Quand l’agriculture sert ses cocktails d’insecticides, ce sont les abeilles qui trinquent

[MUSIQUE - Bourvil - Les Abeilles ]
Corentin : Aaaaaah les abeilles. Elles travaillent par idéal
Car elles n’ont dans leur labeur
Ni la sécurité sociale
Ni la semaine des quarante heures…
C’est ce que nous disait Bourvil mais malheureusement aujourd’hui elles ont dans leur labeur, les insecticides et autres pesticides... Mais aussi un environnement naturel qui se rétrécit. Et qui a pour conséquence : leur raréfaction. Ampleur du problème avec Laura Aupiais. Bonjour…
Laura : Bonjour Corentin, bonjour tout le monde. Ce n’est un secret pour personne en tout cas j’espère. Vous le savez les abeilles sont en danger et cela pose un problème pour la planète.
Pour bien comprendre ce qu’il se passe, on va reprendre au début.
Le mot abeille vient du latin abeillus mais on peut également l’appeler par son petit nom grec Anthophila, un mot qui jouxte fleur et ami. L’abeille est l’amie des fleurs.
Et elles seraient apparus il y a 45 millions d’années puis 2 ères géologiques plus tard, on compte 20 00 espèces répertoriées sur la planète dont 2000 en Europe et 1000 en France.
On compte 4 types d’abeilles : l’abeille solitaire, l’abeille sociale, l’abeille parasite et l’abeille à miel.
Et tous les 4 peuvent jouer un rôle important pour la pollinisation des plantes.
Corentin : Est-ce que tu peux rappeler le concept de pollinisation ?
Laura : J’y viens. Les abeilles se nourrissent de nectar. Lorsque ces dernières récoltent le nectar, elles se couvrent de pollen. Le pollen étant la gamète mâle des fleurs, quand l’abeille s’en va butiner d’autres fleurs, elle va alors se frotter, sans le vouloir, aux parties reproductives des fleurs.
Par conséquent, le pollen déposé à la surface de la fleur colonise les graines femelles de celles-ci. Et c’est le même principe qu’avec les humains, pour la survie de l’espèce, il faut une diversité génétique. L’abeille évite alors la consanguinité des fleurs et des plantes.
Corentin : En quoi la pollinisation est importante ?
Laura : Certains estiment que sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture dans le monde, plus de 70% dépendent de la pollinisation des abeilles.
Il est estimé notamment que les populations humaines sont directement et indirectement dépendantes des fleurs pour ⅓ de leur régime alimentaire.
L’abeille est un maillon important de la chaîne alimentaire car elle joue un rôle primordial dans les diverses phases de la vie de nombreuses espèces végétales et animales.
D’autres chiffres montrent que 85% des plantes cultivées en Europe ne survivraient pas sans ce travail fourni par les abeilles et les insectes pollinisateurs ; qui subissent par ailleurs les mêmes dégâts.
Dans le déclin des abeilles expliqué en 3 minutes, une vidéo publié par Le Monde sur Youtube, ils y expliquent notamment les impacts de la pollinisation
[SON 1 - Le déclin des abeilles - 1’04 >1’39 - 35s]
Les abeilles ne sont pas les seules à être sur le déclin. Ce sont tous les insectes pollinisateurs, du bourdon au papillon. Et ils souffrent tous des mêmes maux.
Petite parenthèse, c’est grâce aux abeilles domestiques, celles “élevées” par les apiculteurs qu’on est capable de comprendre ce qu’il se passe. Ce sont d’ailleurs eux qui ont été les premiers à alerter l’opinion sur ce sujet.
Corentin : Quels sont les facteurs, justement de ce déclin ?
Laura : Alors, les facteurs sont multiples.
Premier facteur, les engrais, les pesticides et les insecticides. Plus particulièrement, ce qu’on appelle les néonicotinoïdes. Les néonicotinoïdes sont généralement appliqués sur les graines avant de contaminer le sol, là où les bourdons dorment par exemple et ensuite pénètrent dans les tissus végétaux, y compris le pollen et le nectar.
En résumé les effets observés chez les insectes pollinisateurs sont la désorientation et la perte de mémoire. Les néonicotinoïdes agissent directement sur le système nerveux des insectes. Ils deviennent ainsi beaucoup plus vulnérables aux autres menaces qui planent sur eux.
Selon la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, ces produits représentent un tiers des insecticides vendus dans le monde. Ils sont partout dans nos champs.
Corentin : Et pour en revenir à l’abeille, quels sont ces prédateurs ?
Laura : Dans une autre chronique, on avait parlé des espèces exotiques envahissantes qui mettent en danger notre écosystème. Notre lombric versus le bipalium asiatique. A écouter dans le brunch.
Bref là, il se trouve que l’abeille a un tout nouveau prédateur qu’elle ne connaissait pas et qui a débarqué en France, il y a un petit moment. : il s’agit du frelon asiatique.
Et en fait, le frelon asiatique, il va, tout simplement manger les abeilles ou les donner à ses larves. En une saison, il peut décimer une ruche par exemple.
Corentin : Un autre facteur à déplorer ?
Laura : Oui, ce qui empêche l’épanouissement de nos insectes pollinisateurs, c’est aussi la monoculture fortement pratiquée par les agriculteurs pour des questions de rendement et de rentabilité.
Et parallèlement à tout ça, les abeilles se retrouvent avec peu de fleurs à se mettre sous la dent. Leur terrain de chasse se rétrécit.
Et puis à l’image de nous, ces insectes ont besoin de diversité dans leur régime alimentaire…
Le malheur dans tout ça. C’est qu’on assiste impuissant à leur disparition en fait. Contrairement aux déchets plastiques, on ne peut pas agir en tant que citoyen directement. Mais il est toujours possible de mobiliser, de sensibiliser les pouvoirs publics, l’union européenne et ce même face aux lobbys.
Corentin : Il faudrait être fou pour ne pas protéger ces insectes travailleurs des fleurs qui, de surcroît, le font gratuitement. Merci Laura de nous avoir parlé des dangers qui guettent les abeilles, et à bientôt.