Corentin : Bon, cette saison 9 de Top Chef m’a donné des petites envies de cuisine. Je me lancerais bien dans la préparation d’un petit pâté en croûte. T’en penses quoi, Thomas ?
Thomas : Ben ça dépend. Tu te sens comment niveau cuisine ?
Corentin : Oh ben je pense que je gère, tu sais. L’autre jour, j’ai fait de délicieuses pâtes au pesto…
Thomas : Du pesto en cette saison ? Mais tu l’as trouvé où ton basilic ?
Corentin : Oh ben j’ai ouvert le pot et j’ai mis dans les pâtes, quoi.
Thomas : Ah, OK. Bon, peut-être qu’on va pas tenter le pâté en croûte tout de suite. Avant ça, je te propose qu’on revoit les trois points fondamentaux de la cuisine. A savoir : la découpe, l’assaisonnement, et la cuisson.
Corentin : Ca me rappelle le Tumblr Couper/Foutre, cette histoire. Mais pourquoi ces trois points ?
Thomas : Tout simplement parce qu’une fois que tu les maîtrises, tu peux tout cuisiner. Quand on y réfléchit, la cuisine, c’est ça : éplucher et découper des ingrédients, y mettre du sel, du poivre, du sucre, des épices, et les faire cuire (ou non), pour qu’au final, la somme de tout ce travail soit supérieure aux éléments qui le constituent individuellement.
Corentin : Je vois un peu mieux. Bon, commençons par la découpe alors. Qu’est-ce que ça a de spécial ?
Thomas : La découpe, c’est peut-être le truc le plus technique en cuisine. On le voit bien dans Top Chef : lors de certaines épreuves, les jurés demandent aux participants de faire des découpes spécifiques. Pour certains autodidactes, c’est une galère, parce qu’ils n’ont jamais appris à tourner un champignon, par exemple.
Fondamentalement, on pourrait penser que la découpe, c’est d’abord pour faire joli. Cependant, elle a aussi un rôle fondamental dans le goût qu’aura le plat à la fin. C’est ce qu’explique Stéphan Lagorce, chef et auteur du livre “Traité de miamologie”, interviewé pour l’occasion par la RTS en 2015 :
01 - miamologie.mp3
Dans le chapitre Découper, on s’est attachés à savoir pourquoi on demande parfois de couper les légumes petits ou gros.
Alors pourquoi ?
Eh bien voilà ! Alors y’a une raison tout simple, c’est-à-dire que quand on coupe les légumes en petits morceaux, à poids égal, on développe plus de surface. C’est un phénomène géométrique.
Donc surface de goût ?
Donc plus de surface, plus d’échanges, plus d’échanges, plus de saveurs.
La découpe a donc un rôle sur le goût, mais aussi sur les textures. Si les frites ont une découpe carrée et pas ronde, c’est parce que, certes, c’est plus simple à découper, mais aussi parce qu’une frite pavée a plus d’angles, donc plus d’options pour croustiller, qu’une frite cylindrique.
Corentin : OK, je vois pourquoi certains considèrent la cuisine avant tout comme une science. Bon, et qu’en est-il de l’assaisonnement ?
Thomas : Là, on pourrait faire à nouveau appel à la science, puisqu’il existe des chefs qui se sont amusés à associer des ingrédients entre eux, en se basant sur les molécules qu’ils ont en commun. Ca donne des choses comme de la banane au caviar ou de l’huître à la pastèque. Mais avant de nous aventurer dans ces territoires un peu expérimentaux, je te propose qu’on se concentre sur la palette aromatique.
Corentin : Qu’est-ce que c’est que ça, la palette aromatique ?
Thomas : Ca part du principe que le corps humain reconnaît différents types de goût.
Corentin : Ah, oui, le sucré, le salé, l’acide et l’amer.
Thomas : Oui, voilà, ça. Sauf qu’on peut la compliquer en ajoutant l’umami (qui est le goût savoureux), l’épicé et le gras. Les êtres humains ont développé ces différents goûts au fil de l’évolution pour pouvoir reconnaître les aliments les plus nutritifs ou dangereux. On ira vers le sucre pour l’énergie, le sel pour les apports en minéraux, l’umami pour les protéines, et on aura tendance à s’éloigner de l’amer, associé au poison.
Tous ces goûts interagissent entre eux. L’acide va accentuer le salé, l’épicé va équilibrer le sucré, de même que l’acide sur l’amer… Bref, à partir de ces goûts de base, on peut construire des combinaisons d’assaisonnement. Il faut trouver un équilibre, en fonction du goût principal de l’ingrédient que vous cuisinez. Par exemple, si vous voulez préparer une tomate crue, naturellement acide, il vous faudra un peu de sucré pour équilibrer, un peu de sel pour sortir de l’acide, du gras pour arrondir l’ensemble et pourquoi pas un peu d’épicé pour rajouter un kick supplémentaire. C’est pour ça que le basilic et l’huile d’olive, qui réunissent ces qualités, vont très bien avec.
Evidemment, chaque ingrédient a un profil propre, et il faut expérimenter pour trouver les bons équilibres. Si ça vous intéresse, vous trouverez des diagrammes de ces profils aromatiques assez facilement sur Internet.
Corentin : Oui, et un autre façon de faire qui peut être plus simple pour commencer, c’est que généralement, les produits qui viennent d’un même terroir s’accordent plutôt bien ensemble.
Thomas : Tout à fait !
Corentin : Bon, et pour finir, qu’en est-il de la cuisson ?
Thomas : Eh bien la cuisson, on pense que ça a été inventé par hasard. Le feu, quand il a été découvert par les hominidés, servait d’abord à réchauffer et à éloigner les animaux. On estime que c’est un Homo Erectus que nous appellerons ici Hector qui le premier a fait cuire, par inadvertance, un aliment - vraisemblablement de la viande. Hector, un peu dépité, goûte malgré tout son steak jusqu’ici parfaitement faisandé, parce qu’il faut pas gâcher, et découvre que non seulement c’est plus facile à mâcher, mais qu’en plus ça a un meilleur goût, et que sa digestion est également facilitée. Depuis, en un bon million d’années, on a eu le temps d’expérimenter en faisant cuire, griller, brûler, bouillir… végétaux et animaux en quantité.
Surtout, aujourd’hui, plus que la cuisson, on peut jouer sur la température de préparation. D’une part parce que les préparations froides et glacées sont possibles dans quasiment n’importe quel foyer aujourd’hui. D’autre part parce que, grâce à des équipements spécifiques, on peut cuire les aliments au degré près.
Corentin : Et qu’est-ce que ça change ?
Thomas : Il faut savoir que chaque ingrédient a un point de cuisson propre, à partir duquel il se détériorera. Avec des cuissons précises et optimisées, on n’agresse pas l’aliment, et on en fait ressortir la pleine saveur. Mais là, on rentre dans le domaine de la cuisson semi-professionnelle.
Corentin : Bon, et du coup, tu as une recette pour que l’on mette tout ça en pratique ?
Thomas : Oui ! On va faire un poireau vinaigrette, que Stéphan Lagorce présente comme un cas d’école pour étudier les relations qu’un ingrédient principal entretient avec son assaisonnement.
Pour 4 personnes, on va prendre 4 poireaux, dont on va découper les parties très vertes, et la barbe. Vous les lavez, et les coupez en tronçons de 10 centimètres. Et vous mettez à cuire dans de l’eau bouillante salée pendant une quinzaine de minutes.
Corentin : Alors on prépare et on nettoie les poireaux, et on les fait cuire dans de l’eau bouillante salée. Comment sait-on s’ils sont cuits ?
Thomas : La pointe d’un couteau doit pouvoir y rentrer facilement. Quand ils sont cuits, donc, on les égoutte, et on les plonge dans un bain d’eau froide, pour stopper la cuisson. Et quand ils sont froids, on les égoutte à nouveau. Vous pouvez même les tamponner avec du papier absorbant pour bien les sécher. Une fois que c’est fait, vous les coupez en deux, dans la longueur.
Corentin : Donc une fois cuit, on les égoutte, on arrête la cuisson dans un bain d’eau froide, puis on les sèche bien avant de les couper dans la longueur.
Thomas : Oui, ainsi, la sauce sera mieux répartie. D’ailleurs, préparons la sauce. Vous allez couper très fin 2 échalotes (on appelle ça ciseler), et vous les mélangez à 6 à 8 cuillères à soupe de vinaigre, de riz de préférence, mais pourquoi pas du vinaigre de cidre aussi. Vous laissez reposer un peu, que l’échalote perde un peu en mordant dans l’acide. Vous y ajoutez ensuite 6 à 8 cuillères à soupe de sauce soja salée, et autant d’huile d’olive que vous voulez. Si vous n’en mettez pas beaucoup, la sauce sera bien corsée. Plus vous en mettrez, plus elle gagnera en rondeur. C’est comme vous voulez. Et surtout, mélangez bien !
Corentin : Pour la sauce, on hache deux échalotes très finement, on les mélange à du vinaigre, on laisse reposer un peu, on ajoute autant de sauce soja salée, et on mélange tout ça avec autant d’huile d’olive que l’on souhaite.
Thomas : Voilà. Il ne reste plus qu’à dresser : les poireaux avec la face tranchée vers le haut pour absorber la sauce que vous allez verser par dessus. Vous pouvez éventuellement ajouter une herbe hachée par dessus tout ça, comme de la coriandre, de l’estragon ou du persil plat.
Corentin : Merci Thomas pour ce petit cours de miamologie et cette recette, et à la prochaine !
[02 - et bon appetit bien sur.mp3] Et bon appétit bien sûr !
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