Corentin : Aujourd’hui avec Geoffroy Husson de Tom’s Guide, on va parler de ces méchants fabricants qui passent leur temps à vendre des produits défectueux dans le but que les consommateurs les rachètent…
Geoffroy : Alors non Corentin, je t’arrête tout de suite, on ne va pas parler de ça.
C : Comment ça, on ne va pas parler d’obsolescence programmée ?
G : Si, mais pas du tout sous cet angle, et pas uniquement parce que je ne veux pas me fâcher avec les marques avec qui je travaille.
En fait, le 22 avril dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé une nouvelle mesure pour favoriser le recyclage, notamment des produits high-tech. Ils contiennent de nombreux composants métalliques et des produits chimiques, notamment dans les batteries, donc c’est plutôt une bonne chose que le gouvernement prenne les choses en main.
C : Mais il y a pas une histoire d’obsolescence programmée aussi ? On veut du drame Geoffroy ! Du complot, c’est ça que les auditeurs attendent.
G : Si, de fait. Puisqu’une des mesures que souhaite mettre en place le gouvernement, c’est de proposer un « indice de séparabilité » des produits. L’idée comme ça, c’est que tu puisses savoir avant même d’acheter un smartphone, un appareil photo ou une imprimante, si tu pourras faire remplacer tel ou tel élément s’il vient à se casser ou à tomber en panne !
C : Ah ah ! Pan ! Je le savais ! Une grosse tappe sur le bec d’Apple !
G : Mais qu’est-ce que tu as aujourd’hui Corentin ? On se calme !
Bon, j’y viens, puisque ça a l’air de tant te tenir à cœur. Depuis quelques mois, il y a en effet une association qui se veut en pointe sur la lutte contre l’obsolescence programmée. Elle s’appelle HOP, pour « halte à l’obsolescence programmée » et a effectivement porté plainte contre Apple. Mais rien n’indique que le constructeur soit condamné, loin de là…
C : Comment ça ?
G : En fait Apple a été attaqué par HOP en décembre dernier, lorsqu’on a appris qu’Apple avait fait une petite modification à son logiciel pour les plus anciens iPhone. En fait, le constructeur ralentit volontairement la puissance du processeur des vieux smartphones, comme l’expliquait le président de l’association HOP le 28 décembre 2017 sur France Inter.
[Insert France Inter]
C : Ah ben tu vois ! De l’obsolescence programmée !
G : Non, au contraire. Pour comprendre pourquoi Apple fait ça, il faut savoir comment fonctionne une batterie Lithium-Ion, celle qui équipe tous les smartphones. Au fur et à mesure des rechargements, elle va nécessairement perdre de l’autonomie. On ne peut rien y faire, c’est comme ça. Du coup, puisqu’un vieux smartphone aura une batterie plus usée et donc moins endurante, Apple choisit de brider le smartphone pour qu’il consomme moins d’énergie et que la baisse d’autonomie due à son ancienneté ne se fasse pas trop ressentir.
C : Ah mais en fait c’est pas mal.
G : Eh bien oui, Corentin, comme tu dis, c’est pas mal. Apple est loin d’être irréprochable dans cette affaire, notamment parce qu’ils ont fait cette mise à jour sans prévenir personne. Mais le but final n’est pas de rendre vos vieux appareils obsolètes. Au contraire, c’est pour que votre ancien iPhone continue à fonctionner plus de cinq heures d’affilée.
C : Mais ça veut dire que l’obsolescence programmée n’existe pas ?
G : Je n’irai pas jusque-là. Par contre, il y a très peu de cas qui ont été prouvés. C’est ce qui complique d’ailleurs la mise en application de la loi d’août 2015 qui condamne les fabricants s’ils utilisent cette stratégie pour forcer les consommateurs à racheter des appareils.
En fait, même si le cas d’Apple est, à mon sens, complètement biaisé, l’association HOP a également déposé d’autres plaintes contre des constructeurs, notamment les fabricants d’imprimantes comme Canon, Brother, HP ou Epson.
C : Et là, laisse-moi deviner… ça a des chances d’aboutir ?
G : Tout à fait Corentin. Ca fait des années que les constructeurs d’imprimantes sont soupçonnés de trafiquer notamment le système de cartouche. En début d’année, une vidéo a d’ailleurs beaucoup fait parler d’elle avec 1,5 million de vues. On peut y voir Austin McConnell, un youtubeur américain, enquêter sur le business des fabricants d’imprimantes, chez qui il affirme avoir travaillé. Il y explique notamment que les cartouches sont équipées d’une puce qui bloque l’impression alors qu’il reste pourtant de l’encre dans la cartouche. Il y affirme surtout que les cartouches sont vendues parfois jusqu’à 60 dollars quand elles ne coûtent en fait que 23 centimes au fabricant. Et quand il en a parlé à son superviseur, voilà ce qui s’est passé.
[Insert Austin McConnell] Je lui ai montré l’écran et lui ai demandé : est-ce que c’est vraiment le coût de fabrication ? Il a regardé l’écran, a rigolé et a acquiescé : oui. Je l’ai regardé, incrédule. C’est complètement une arnaque. Il m’a répondu qu’on ne pouvait rien y faire.
C : Ah oui, en effet, là on le tient notre drama.
G : C’est peu de le dire. En fait, plus que les soucis d’Apple, c’est notamment celui des imprimantes qui est en jeu depuis quelques mois. Et la justice semble s’en préoccuper aussi. Fin décembre, on apprenait que le parquet de Nanterre avait ouvert une enquête préalable contre Epson, attaqué par l’association Halte à l’Obsolescence Programmée.
C : Ah bien tu vois, ce ne sont pas des escrocs.
G : Je ne pense pas que ce soient des escrocs. Je pense surtout qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur les technologies. En fait, l’obsolescence programmée existe parfois, même si elle est difficile à prouver. Mais accuser systématiquement les constructeurs d’obsolescence, juste parce qu’ils sortent un nouveau produit plus puissant chaque année, ça relève au minimum de la malhonnêteté intellectuelle, au plus de véritables théories du complot.
Et c’est dommage, parce que le sujet est vraiment intéressant. C’est pour ça que je trouve l’initiative du gouvernement d’Édouard Philippe intéressante. Parce qu’avant de reposer sur des considérations complotistes, de pseudo défense du consommateur, elle repose sur une problématique environnementale. Le consommateur sait souvent très bien que son smartphone, sa télévision ou son ordinateur fonctionne encore. S’il choisit de s’en séparer pour un meilleur modèle, c’est qu’il veut un meilleur modèle, pas forcément parce que l’ancien s’est arrêté.
[Insert Edouard Philippe]
C : Oui, mais il y a aussi les cas de panne dus à un seul composant.
G : Certes, et c’est dans ce cas-là justement que la mesure du gouvernement sera intéressante. Parce que faciliter les réparations, ça veut dire non seulement permettre aux consommateurs de ne pas avoir à payer le prix fort pour acheter un nouvel appareil, mais surtout, éviter de jeter précipitamment un appareil dont seul un bitoniau est usager. Et c’est tant mieux.
C : Merci Geoffroy pour ces explications et à bientôt !
Obsolescence programmée : le gouvernement met son HOP-là
Depuis l’affaire des téléphones bridés par Apple, l’obsolescence programmée est sur toutes les lèvres, y compris celles du Premier ministre. Avec Geoffroy Husson de « Tom’s Guide », regardons de plus près les cas injustement dénoncés, mais aussi les cas avérés.
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