L’E3 de savoir

Corentin : Véritable rite annuel dans le petit monde du jeu vidéo, le salon E3 de Los Angeles est un événement immanquable pour les amateurs éclairés de l’industrie. Aujourd’hui, Pierre-Alexandre Rouillon de Gamekult a envie de nous en parler pendant quelques minutes. Salut Pierre-Alexandre !
Pierre-Alexandre : Salut Corentin !
Aujourd’hui on va parler de l’Electronic Entertainment Expo de Los Angeles, ou E3 - d’ailleurs, pitié, ne prononcez plus jamais “ikioube”, c’est un truc typiquement français qui vous fera passer pour un idiot à coup sûr.
L’E3, donc, est un gros événement professionnel qui se tient chaque année à Los Angeles, généralement au mois de juin. Et c’est effectivement au jeu vidéo ce que le salon de l’agriculture est à la vache limousine : une référence.
C : Oui, c’est clair que c’est devenu un des gros marronniers de la presse jeu vidéo. Mais ça existe depuis combien de temps d’ailleurs ?
P-A :
Eh ben avant les années 90, si tu étais un développeur qui voulait montrer ses jeux vidéo, tu n’avais que deux grands salons :
Le Consumer Electronics Show (ou CES) de Las Vegas, qui a fêté ses 50 ans l’année dernière
Et l’European Computer Trade Show (ou ECTS) à Londres, mort en 2004.
Petit problème : le jeu vidéo c’était un peu le parent pauvre dans ces événements.
Par exemple Tom Kalinske, président de la branche américaine de Sega à l’époque, raconte qu’en 1991 les consoliers étaient relégués au fond du salon
Il fallait passer par les stands de l’industrie du porno avant d’arriver sur les stands de jeux, à peine protégés par des tentes.
Et manque de bol, il pleuvait à mort et la Mega Drive flambante neuve de Sega a donc pris la flotte.
C : Ah oui c’est absolument inimaginable aujourd’hui ça !
Ah ben oui ! Et fatalement, au bout d’un moment, les gros acteurs du jeu vidéo ont décidé que “eh oh hein bon y en a marre” et ils ont décidé de lancer leur propre salon.
Et c’est ainsi qu’il y a 23 ans, le 11 mai 1995, le premier E3 a ouvert ses portes.
[SON] Reggie.mp3
Et alors que les organisateurs n’étaient pas certains du succès de leur entreprise, ils ont fini le salon en ayant loué la majeure partie du Convention Center de Los Angeles,
Et ils auront finalement vu passer 40.000 participants.
Ensuite, à part quelques accidents de parcours comme une délocalisation à Atlanta en 1997 et 1998 faute d’avoir réussi à négocier avec le Convention Center de Los Angeles,
Le salon ronronne comme un chaton après un bon festin et tout va pour le mieux.
En tous cas, jusqu’en 2007
C : Ca serait pas l’année où le salon a été délocalisé, ça ?
P-A : Exactement !
Au fil du temps, les prix sont montés en flèche et de nombreux exposants étaient plus trop chauds pour dépenser entre 5 et 10 millions de dollars pour un stand.
En plus l’arrivée en masse de bloggeurs parmi les invités a commencé à frustrer de nombreux professionnels, qui galéraient un peu à toucher leur cible, à savoir les journalistes et les revendeurs ou investisseurs.
Du coup, les organisateurs ont décidé de restructurer l’événement à une plus petite échelle.
[SON : Crab]
C’est ainsi qu’est né le E3 Media and Business Summit
En 2007, le salon s’est carrément déporté dans des hangars de l’aéroport de Santa Monica et des hotels pas loin, avec une affluence réduite à 10.000 professionnels
Et l’année suivante, en 2008, l’E3 est retourné au Convention Center de Los Angeles, mais avec un maximum de 5000 invités.
C : Ah oui c’est drastique là !
P-A : Ah ben pour y avoir été à cette époque, je peux te dire qu’on avait de la place pour se balader, c’est clair !
Mais après ces deux années de restrictions et de nombreuses plaintes du public, le salon a repris un peu de gras autour de l’os avec 45.000 participants et le succès qu’on lui connaît encore aujourd’hui.
Il est même possible que la démocratisation du haut-débit, qui a permis aux éditeurs de retransmettre leurs conférences en direct sur Internet, ait fait beaucoup de bien à l’image du salon
D’ailleurs, on peut clairement se demander si ces conférences (et les Nintendo Direct) ne sont pas devenus plus importants que le salon en lui-même
Vu que certains analystes du dimanche s’amusent à désigner les “gagnants de l’E3” juste après les conférences.
C : C’est vrai qu’on dirait que c’est là que tout se joue maintenant
Alors que bon, ça reste le salon qui est le plus important ! C’est là-bas qu’on tâte les jeux manettes en mains, qu’on discute avec des développeurs et qu’on découvre, au hasard d’un virage dans les travées du salon, un petit jeu indé que personne n’a vu jusque là !
[SON : Ridge]
Et avant de finir cette chronique, difficile de ne pas évoquer les autres salons nés grâce à l’E3.
Le Tokyo Games Show depuis 1996
La Gamescom allemande depuis 2009, qui est maintenant l’un des plus gros salons au monde
Et nos salons à nous comme le SuperGames Show, le Micromania Games Show ou la Paris Games Week, qui mériteraient une chronique rien que pour eux un jour.
C : Je pense en effet qu’il y a quelques trucs à raconter sur nos salons à nous !
P-A Et pour terminer, même si l’E3 est devenu une gigantesque machine marketing où les éditeurs viennent majoritairement pour se faire mousser et occuper l’espace médiatique,
Ben ça reste un événement super cool et fédérateur, où on live-tweet avec les copains, où on bave devant des trailers et des surprises, où on se moque des conférences ratées (encore un sujet de chronique potentiel, ça)
Et pour suivre le salon depuis maintenant un paquet d’années, la meilleure manière de le suivre c’est encore :
Inviter des potes à la maison
Commander des pizzas
Acheter des bonbons,
Et suivre les conférences avec ferveur, comme certains peuvent suivre la coupe du monde
C : Eh bien merci beaucoup Pierre-Alexandre pour ce petit historique de l’Electronic Entertainement Expo (et pas ikioube, on a compris) ! A bientôt !