Corentin : Dis donc, Thomas, tu nous ferais pas une redite avec ta chronique, là ? Nan, parce que la cuisine de printemps, on en a déjà parlé dans une chronique précédente…
Thomas : ...à réécouter dans le brunch…
Corentin : Donc bon, ça serait bien de se renouveler un peu, non ?
Thomas : Ah mais y’a méprise, Corentin ! Bonjour, d’ailleurs. Oui, il y a méprise parce que, évidemment, je ne vais pas reparler de cuisine de printemps - même s’il y a beaucoup de choses à dire en plus. Non, je vais parler d’un ingrédient de printemps : le petit pois.
Corentin : Alors, au risque de te choquer, c’est pas un produit de saison, ça ! Des boîtes de petits pois, on en trouve toute l’année !
Thomas : Je vois ce que tu veux faire, Corentin, et je ne tomberai pas dans le piège de ton trolling. Car, comme tous les légumes, les petits pois ont une saisonnalité, que la grande distribution nous a fait oublier. Et cette saison, elle va d’avril à juillet, donc on est en plein dedans.
Alors, oui, quand on est hors saison, les petits pois en boîte ou surgelés sont une alternative correcte. Mais le petit pois frais, ah, ça, c’est quand même quelque chose. Je laisse Olivier Puech, de la chaîne YouTube Le Potager d’Olivier, en parler.
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Les petits pois du potager, c’est plus que des légumes, c’est de la friandise. C’est sucré, c’est doux, c’est croquant. Ce sont de vrais petits bonbons, avec un vert absolument sublime. Regardez, je vous ouvre une cosse de petits pois. C’est à chaque fois comme un trésor qu’on ouvre, ces magnifiques grains.
Et en plus les petits pois sont parfaits pour faire le plein de nutriments au sortir de l’hiver.
Corentin : Alors puisque tu en parles, quels sont les bienfaits de ces petits pois que tu portes aux nues ?
Thomas : Ils sont riches en vitamine C et K, donc parfaits pour renforcer les os. Et on y trouve des quantités importantes de fer, de manganèse et de cuivre, parfaits si vous voulez forger une épée à deux mains. Plus ils sont frais, plus ils auront le petit goût sucré décrit dans l’extrait sonore que l’on vient d’écouter, et donc plus ils seront agréables à consommer crus.
Corentin : Ah, parce qu’on peut les manger crus ?
Thomas : Seulement quand ils sont très frais. En fait, dès que la cosse est cueillie, le sucre contenu dans le petit pois se transforme peu à peu en amidon. On perd donc en sucrosité. Ce qui me rappelle une anecdote de Monsieur de la Quintinie, le potager officiel de Louis XIV.
Corentin : Ah ben tiens, je me demandais quand est-ce que tu parlerais d’histoire !
Thomas : Oui ben que veux-tu, on ne se refait pas. Donc non content d’avoir transformé un marais de Versailles - appelé l’étang puant - en potager, La Quintinie doit faire face aux caprices de la Cour, qui après qu’un courtisan ait ramené des pois frais d’Italie en plein mois de janvier, veut manger à contre-saison. Car, à l’époque, on mange d’abord les pois crus.
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La Quintinie va donc mettre au point une multitude de techniques pour accélérer le mûrissement des pois, mais aussi d’autres légumes, tout ça pour plaire à quelques nobles. Il va créer de mini-serres en verre pour les melons, il va mettre en place un système de cultures sur buttes pour les légumes… Bref, il va faire usage de tout ce que les sciences et les techniques de l’époque permettent pour faire fi des saisons.
Corentin : C’est donc de là que vient notre goût pour les tomates en plein novembre, je comprends mieux.
Thomas : Oui, et à l’époque, c’est aussi un enjeu politique. Car Louis XIV est un roi absolu, le roi Soleil, et montre donc sa maîtrise de l’espace et du temps en faisant servir à sa table des produits de printemps en hiver, par exemple.
Corentin : Bon, tout ça nous a donné faim
Thomas : Je vais proposer deux recettes, pour pouvoir utiliser l’intégralité du légume, cosses comprises.
Corentin : Attends… Les cosses ? Les trucs durs qui entourent les grains de petits pois ? On peut les cuisiner ?
Thomas : Eh oui ! Parce qu’après tout, ça serait bête d’avoir passé environ 5000 heures à écosser des petits pois pour n’utiliser au final que 60% du légume. Mais commençons par quelque chose de simple : des petits pois étuvés.
Dans une sauteuse, vous allez faire fondre un bon morceau de beurre à feu doux. Puis vous allez y ajouter vos petits pois, quelques petits oignons blancs, et un tout petit peu d’eau, histoire de créer un peu de vapeur. Et vous couvrez pendant environ 5 minutes.
Corentin : Les recettes seront à retrouver sur ton blog, en lien de la chronique, mais je fais un récapitulatif rapide. On fait fondre du beurre dans une sauteuse, on y ajoute les petits pois écossés évidemment, quelques oignons, et un peu d’eau, et on couvre 5 minutes.
Thomas : Voilà. La cuisson doit être douce : le fond d’eau doit à peine fumer, pour qu’une vapeur pas trop agressive enveloppe les pois. Au bout des 5 minutes, on enlève le couvercle, on sale et poivre légèrement, et ce que j’aime bien faire, c’est mettre quelques zestes de citron, pour ajouter une note de fraîcheur. Et on laisse cuire à découvert, toujours doucement, jusqu’à quasi évaporation de l’eau. Les petits pois doivent être al dente.
A ce moment, dans le plus pur style Louis XIV, on peut ajouter quelques bonnes herbes fraîches du jardin français (je cite Le Cuisinier Français, un des best sellers du livre de cuisine au XVIIe siècle), comme du cerfeuil ou de l’estragon, qui apporteront des notes végétales supplémentaires au plat. Et puis vous mangez, évidemment.
Corentin : Bon, ça, c’était pour les pois. Mais quid des cosses ?
Thomas : On va en faire une soupe froide. Vous allez commencer par bien laver les cosses de vos petits pois. On ne le dit jamais assez, mais en cuisine, l’hygiène prime. Ne suivez jamais les conseils de la chaîne YouTube El Pueblo. Quand vos cosses sont propres, mettez les à cuire dans un grand volume d’eau salée bouillante. Ca devrait prendre une dizaine de minutes.
Vous égouttez ensuite vos cosses, et vous les mettez dans un récipient adapté. Ajoutez-y un peu de crème liquide. Et c’est là que vient le moment pénible, puisqu’il va falloir utiliser un mixeur plongeant.
Corentin : Bah, où est le problème ?
Thomas : Le problème est que les cosses de petits pois sont pleines de fibres végétales qui viennent régulièrement s’emmêler dans les lames du mixeur. Et c’est pas génial. Donc dès que vous sentez que votre mixeur peine un peu, DÉBRANCHEZ le mixeur, j’insiste là-dessus, je veux pas que vous perdiez des doigts à cause de cette opération. Débranchez le mixeur, et retirer les fibres à l’aide d’un cure-dent par exemple. Et balancez-moi ces fibres qui ne servent à rien.
Quand toutes les cosses sont réduites en liquide, filtrez tout ça à la passoire, voire à l’étamine - qui est un morceau de tissus qu’on utilise pour égoutter le fromage frais par exemple - histoire d’être sûrs qu’on est bien débarrassés des fibres. Si vous trouvez que le résultat est trop épais, vous pouvez bien évidemment le détendre avec davantage de crème, ou du lait. Et vous assaisonnez, évidemment, je n’ai pas besoin de vous le rappeler. Comme c’est une soupe froide la dernière chose à faire est de laisser refroidir, d’abord à température ambiante, puis au frigo. Et voilà, vous avez votre soupe froide.
Pour le service, en plus de la soupe, vous pouvez mettre un filet d’huile d’olive, quelques petits pois frais crus, des rondelles de radis rose, des pluches de coriandre, du zeste de citron râpé, des petits croûtons… Sky is the limit, à vous de la personnaliser en fonction de ce qui vous plaît et de ce que vous avez sous la main.
Corentin : Eh bien merci Thomas pour ces recettes anti-gaspi, et à bientôt !
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