Corentin - Aujourd’hui, Geoffroy Husson de Tom’s Guide vient nous parler d’un sujet pour le moins épineux, celui de la… consolidation des télécoms. Attends c’est quoi ça ?
Geoffroy - Eh bien c’est la consolidation des télécoms Corentin. Je ne vois vraiment pas le souci. Même pour le patron de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms, c’est très clair : « Sur la consolidation dans les télécoms, la porte de l’Arcep s’entrouvre ». C’est ce qu’il disait dans une interview accordée au Monde le 22 mai dernier.
C - Non, mais plus sérieusement, ça veut dire quoi ? Parce qu’on n’y comprend rien là…
G - Ah, mais je te rassure, c’est fait pour. C’est du charabia d’opérateurs des télécoms, justement dans le but que personne ne comprenne ce dont il s’agit, du moins pas à moins de prêter un petit peu l’oreille. Maintenant si je te dis que l’Arcep est désormais ouverte à un retour du marché des télécoms à non plus quatre, mais trois opérateurs, j’imagine que c’est plus clair…
C - Ah, mais oui, tout de suite on y voit mieux.
G - Et j’imagine que ça te fait peur d’avance…
C - Bah oui, parce que c’est bien l’arrivée d’un 4e opérateur qui avait fait baisser les prix. Mais si on retourne à trois opérateurs, ça veut dire que les prix vont augmenter à nouveau ?
G - Voilà, c’est justement pour éviter ta réaction que tout le monde parle de « consolidation des télécoms » et non pas de retour à trois opérateurs. Parce que l’expression ne vient pas de Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, mais des opérateurs eux-mêmes, à commencer par Stéphane Richard, le PDG d’Orange et farouche défenseur d’un retour à seulement trois opérateurs mobiles en France. C’est ce qu’il expliquait en 2014, deux ans à peine après l’arrivée de Free sur le marché du mobile
[Insert Stephane Richard]
C - Mais si le sujet était déjà sur la table il y a deux ans, pourquoi est-ce qu’on en reparle aujourd’hui ?
G - Eh bien parce que ça n’a toujours pas avancé depuis, bien sûr. À l’époque, on parlait en fait d’un possible rachat de SFR, en grosses difficultés économiques, par Bouygues Telecom. Seulement, ça a finalement échoué. Depuis, les principaux acteurs du marché, à commencer par Bouygues et Orange, ont continué leur lobbying pour une fusion des opérateurs et un retour à trois acteurs. Et puis finalement, en mai, c’est un signal positif qu’a donc donné l’Arcep en indiquant qu’elle n’y était plus opposée par principe.
C - Mais pourquoi l’Arcep était contre ? Pour des raisons de marché ? À cause d’une hausse des prix…
G - Oh non ! Tu sais, le premier rôle de l’Arcep, c’est surtout de s’assurer que tout le monde dispose bien de la fibre et de la 4G. Ils sont garants d’un bon déploiement du réseau partout en France. Et ils craignaient que pendant que Bouygues, Free, Orange et SFR s’écharpaient sur des questions de rachat ou de fusion, ils n’investissent plus suffisamment dans la fibre. Là, l’Arcep a conclu que des investissements ont été faits, donc qu’on pouvait en reparler.
Et ça n’a pas trainé. Rapidement, on a appris que Bouygues avait de nouveau fait une offre de rachat de SFR. Elle a été rejetée, mais les négociations seraient toujours en cours. Même Free semble s’y mettre, puisque Xavier Niel se serait dit intéressé par le rachat d’un quart d’Orange.
C - Et tu penses qu’au final ça ferait du bien pour les consommateurs, un retour à trois opérateurs ?
G - C’est difficile de répondre tout de go à cette question. Désolé pour la langue de bois, mais tu vas comprendre où je veux en venir.
Avant l’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile, un forfait tout illimité coûtait entre 60 et 80 euros par mois. Désormais, on en trouve à partir de 15 euros chez tous les opérateurs. En revanche, je ne pense pas que les opérateurs montent à nouveau les prix. Ça me parait peu crédible, surtout compte tenu des promotions constantes qu’ils font tous sur leurs forfaits.
C - Et pourtant, je te sens inquiet…
G - Eh oui, Corentin, parce que l’arrivée de Free, ça n’a pas donné un coup de pied dans la fourmilière que du côté des prix, mais surtout sur l’entente entre les opérateurs mobiles ?
C - Une entente ? Quelle entente ?
G - Une entente au sens juridique du terme. Une entente illicite entre Bouygues, Orange et SFR à la fin des années 90 et au début des années 2000. Une entente qui a permis aux trois opérateurs de se mettre d’accord pour conserver des prix particulièrement élevés en se concertant pour ne pas baisser les prix.
Cette affaire a finalement été jugée en 2005 par le conseil de la concurrence qui a condamné les trois opérateurs à 58 à 256 millions d’euros, comme l’expliquait à l’époque le 19/20 de France 3
[Insert 19-20]
C - Et c’est ça qui te fait peur ? Un retour à des accords entre les différents acteurs ?
G - Pas nécessairement non. Parce qu’encore une fois les quatre opérateurs actuels ont des pratiques commerciales particulièrement agressives pour piquer les clients des autres, et je ne les vois pas arrêter leurs promotions incessantes.
En revanche, j’ai un mal fou à comprendre leur volonté, depuis plus de cinq ans, de revenir à un marché à trois concurrents. Officiellement, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, voit dans cette consolidation un point nécessaire pour continuer à investir dans la fibre et les réseaux mobiles sans trop se marcher sur les pieds. Interrogé par Le Monde, il explique quand même que les prix sont beaucoup trop bas : « Le spectacle que l’on donne tous les jours aux Français, avec des promotions ridicules, à des prix qui n’ont aucun sens, n’est pas souhaitable. »
C - Donc il concède lui-même qu’il faut que les prix augmentent
G - Il ne le dit pas comme ça, mais oui. Dans le langage des opérateurs, on ne parle pas d’augmentation des prix, on parle de « promotions ridicules ». Tout comme on ne parle pas de retour à trois opérateurs, mais de « consolidation ». Mais dans les deux cas, à la fin, ce sont les consommateurs qui paient…
C - Merci à toi Geoffroy de pourfendre toutes ces langues de bois et à bientôt !
Retour à trois opérateurs téléphonique : piège à consolidation ?
Les professionnels des télécoms cherchent à nous vendre la « consolidation télécom ». Hmm, dit comme ça, ça a l’air drôlement chouette ! Sauf que Geoffroy Husson de « Tom’s Guide » nous apprendra qu’il s’agit simplement d’un retour à trois opérateurs. Ah, oui. Moins chouette d’un coup.
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