3 millions de produits détruits par Amazon : le système de la grande distribution remis en cause
Corentin : C’est une révélation qui a fait polémique pour ce début d’année, Amazon détruit des millions de produits chaque année en France. Camille Suard est là pour nous parler de ce gâchis en masse et désastre écologique.
Extrait 1
Camille : On vient d’entendre un aperçu du reportage de l’émission Capital diffusé sur M6 qui a montré, grâce à des caméras cachées et un journaliste travesti en manutentionnaire, les dessous d’un entrepôt dans le Loiret, du géant de l’e-commerce. Ce dernier dispose de tout un service entièrement dédié à la destruction de produits.
Co : Ce genre de pratique existe et permet aux sociétés commerçantes de se débarrasser de ses invendus et produits abîmés.
Ca : Oui, tu as raison, ça n’a rien d’exceptionnel, mais à l’échelle des hangars d’Amazon on arrive à un chiffre de 3 millions d’objets condamnés en France. En plus de l’infiltration du journaliste, des anciens employés ainsi que des syndicalistes ont témoigné pour cette enquête. C’est de cette manière qu’on a appris que le petit entrepôt de Chalon-sur-Saône a exterminé 293 000 produits en seulement 9 mois.
Extrait 2
Ca : Il s’agit encore d’un extrait du reportage de Capital qui explique donc qu’une grande variété de produits sont concernés : ceux de première nécessité comme les couches pour bébés aux jouets en passant par de gros appareils de loisirs tels que des téléviseurs.
Co : Mais c’est légal tout ça ?
Ca : Malheureusement oui. Il existe un accord entre Amazon et les vendeurs de sociétés tierces présents sur la boutique en ligne. Tous les articles que l’on voit sur cette dernière ne font pas juste figure de vitrine : mais sont présents au sein même des entrepôts d’Amazon, avant même leur achat. Et si invendus il y a, les produits sont soit renvoyés aux vendeurs de départ, soit…
Co : ... soit ils sont détruits. Mais comment on en arrive à privilégier la destruction ?
Ca : Un article intéressant sur le site MiniMachines par Pierre Lecourt nous rappelle justement comment c’est arrivé. Il rappelle comment un changement total des modèles de distributions a été permis grâce à la création d’Alibaba ou encore d’eBay. Ces nouveaux acteurs ont rendu l’importation plus simple grâce aux revendeurs, avant de voir arriver les fameux marketplaces sur des sites comme RueDuCommerce.
Co : Et c’est là que Amazon a voulu aussi en profiter, le site a accepté d’accueillir des vendeurs extérieurs... en ajoutant en plus un service tout compris, allant au-delà de l’affichage de la boutique : le stockage des produits et leur expédition.
Ca : Exactement Corentin ! Le distributeur suit alors toute la chaîne des commandes et livraisons de la plupart des produits vendus sur son marché. Tous les produits arrivent en masse, de tout horizon, dans les stocks créés par Amazon. Du coup c’est une affaire rentable des deux côtés. Les vendeurs peuvent ainsi se passer des grossistes, et envoyer leurs produits directement vers Amazon pour éviter de voir leur marges se réduire à cause des revendeurs qui prennent leur part. Avec moins d’intermédiaires, les vendeurs ont moins de choses à faire et il s’enrichissent.
Co : J’imagine qu’Amazon fait payer au mètre cube ses entrepôts ?
Ca: Exactement et pour favoriser des cycles courts, c’est un tarif évolutif, en plus de se mettre des commissions dans les poches. Le prix pour stocker au mètre se trouve particulièrement bas au départ, autour de 25 euros selon Capital, ce qui attire, pour vite grimper. Du coup il vaut mieux que tout se vende vite, très vite même pour les vendeurs car sinon ils risquent de perdre de l’argent : nous on connaît le prix à l’achat des produits, eux ils ont le coût de fabrication. Autant dire qu’une boîte cartonnée avec un petit Playmobil à l’intérieur... ça vaut pas le coup de payer si cher de stockage pour espérer le vendre puisque le fabriquer coûtera moins cher !
Co : Voilà comment on explique le turn over, voilà comment on explique toute ces destructions massives chaque année. Bon d’accord c’est légal mais ça a de quoi ne plus l’être, question écologie et éthique c’est indéfendable.
Ca : Oui je ne vois pas comment on pourrait défendre un tel système en 2019. Amazon France tente cependant de minimiser et de se donner bonne conscience en envoyant certains invendus et abîmés à des organisations de type Dons solidaires pour aider les plus démunis. Si cela pouvait se généraliser ça irait, ce serait même, très bien. Mais quand on voit le chiffre 3 millions de produits détruits, on se dit qu’il y a encore énormément à faire.
Co : Et puis ça n’arrange sûrement pas les fabricants de révéler la véritable valeur de leurs produits vendus à prix fort... Il y a déjà des actions de faites ou des réglementations prévues pour réduire l’ampleur de ce phénomène ?
Ca : Des associations ont déjà tiré la sonnette d’alarme, ont déposés des dossiers et argumentent sur le non respect du Code de l’environnement. D’après l’asso Les amis de la Terre par exemple, Amazon mentirait à propos des règles de reprise de déchets électroniques. Du côté du gouvernement, c’est mitigé. D’un côté on peut comprendre et espérer de la réaction outrée de notre secrétaire d’État à la transition écologique Brune Poirson. On se dit que ça y est, il n’y a plus la possibilité de fermer les yeux, des mesures vont forcément être prises : le parlement devrait débattre très prochainement d’une présupposée future loi qui limiterait les dégâts et imposerait des sanctions. Mais si on revient sur la réaction catastrophée du membre du gouvernement madame Poirson… ces pratiques sont en réalité connues depuis des années dans l’industrie, et qui concerne l’ensemble de la grande distribution donc bon...
Co : « Pretends to be shocked »
Ca : Hahaha oui voilà un mème approprié que j’aime beaucoup et qui collerait à la situation. Soit elle feinte de ne pas savoir et d’être choquée, soit elle ne savait vraiment pas et du coup et bien et bien...
Co : ... Et bien la transition écologique c’est pas pour maintenant !
Ca : Ouais, si ceux qui sont censés travailler sur le dossier n’ont aucune connaissance sur le sujet on a pas fini. Mais aussi, ça montre qu’il n’y a aucun contrôle, que l’industrie peut un peu faire ce qu’elle veut, elle se place au-dessus de toute considération éthique comme tu le disais un peu plus tôt.
Co : L’économie, au-dessus de l’écologie et de l’éthique ! Quelle belle époque nous vivons-là. Comment pourrait-on à notre échelle limiter ce monstrueux gâchis ?
Ca : Arrêter de commander sur Amazon ?
Co : En masse alors et Amazon limite ses stocks ou disparaît ? Sinon ça va rajouter des invendus mon dieu nous sommes coincés !
Ca : Si tu commandes chez Amazon, par pitié ne renvoies pas un article s’il est un peu abîmé ou pas de la bonne taille ou couleurs... offre le à ta cousine ou à une asso que sais-je. Sinon il risque très très fortement de prendre un aller simple, ou un retour simple même, direction la poubelle ou l’incinérateur... Parce que oui, on a pas parlé des méthodes de destructions mais les articles neuf ou quasi neuf sont systématiquement envoyés à la benne pour être soit enfoui, soit incinérés. Je te laisse imaginer l’ampleur des dégâts d’un point de vue écologique !
Co : Pas sympa du tout pour la planète et les générations futures ! Et si on donne volontier un carton rouge à Amazon, c’est en réalité tout un système qui est complice et condamnable. Notre société de consommation est amatrice du neuf et pourtant il suffirait bien souvent de juste réparer pour déjà éviter beaucoup de gâchis. Merci Camille, et à bientôt !
3 millions de produits par an détruits par Amazon : de mal en gaspi
Ce sont des images qui ont marqué les esprits. Le dimanche 13 janvier 2019, le magazine de M6 « Capital » montrait comment Amazon organise la destruction de produits neufs et invendus. La révélation pour certains de procédés qui sont pourtant bien courant dans la grande distribution. On décortique tout ça avec Camille Suard.
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