[ANGEL CHOIR]
Benjamin : J’ai vu… un bon film. Un super bon film. J’ai vu un bon film pour les Croissants. Vous êtes tous bénis. Avancez en paix vers la lumière…
Corentin : Ok. Benjamin est devenu zinzin. Il a vu un truc acceptable, maintenant il est passé de l’autre coté. C’est bête, il n’y aura plus que des films plan-plan sur les Croissants. Comment le faire revenir ? Attention Benjamin, y’a Adam Driver dans le studio !
B : Oh c’est lui qui en fait des tonnes. Disons-le comme ça. Souvenez-vous de la joie ressentie quand un film a provoqué de nombreuses attentes et, qu’une fois sortie, elles sont toutes comblées et elles les dépassent un poil. EH BIEN c’est ce qui arrive avec le dernier film d’Hirokazu Kore-Eda, Une Affaire de Famille. OH MAIS CE TITRE. Shoplifters était son titre international avant le festival, mais les distributeurs n’ont pas résisté aux sirènes de la facilité… bon, c’est peut-être le bon moment pour que le grand public consacre un cinéaste japonaise d’importance. MAIS OH C’EST LA PALME D’OREUH. Et l’un des plus lumineuses ces dernières années. On a pas parlé de The Square sur les Croissants, I Daniel Blake, Dheepan et Winter Sleep sont tous très sombres à leur manière.
C : Et c’est déjà le deuxième film de Kore-Eda que tu chroniques dans les Croissants. Comme le temps passe vite !
B : Bon non pas du tout c’était il y a six mois. Et en substance, je prenais toutes les circonvolutions polies pour dire « c’est pas mal, mais c’est un peu chiant quand même ». Mais le plus important, je vais le répéter. Kore-Eda est lui-même marié à un concept. Il triture et détricote la famille, il la déconstruit, il la prend sous plusieurs angles, de plus en plus subversifs. Bref, Still Walking, Notre Petite Soeur, Après LA Tempête, le thriller pas terrible et maintenant Shoplifters, alias Une Affaire De Famille. BANDE ANNOOOOOOONCE !
C : Effectivement, la bande-annonce
B : On a tous attendu collectivement SIX MOIS pour le voir donc je pense que vous connaissez le scénario, alors au lieu de le pitcher je vais vous décrire le début du film. Osamu, une grande bajasse entre deux âges, se livre à une partie de vol à l’étalage avec son fils facétieux. Ils s’amusent, ils ont même oublié de piquer du shampoing. Sur le chemin du retour, ils croisent la route d’une gamine malheureuse sans foyer. Elle est très manifestement battue. Donc hop, ils la prennent avec eux, et l’emmènent dans leur foyer : un tout petit espace rempli de larcins, où cohabitent maintenant six personnes, il y a environ un mètre carré par âme qui vive.
C : Faisons un petit portrait de famille, tu veux bien ?
B : Donc on a un père, un fils, une maman qui elle aussi pique dans les poches des gens qui passent à son travail dans une blanchisserie. Une fille qui fait du peep-show et met des pull tueurs de puceaux, c’est à la mode, regardez ce que c’est sur Google. On a la mamie, Kirin Kiki dans son rôle terminal, qui elle aussi est un peu félonne et n’est pas la dernière des manipulatrice… elle avait un poil le même rôle dans après la Tempête. Et on a donc un nouvel élément, une gamine. Qui a été enlevée ? Bah, non, parce que je cite : « personne ne demande de rançon ». Donc la question est éludée vite fait et ainsi commence ce portrait hautement subversif.
C : Subversif.
B : Bah oui, comprends bien que la famille, au Japon, c’est sacré. C’est cinq papes sur un tapis roulant. On y touche pas, et surtout pas à la structure familiale, on dit amen aux ainés etc etc. La famille, on la respecte. Et dans ce film, Kore-Eda dit l’exact inverse, en parlant d’une groupe de personne qui a des liens qu’ils se sont choisis. Ils se sont tous receuillis les uns les autres, et on plonge dans des maux sociétaux qui ne se montrent pas. Les désoeuvrés, les travailleurs du sexe, la solitude… et pas mal de choses que j’omet volontairement car ce film est à tiroir et ce pitch réserve quelques surprise. Kore-Eda comprends vite qu’on va adhérer et prendre du plaisir avec ce postulat, et il garde quelques cartes en réserve pour un récit somme toute assez sombre.
[BANDE ANNONCE 2]
C : Mais lumineux dans sa globalité.
B : C’est un pitch déjà rondement mené, mais à mi-chemin, le film rentre dans un état de grace - chaque scène est importante, elle a du sens, et elle provoque quelque chose en toi. Souvent une petite larmichette. Quelque part, il franchit un truc, et devient déchirant. Dans sa représentation des espaces, des corps, des relations. Tout sonne affreusement vrai, surtout dans un Japon qui va silencier fort ce film où on ne recommandera pas de reproduire grand chose de diffusé à l’écran. Le ramage est bon, le plumage est bon, c’est facétieux, dramatique, la réalisation est là. Elle est maligne, bieeeen plus passionnante que dans The Third Murder. C’est simple et subtil à la fois, c’est du tout bon, et on atteint les sommets de cette année dans la deuxième partie.
C : Est-ce qu’Une Affaire De Famille est recommandé par les Croissants ?
B : C’est marrant, ma première critique ciné de l’année c’était The Florida Project, et on referme 2018 sur d’autres laissés pour compte. OUI. Recommandé très très fort, il n’est pas énormément distribué, et c’est l’occasion de découvrir Kore-Eda à son meilleur. Oui. Trois fois oui, oui oui oui, Une Affaire de Famille est excellent et subversif. Le japon officiel le déteste ! Moi, j’ai adoré. Et hey ! Coté animation, à Mamoru Hosoda, dont le nouveau film, Mirai, sort très bientôt au cinéma aussi.
B : C’est à vous !
C : A aussi voir en famille, ou pour un plaisir solitaire, mais le plus vite possible, même s’il a fait un bon démarrage. Merci Benjamin, et merci pour cette première année complète de chroniques ! Qu’est-ce que tu as vu de meilleur ici en 2018 ?
B : Eh ben c’est probablement ce dont on vient de parler. C’est dire mon enthousiasme. On se retrouve en 2019 les loulous, et prenez soin du rock & roll.
« Une Affaire de Famille » : Kore Eda polémique, mais magnifique
Ce n’est pas un Japon qu’on a l’habitude de voir. C’est le Japon des laissés pour compte. Celui de la précarité. Celui où les liens de la survie sont plus forts que les sacro-saints liens de la famille. « Une Affaire de Famille » d’Hirokazu Kore Eda a eu la Palme d’Or en 2018 et pour Benjamin Benoit, c’est amplement mérité.
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