Corentin : Aujourd’hui je reçois Geoffroy Husson de Tom’s Guide pour… eh bien pour me plaindre, parce qu’il n’y a pas de raison. Tu n’y vois pas d’inconvénient, j’espère.
Geoffroy : Eh bien pas du tout Corentin, dis-moi tout, je suis tout ouïe.
C : Ca fait quelques mois que je cherche à me faire une nouvelle config pour mon ordinateur. Je compare les prix pour une carte graphique, pour de la RAM ou pour des processeurs et c’est partout pareil, c’est hyper cher. Ou alors c’est juste une impression…
G : Non tu as raison Corentin, les prix ont flambé ces derniers mois pour tout ce qui concerne le matériel informatique. Et tiens, comme c’est bizarre, c’est exactement ce dont je comptais parler aujourd’hui !
C : Olala, que les choses sont bien faites !
G : N’est-ce pas ? On dirait presque que j’ai écrit volontairement ce petit dialogue introductif pour amorcer le sujet et faire en sorte qu’il soit concernant pour toi comme pour nos auditeurs et auditrices.
C : Bon, petite saynète mise à part, est-ce que tu pourrais nous expliquer les raisons de ces augmentations ? Parce que là, de but en blanc, ça sent un peu l’accord entre les constructeurs…
G : On a dit quoi sur les théories du complot, Corentin ? Pas de ça chez nous. Non, en fait il y a des explications très rationnelles pour chacune de ces augmentations et on va les prendre une par une, mais en général ça résulte d’une simple logique capitaliste de l’offre et de la demande. La première, et probablement la plus impressionnante, c’est le tarif des cartes graphiques.
Pour les cartes graphiques, tout part en fait des cryptomonnaies. Si on pouvait, au tout début du Bitcoin, miner avec un processeur, ils se sont vite avérés trop peu puissants pour être rentables. Du coup, les mineurs se sont rapidement orientés vers les cartes graphiques. Ils en assemblent plusieurs dans ce qu’on appelle un rac et les laissent tourner 24 heures sur 24 pour dégager un maximum de profit. Ca c’est le principe. Le truc, c’est que les mineurs gagnent un petit peu d’argent en minant, du coup ils sont prêts à dépenser davantage d’argent en cartes graphiques que les joueurs pour qui il ne s’agit que d’un loisir. C’est ce qu’expliquait fin mars 2017 Leo de la chaine YouTube TechMaker.
[Insert TechMaker]
C : Ah oui, du coup on a une problématique d’offre et de demande…
G : Voilà, tu comprends tout à fait. L’augmentation pour les cartes par exemple date surtout de juin 2017, quand la bulle BitCoin a commencé à véritablement enfler. Une carte GTX 1080, l’une des plus puissantes du marché, est alors passée de 475 à 630 euros en moyenne. Aujourd’hui, il peut encore être très compliqué de trouver sur le marché une GTX 1070 à un prix correct tant l’excellent rapport qualité-prix fait qu’elle est quasi monopolisée par les mineurs.
C : Et j’imagine que les constructeurs ne peuvent rien faire.
G : Officiellement, ça les embête, parce qu’à la base les cartes graphiques sont conçues pour les joueurs. Mais au fond, ça les arrange quand même, puisqu’on a des cartes qui sont encore vendues au prix auquel elles sont sorties, là où leur tarif était divisé par deux il y a encore un an. Donc ils râlent, mais mettent ça sur le dos de l’offre et de la demande.
C : D’accord donc j’ai bien compris pour les cartes graphiques. Mais tu disais toi-même qu’un processeur par exemple, ça n’était pas suffisant pour miner. Du coup comment tu expliques la hausse des prix ?
G : D’abord, on n’est pas dans les mêmes proportions et on a surtout vu une baisse des prix des processeurs déjà sortis. Par exemple, des processeurs sortis en novembre 2017 sont désormais affichés, en juin, à 380 euros, contre 515 au lancement. Comme quoi tout n’est pas perdu.
Ensuite, pour les processeurs, comme pour tous les composants électroniques d’ailleurs, ce n’est pas nécessairement le minage de cryptomonnaies qui est en cause, mais un matériau : le silicium.
C : C’est quoi ça ? Jamais entendu parler…
G : C’est l’un des matériaux les plus utilisés dans les circuits électroniques. C’est ce matériau qui va être assemblé en plaques de semi-conducteur, ce qu’on appelle des wafers, pour alimenter un processeur. Le souci, c’est que les réserves en silicium se raréfient. Du coup, les principaux fabricants de wafers, comme Sumco, ont d’ores et déjà prévenu qu’il faudrait s’attendre à une hausse de 20 % du prix des wafers. En espérant que ça ne se ressente pas trop chez les clients finaux.
Du coup pour l’instant on a plutôt une baisse des prix, mais les constructeurs commencent maintenant à communiquer sur une future hausse dans le courant de l’année. On notera également que le silicium est aussi utilisé dans les cartes graphiques, comme quoi tout n’est pas dû aux cryptomonnaies…
C : Mais la RAM ?
G : Ah oui, excellente chanson d’Alain Souchon ça…
[Insert Rame]
C : Non stop Geoffroy ! Je parlais des barrettes de RAM. Dont le prix a aussi augmenté…
G : C’est vrai Corentin, le prix de la RAM aussi a augmenté et pas qu’un peu. On a vu des prix flamber en un an, entre 2016 et 2017, avec des tarifs parfois multipliés par deux pour la même barrette. Et pour le coup, outre le silicium, le problème vient d’une concurrence de taille pour les ordinateurs, c’est celle des smartphones.
Ce sont les mêmes constructeurs qui conçoivent la mémoire vive pour les smartphones et pour les barrettes d’un ordinateur. Mais comme le marché des smartphones est bien plus porteur, et que les constructeurs de téléphones multiplient le nombre de gigaoctets affichés en mémoire vive dans les fiches techniques, ce sont les barrettes qui en pâtissent. Depuis un an, on a donc vu les fabricants spécialisés dans la mémoire vive aller là où la demande est la plus forte, vers les smartphones…
Et puis pour le coup, pour la RAM, il y a aussi des accusations d’ententes illicites…
C : AH ! Tu vois !
G : Pas de quoi se réjouir Corentin. En fait c’est surtout Samsung, le leader de la mémoire vive, qui a été accusé par un cabinet de s’être entendu sur une hausse des tarifs avec ses principaux concurrents, Hynix et Micron. Ce qu’on appelle en fait un cartel. Rien n’a été jugé encore donc en attendant on met ça de côté et on va surtout conserver l’explication de la concurrence des smartphones.
C : Mais c’est la première fois qu’on voit comme ça une hausse impressionnante des prix des composants de PC ?
G : Non, loin de là. Un exemple qui a pas mal marqué, c’est celui des disques durs en 2011. Entre des inondations et le tsunami qui a touché le Japon, ce sont plusieurs usines de disques durs qui ont été affectées. Pour le coup, il ne s’agissait donc pas de concurrences, mais de véritables drames qui ont également affecté, dans une moindre mesure, le marché des disques durs et des SSD. Au total, c’était près d’un tiers de la chaîne de fabrication des disques durs qui avait disparu, comme l’expliquait un technico-commercial au micro de la chaîne locale Teletoulouse.
[Insert Teletoulouse]
À l’époque, pour te donner une idée, le prix de certains disques durs avait donc été multiplié par trois pour faire face à l’offre limitée. On était quand même bien au-dessus des 30% d’augmentation du tarif des cartes graphiques.
C : Merci Geoffroy de me permettre de relativiser tout ça. Tant pis, ma nouvelle config attendra et d’ici là, on se retrouve très bientôt !
Composants informatiques : des tarifs mi-config, mi-raisin
Vous cherchez à renouveler votre config, mais les tarifs exorbitants des cartes graphiques et autres processeurs vous rebutent ? Ne vous en faites pas, vous n’êtes pas les seuls ! Geoffroy Husson de « Tom’s Guide » nous explique comment la nature de ces événements peut faire flamber le prix des composants.
0:00
7:22
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.