Corentin : La cuisine, ça n’est pas que de la nourriture. C’est aussi de la culture. Régulièrement, Thomas nous parle de recettes et de produits, mais aujourd’hui, c’est plutôt sur une mode culinaire qu’il intervient. Pourquoi donc, Thomas ?
Thomas : Salut Corentin. Eh bien tout simplement parce que comme tu l’as dis, la cuisine, c’est de la culture. Et donc les plats s’inscrivent dans une chronologie, avec des tendances en fonction du contexte économique, social ou autre. Par exemple, dans les années 1920, la nourriture en gelée était super à la mode ! Aujourd’hui, si je te sers un camembert emprisonné dans un blob gélatineux, je suis pas sûr que tu serais super fan.
Bref, en nourriture comme dans la mode, la musique et en fait toutes les pratiques culturelles, il y a des modes. Et une des grandes tendances culinaires occidentales des dernières années et qui devrait véritablement éclater en 2019, avec un nombre exponentiel d’ouvertures de restaurants dédiés, ce sont les bols.
Corentin : Les bols ? Mais t’es sérieux ? Nan parce que bon, les bols, tout le monde en a, hein. Pour manger les céréales, par exemple. Ou même les bols en céramique bretonne, là, avec le prénom écrit et tout. Non, je vois pas ce qu’il y a de nouveau dans les bols.
Thomas : Mais il n’y a rien de nouveau ! Le récipient reste le même, comme on le retrouve sur toute la surface du globe. C’est ce qu’on va mettre ce que l’on va mettre dedans qui change. Par exemple, si je te parle de bol, à quelle nourriture tu penses, spontanément ?
Corentin : Bah à part le petit déjeuner dont j’ai parlé… la soupe ? La prochaine tendance sera à la soupe ?
Thomas : Mais non Corentin ! Le souping, c’était la fausse tendance qu’un célèbre magazine avait créé plus ou moins de toute pièce en février 2018. Tu as un an de retard ! Mais tu es sur la bonne voie avec la soupe, puisque le bol accueille à présent de la nourriture salée.
Corentin : OooooK… Tu m’ôteras pas de l’idée que ça sent un peu l’enfumage, ton truc des bols. Qu’est-ce que ça change de manger dans un bol à la place d’une assiette ?
Thomas : Eh bien plus que tu ne pourrais le penser, mon petit pote. Déjà, avec un bol, tu vas avoir tous les éléments de ton repas dans un même endroit, en proximité directe les uns avec les autres. Tu peux donc faire des bouchées complètes beaucoup plus facilement, et avoir un jeu de saveurs et de textures en direct, ce qui n’est pas toujours le cas avec un plat classique, présenté à l’assiette.
Ensuite, on va avoir bien du mal à utiliser un couteau et une fourchette dans un bol. Du coup, les aliments sont prédécoupés en petites bouchées. D’un point de vue strictement physiologique, ça veut dire que l’on va mastiquer plus longuement, donc réduire davantage la taille des aliments et générer plus de salive, donc faciliter la digestion.
Enfin, dans un bol, on va souvent manger de façon plus équilibrée.
Corentin : Je vois un peu mieux l’intérêt des bols. Mais ça fait pas un peu gadget quand même ? Est-ce que tu as des exemples concrets ?
Thomas : Commençons par un plat hawaïen que certaines et certains d’entre nous ont découvert en 2016, alors que nous étions en train de regarder Terrace House: Boys and Girls in the City :
[01 - poke bowl.mp3]
On fait une recette hawaïenne. Du poke don ? Oui, du poke don. De l’ahi poke.
Vous aurez bien entendu reconnu Natsumi, qui échange avec Minori sur la préparation du repas du soir : un poke bowl, ou ahi poke. Comme le souligne Natsumi - qui n’est pas encore devenue Fuyumi à ce stade de l’émission puisqu’il s’agit de l’épisode 21 - la recette est originaire de Hawaï, île où a longtemps vécu Arman, avec qui elle cuisine…
Corentin : Alors j’adore Terrace House, mais ton récap ne nous dit pas du tout en quoi consiste le poke bowl.
Thomas : J’y viens ! A la base, le poke est une recette de pêcheurs, composé de poisson cru, généralement du thon, fraîchement pêché. On l’écaille, on le vide, on le désarête, et on le sert avec ce qu’on a sous la main : du sel, des algues, du jus de citron. Pas de bol à l’horizon pour l’instant. Hawaï étant un archipel multiculturel avec d’importantes diasporas japonaises et philippines, et dans une moindre mesure chinoises et coréennes, chaque communauté a ajouté son grain de sel pour créer le poke bowl comme nous le connaissons aujourd’hui. A savoir : un bol de riz sur lequel on dépose des cubes de poisson cru assaisonné ou mariné, agrémenté de divers légumes et graines, comme de l’oignon cru, de l’avocat, de l’edamame, du concombre, des graines de sésame… C’est un plat complet, que l’on peut customiser en fonction de ce que l’on a sous la main, et c’est follement instagrammable.
Corentin : Ah, je comprends mieux où tu veux en venir avec le côté tendance des bols. Comme c’est assez esthétique, ça va circuler plus facilement sur les réseaux sociaux. C’est malin. Mais bon, une tendance ne peut pas reposer que sur les poke bowls, quand même ?
Thomas : Bien vu Corentin. Non, il y a d’autres types de bols qui ont vu le jour. Le Buddha bowl, par exemple, est le pendant végétarien du poke bowl. A la place du poisson ou des fruits de mer, on aura davantage de légumes, fruits, protéines végétales ou graines. En outre, le riz blanc peut être remplacé par d’autres céréales ou graines, comme le quinoa, les lentilles ou le riz complet.
Le Buddha bowl est beaucoup plus récent que celui du poke, puisqu’il s’agit d’abord d’un concept marketing créé aux Etats-Unis, s’inspirant du régime alimentaire de Siddartha Gautama, que l’on connaît donc sous le nom de Bouddha. Ce dernier laissait peu de place à la nourriture dans sa vie puisqu’elle nous détournerait des autres choses importantes de la vie, comme la méditation.
L’autre tendance bol, ce sont les açai bowl, du nom des baies d’açai, récoltée sur des palmiers au Brésil. Sur un lit de billes de tapioca, on met des baies d’açai, donc, riches en antioxydants, et le genre de choses que tu mettrais dans un muesli, comme des tranches de banane, des flocons d’avoine, du sirop d’agave ou du miel…
Corentin : C’est bien sympa, cette tendance au bol, mais je me rends compte d’un truc. Les baies d’açai viennent du Brésil, le thon est une espèce de poisson relativement en danger… C’est pas super éco-friendly, ces plats.
Thomas : Et tu as complètement raison, mon Corentin. Outre leur prix assez élevé - la mode naissante de l’açai bowl a conduit à une hausse drastique du prix des baies d’açai - ces recettes d’influence internationale entraînent un bilan carbone impressionnant, ce qui est un peu dommage pour quelques likes sur Instagram. Pour limiter la casse, vous pouvez opter pour des produits locaux, et remplacer les produits exotiques par des légumes ou des fruits de votre région. Pour le poke bowl, le thon n’est pas la seule solution. Vous pouvez tout à fait utiliser des poissons issus de la pêche durable : le saumon d’élevage ou le bar feront l’affaire.
Fondamentalement, cette mode du bol devrait davantage tendre à une philosophie culinaire qu’à une mode pure et simple. Suivez l’exemple des cultures culinaires qui ont adopté le bol depuis toujours, en Asie et en Afrique. Ce récipient a certes un côté pratique puisqu’il tient dans la main, mais il réunit également tous les éléments de votre plat. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre, nutritif comme gustatif, entre tous les ingrédients. Alors la mode des bols aura plus de sens.
Corentin : Merci pour ce récapitulatif de la tendance bol, Thomas, l’avenir nous dira si tu as eu raison. D’ici là, n’hésitez pas à vous lancer dans la préparation de vos propres bols, ça coûtera toujours moins cher qu’au restaurant.
Thomas : A bientôt !
En cuisine, pour être à la page, personne ne coupe au bowl !
Dans quoi mangez-vous vos repas ? Dans une assiette ? Ah ah ! Quels ringards ! Mais non, voyons ! Le summum du cool en 2019, c’est de manger dans des bols ! Eh oui ! Heureusement, l’ami Thomas Hajdukowicz est là pour vous remettre sur les rails des dernières tendances.
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