Corentin : 75 000. C’est le nombre d’exemplaires vendus du premier numéro d’Ebdo en un week-end. Ebdo, c’est un nouveau journal papier disponible en kiosque et par abonnement. Un journal qui prend un gros risque : proposer du grand reportage, de la proximité et le tout… sans publicités et sans contenu sur le web. Angèle Chatelier, tu as épluché pour nous l’état de la presse papier en France pour voir si ce nouveau journal peut tenir la route.
Angèle : Pendant des années Corentin, nous nous sommes alarmés de la mort imminente et inévitable de la presse papier. (BRUIT ORAGE ?)
Mon dieu à cause de l’Internet, des réseaux sociaux, des jeux vidéo, des smartphones, plus personne ne tient jamais un journal et ne s’informe !!
C : Saletés de millenials !
A : Alors qu’en réalité : que nenni. Si la situation reste inquiétante pour la presse newsmagazine comme l’Obs ou l’Express dont les ventes ne cessent de baisser, la presse quotidienne régionale, ou PQR comme on dit dans le jargon, est au beau fixe. Sur 10 quotidiens nationaux, neuf étaient à la hausse en 2017 notamment La Croix.
Et sais-tu pourquoi ? Grâce à leur adaptation au numérique. On parlait de La Croix, 27% d’augmentation sur les abonnements numériques en 2017 ! Pas mal !
C : Pas mal en effet. Mais c’est une chose qui, visiblement, n’est pas la priorité des fondateurs d’Ebdo… un nouvel hebdo, justement.
A : Oui, l’Ebdo, sans « h ». Un nouveau journal papier sorti ce janvier et tiré à 200 000 exemplaires.
Ses fondateurs, ils sont 4 : Constance Poniatowski, ancienne rédactrice en chef de Femina. Mais aussi Laurent Beccaria et Patrick de Saint Exupéry qui avaient fondé jadis la revue de grands reportages, XXI. Et enfin, Thierry Mandon, oui, lui-même, ancien ministre socialiste.
Tous ont fait le pari que rien ne vaut un journalisme de qualité, qui refuse de coller systématiquement à l’actualité chaude, dont la priorité est de retrouver le lecteur. Pour s’en donner les moyens, Ebdo a d’ailleurs lancé une campagne de crowfunding en grandes pompes. C’est plus de 400 000 euros qui ont été collectés.
C : Ah oui, c’est une somme rondelette ! Ils sont d’ailleurs allés à la rencontre de leur public dans une sorte de tournée, c’est ça ?
A : Absolument, pendant plusieurs semaines, des ambassadeurs et journalistes de l’hebdo ont sillonné la France pour présenter leur projet.
Et ce projet, je l’ai actuellement entre les mains. Un journal épuré, qui traite aussi bien de sujets de société que de recettes de cuisine. Pas d’analyse politiques pleine de graphiques et de propos du chef d’État non, les journalistes de l’Ebdo veulent faire dans l’humain.
La mesure phare qu’à voulu mettre en place la rédaction de l’Hebdo, c’est aller chez l’habitant. Que ce soit pendant les reportages ou pendant cette fameuse tournée de présentation du projet. La journaliste Anouk Rapaport en a fait un reportage disponible sur le site internet de l’Ebdo (EXTRAIT 2)
Une autre mesure aussi étonnante qu’ambitieuse, c’est de pas avoir de rubriquage dans le journal. Et c’est la première chose que l’on peut noter en feuilletant l’Ebdo. C’est original ! Mais le revers de la médaille, c’est que le lecteur doit faire preuve d’une sacré curiosité. Aucun rendez-vous, difficile de faire des repères, bref, ça passe ou ça casse. Soit ça plait, soit ça plait pas.
Malgré tout, on peut souligner l’effort de ne pas se cantoner au chemin classique du news magazine : France, international, culture et sport.
C : Et si l’Hebdo n’a pas de contenu web, ils ont quand même mis en place La Source, une plateforme numérique pour recueillir des idées d’abonnés pour le journal
A : Surtout, la rédaction a pour objectif le grand reportage, celui qui se fait de moins en moins faute de moyens.
Résultat, il est prévu que la centaine de pages de l’Ebdo sortent tous les vendredi. Et.. particularité notable… le tout sans aucune publicité
C : Et c’est la singularité du journal aussi ambitieuse soit-elle ! Pour l’instant, il n’y a que le Canard Enchaîné qui n’a pas de publicité dans son journal
A : Et ce n’est pas étonnant. Si un magazine vit, ou survit aujourd’hui, c’est grâce à la publicité. Son prix et ce qu’il rapporte au journal dépendent du magazine, de son tirage, mais aussi de sa localisation.
Cependant, dans l’Hebdo, il y a zéro pubs. Pas même un encart.
C : Comment vont-ils vivre alors ?
A : Et bien, tout d’abord grâce à la levée de fond de 400 000 euros que le journal a faite. La plus grosse jamais réalisée en France pour un média. Pour le reste, Thierry Mandon s’est exprimé à ce sujet sur Europe 1 au micro de Philippe Vandel, on l’écoute (EXTRAIT 3)
En plus de cela, le journal s’appuie sur les bénéfices de 6 mois et XXI, les bébés précédents de ses fondateurs, mais aussi d’investisseurs privés. Ceux-ci ne peuvent représenter que 2 ou 3% du capital.
C : La première Une de l’Ebdo mettait en lumière une enquête sur la SNCF
A : Sans ménagement. Le souhait de toute la rédaction. Pas d’orientation politique, pas de faux-semblants.
Et le second numéro lui, sorti vendredi 19 janvier s’intéresse à ceux qui, je cite, « réinventent le travail ».
Ebdo est né, vive Ebdo, mais va-t-il pouvoir subvenir à ses besoins ? Réponse dans quelques années.
En tout cas, le journalisme ne se porterait pas plus mal d’avoir des publications qui rencontrent le succès du point de vue économique.
A : Merci Angèle Chatelier de nous avoir éclairé sur ce qu’était l’Ebdo. Maintenant, rendez-vous en kiosque chaque vendredi pour découvrir les nouveaux numéros. Vous avez aussi la possibilité de vous abonner sur le site ebdo-lejournal.com
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