28
M : Cette école de la manipulation se traduit par des “leçons” humiliantes, profondément dérangeantes. On demande aux élèves d’aller toujours plus loin dans l’abnégation, le déni de soi. Le viol en tant que tel n’existe pas, puisqu’on dit aux femmes que leur corps appartient à l’État. Elles n’ont plus d’intégrité physique ni émotionnelle. Le personnage de Jennifer Lawrence essaie néanmoins d’y résister, mais elle est punie pour s’être débattue face à un camarade qui tente de la violer. La directrice de cette école horrible est jouée par la Franco-britannique Charlotte Rampling, assez glaçante dans ce rôle très caricatural. La violence de ce qui se joue est telle qu’elle paraît parfois absurde, anachronique, ou en tout cas, pas justifiée. On a du mal à croire que la Russie de 2017, car le film se passe de nos jours, aie des méthodes de formation aussi dures.
C : Ce décalage fait de Red Sparrow un film dérangeant.
M : Le roman est écrit par un ancien espion, cela a été beaucoup mis en avant parce que, forcément, ça donne un espèce de sceau d’authenticité. Ce n’est pas un James Bond avec des petites réparties drôles balancées en pleine action. Mais à quel prix. Si vous avez du mal avec les violences faites aux femmes, et/ou la violence tout court, mieux vaut éviter. Le personnage de Dominika est maltraité de bout en bout, et ne connaît pas de répit pendant les 2h20 du film. C’est très long. Elle est violée, battue, humiliée, insultée, dénigrée, manipulée. C’est un vrai acharnement, qui finit par être épuisant à regarder, notamment parce que le corps de Jennifer Lawrence est le coeur du film. Elle en est sans cesse dépossédée, et elle essaie, sans cesse, de se le réapproprier. Elle apparaît nue à plusieurs reprises, ce que l’actrice a vu, néanmoins, comme un moyen de reprendre le contrôle de son image. En 2014, des photos privées d’elle nue, et de nombreux autres célébrités féminines, avaient été publiées sur Internet. Ça avait créé un vrai scandale et l’homme à l’origine de cette fuite d’images a été condamné à 18 mois de prison.
C : Au point qu’on se demande qui est réellement son personnage, Dominika.
M : Le personnage de Dominika est un comme une toile vierge sur laquelle l’histoire se peint. Parfois, elle se laisse aller à des accès de violence, et c’est intéressant de la voir s’endurcir, mais on ne sait pas d’où lui vient cette force. On sait juste qu’elle est dévouée à sa mère, mais celle-ci n’apporte rien à l’histoire et ne fait rien pour l’aider à échapper à son oncle. Elle est à côté de la plaque, et ça la rend très agaçante. Le jeu de Jennifer Lawrence est très dur, glacial, il y a une distance difficile à dépasser en tant que spectateur. Mais quand elle fend l’armure dans les pires moments, elle émeut.
EXTRAIT 3
1:29 - 1:56
C : Une lueur d’espoir apparaît dans la vie de Dominika lorsqu’elle est chargée de se rapprocher d’un espion américain.
M : Après ses mésaventures à l’école des moineaux, Dominika est chargée de découvrir qui est une taupe au sein du gouvernement russe. Pour ce faire, elle doit séduire Nathaniel Nash, un agent secret américain qui était en contact avec cette taupe. Ce dernier est lui-même chargé par le gouvernement américain de recruter Dominika en tant qu’agent-double. Inévitablement, une petite romance s’instaure entre les 2 personnages. C’est là que le film commence à avoir un intérêt, parce qu’on n’est jamais sûr, jusqu’à la fin, des intentions et de l’allégeance de Dominika. L’agent américain est joué par l’Australien Joel Edgerton, qui fait bien le job mais est malheureusement abonné aux films pas terribles. Je vous conseille de le voir en père de famille protecteur face à des zombies dans It Comes At Night, super film post-apocalyptique sorti en 2017.
C : Est-ce qu’on va voir Red Sparrow alors ?
M : Si vous aimez Jennifer Lawrence, pourquoi pas. Même si ce n’est pas son meilleur rôle, elle ajoute avec talent et charisme une nouvelle corde à son arc : le film d’espionnage. En soi, le film tire sur la longueur, et malmène son personnage principal de bout en bout, et donc, le spectateur avec. Mais la seconde partie est quand même portée par un suspense assez prenant, ce qui rattrape un peu le tout. Un autre détail perturbant pour terminer : le film se passe à Moscou. Avec principalement des Russes. Mais ils parlent anglais entre eux. Dominika parle même anglais avec sa propre mère, qui est pourtant russe et ne travaille pas avec des étrangers, donc elle n’a aucune raison de parler anglais. Ça n’a pas de sens. Sur ce point-là, la réalisation a été feignante et c’est bien dommage. Le film aurait paru plus réaliste si les Russes avaient parlé russe.
C : Red Sparrow est en salles le 4 avril. Merci Morgane Giuliani et à bientôt !
« Red Sparrow » : un film d’espionnage aussi bancal que dérangeant
Jennifer Lawrence s’essaye au film d’espionnage avec « Red Sparrow », dans lequel elle tient le rôle principal. Morgane Giuliani est allée voir ce film particulièrement dur et qui compte malheureusement de nombreux défauts.
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