Corentin : Aujourd’hui, j’accueille Omar Belkaab de FrAndroid qui va nous expliquer comment la lutte contre le piratage empêche certaines personnes de regarder Netflix dans les meilleures conditions sur leurs smartphones. Houlà ! Ça m’a l’air bien dense comme sujet !
Omar : Bonjour Corentin ! Eh oui, notre discussion d’aujourd’hui va être très intéressante, c’est promis ! Mais pour ça il va falloir aborder quelques notions techniques..
On va parler des DRM. Et déjà là tout de suite, je suis pas sûr que tout le monde soit familier avec ce terme : « DRM ». Mais pas de panique Corentin ! On va prendre le temps de tout expliquer dans cette chronique.
C : Me voilà rassuré !
O : Je vais commencer par te faire écouter un son qui ravivera peut-être quelques souvenirs en toi.
[EXTRAIT LE PIRATAGE C’EST DU VOL] (J’ai laissé toute la musique (50 sec environ) pour qu’on puisse parler dessus et tu pourras baisser progressivement le son)
O : Alors ? ça te dit quelque chose ?
C : Ah mais ça c’est la musique de la pub anti piratage qui se lançait sur les DVD. juste avant que le film commence.
O : Exactement ! Je sais pas si tu te rappelles, mais, ce spot, il te disait qu’il ne te viendrait jamais à l’idée de voler une voiture ou de voler un sac -- et alors pourquoi tu aurais envie de voler un film. Et ça terminait sur le message LE PIRATAGE C’EST DU VOL
C : Oui ça me revient maintenant ! Mais pourquoi tu me parles de ça. Ça remonte à loin.
O : Justement ! C’était mon but d’éveiller cette nostalgie. Enfin, en partie seulement… Je voulais surtout rappeler que la lutte contre le piratage ça existe depuis très longtemps.
C: C’était l’époque dorée des sites comme Mégaupload. ET il y a aussi eMule, Limewire et toutes ces plateformes où on pouvait trouver gratuitement la trilogie version longue du Seigneur des Anneaux.
O : Et en qualité souvent bien pourrie…Ah lalala. Les choses ont bien changé depuis mais la lutte contre le piratage, elle, s’est intensifiée. D’autant plus qu’aujourd’hui, pour regarder un film, on achète plus trop de DVD et on va plutôt sur des plateformes légales comme Netflix (évidemment) ou Prime Video, myCanal, Molotov TV…
Donc là les contenus ils sont légalement mis en ligne sur Internet mais il faut bien continuer de les protéger contre le piratage. Et c’est là qu’intervient le concept des DRM : digital rights managment.
Et en bon français ça donne : gestion des droits numériques.
C : Mais c’est quoi concrètement un DRM ?
O : On va essayer de le dire très simplement : les DRM ce sont tous les outils mis en place par les ayants-droits pour protéger leurs œuvres numériques. Donc c’est quelque chose qui est directement intégré à une œuvre quand elle mise sur Internet. Le but c’est de bloquer autant que possible la réutilisation d’un contenu et, par conséquent, de limiter un maximum son piratage.
Ça concerne donc les livres numérisés (ebook), les jeux vidéo et les musiques. Mais la plupart du temps, quand on parle de DRM, on a en tête les films et les séries.
C : Du coup c’est parfait ça ! Grâce aux DRM il n’y a plus de piratage ! C’est la fête !
O : Aaaah désolé je vais gâcher ton enthousiasme !
Déjà d’une part, le piratage existera toujours sur Internet. Les DRM rendent juste la chose un peu plus compliquée... D’autre part, ces DRM posent problèmes à plusieurs militants de l’Internet libre.
Il y a exemple qui est assez parlant : quand tu achètes un objet dans la vraie vie, tu peux en faire ce que tu veux, on est d’accord ? Eh bien certains estiment que ça devrait être la même chose sur Internet. Sauf que c’est loin d’être le cas.
En cherchant un peu, je suis tombé sur une vidéo qui a été réalisée par l’association April et qui explique ce qui pose problème avec les DRM dans le cadre ici des ebooks.
[EXTRAIT April]
C : Si je comprends bien. D’un côté il y a les ayants-droits qui estiment que les DRM permettent de lutter contre le piratage et de l’autre il y a des militants qui pensent que les DRM servent d’excuses aux géant du web, aux producteurs et aux diffuseurs pour se mettre plus d’argent dans les poches.
O : C’est un vaste débat idéologique et il nous faudrait bien 4 heures pour couvrir tout le sujet. Mais ce n’est pas vraiment pour ça que je suis ici.
C : Et tu es là pour quoi alors Omar ?
O : Essentiellement pour l’argent et la gloire.
Plus sérieusement, je voulais aborder un sujet très précis et que je m’apprête à énoncer. Donc accroche-toi bien Corentin :
À cause des DRM, il y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas regarder leurs vidéos Netflix en haute définition sur leur smartphone. Il n’ont juste pas le droit de profiter d’une qualité HD.
C : Ooooh ! Tu as piqué ma curiosité là !
O : Ah tu me fais plaisir. Je vais essayer de l’expliquer très clairement. Le sujet qui nous intéresse ici concerne uniquement Android. Parce qu’Android c’est un OS mobile conçu par Google mais qui a la grande force d’être ouvert à tous et il peut donc être utilisé par n’importe quel constructeur du marché.
Mais ce côté ouvert c’est aussi malheureusement une source de faiblesse parce que tout le monde ne suit pas forcément les mêmes règles quand ils installent Android sur un smartphone.
> Je m’explique : sur Android, il existe évidemment un DRM qui est proposé par Google et qui s’appelle Widevine.
Mais Widevine, il a 2 niveaux de sécurité : le niveau L3 et le niveau L1. Tu me suis jusqu’ici ?
C : Oui c’est encore assez clair, mais il va falloir expliquer cette histoire de niveaux de sécurité.
O : J’y viens. Widevine L3, c’est la version basique de ce DRM. Quand tu installe Android sur un téléphone, c’est sûr et certain : il aura Widevine L3. C’est la protection minimale contre le piratage.
Pour un meilleur niveau de protection, il faut que le smartphone profite de Widevine L1 qui est donc le niveau de sécurité le plus élevé du DRM sur Android. Mais ça coûte plus cher parce que c’est un composant matériel qu’il faut mettre dans le smartphone pour en profiter. Ce n’est pas un truc que t’ajoute avec une mise à jour logicielle.
C : Ah je commence à voir où est le problème. Le niveau le plus faible du DRM empêche de profiter des vidéos Netflix en HD, c’est ça ?
O : C’est tout à fait ça. Les ayants-droits ils estiment que Widevine L3 est trop facilement piratable et ils disent : « On n’a pas envie que notre film ou notre série se retrouve illégalement sur Internet en HD ou en Full HD. Donc on prend le moins de risque possible, on limite la casse et on ne propose qu’une qualité standard : du 480p ou du 576p… et ça c’est moins agréable à l’œil.
C : C’est vraiment dommage pour le coup ! Parce que même les smartphones les moins cher ont un écran HD. Mais finalement ça ne sert pas à grand-chose sur Netflix s’ils n’ont pas le bon DRM..
O : Pour trouver un smartphone qui n’a pas au minimum un écran HD, il faut vraiment aller dans l’entrée de l’entrée de gamme. C’est ultra rare maintenant (et je me demande même si ça existe encore).
Du coup, presque tous les smartphones sont techniquement capables d’afficher des vidéos HD… mais s’ils n’ont pas le bon DRM… bah Netflix ne va juste pas afficher de HD...C’est un peu bête : la fiche technique est là, mais pas le contenu.
C : Et je suppose que ce sont surtout les smartphones haut de gamme qui peuvent se permettre d’avoir un DRM bien sécurisé.
O : Alors oui Widevine L1 est installé grosso modo sur 95 % des smartphones Android haut de gamme et sur les bons milieu de gamme, C’est quand on passe en dessous des 400 euros que la question commence à se poser. Et en dessous de 250 euros, la probabilité est encore plus faible.
Sauf que l’immense majorité des utilisateurs Android ils investissent en moyenne 300 euros dans un smartphone, quelque chose comme ça. Et là c’est pile la zone de flou. Est-ce que j’aurais ou non la HD sur Netflix ?
C : Et comment on peut savoir ça avant d’acheter un smartphone ?
O : C’est malheureusement tout le problème. Les constructeurs ne communiquent presque jamais cette information. Récemment, il y a juste Honor qui a un peu mis ça en avant sur son Honor 8X, je crois, à 250 euros. Mais sinon, oui c’est très rare. Les utilisateurs ne sont pas bien informés là-dessus.
Par contre si tu as déjà le téléphone entre les mains, tu peux installer l’application DRM Info qui t’indiquera le niveau de sécurité de Widevine : L1 quand c’est bien, L3 quand c’est bof bof.
C : Corrige moi si je me trompe, mais cette limitation elle s’applique à Netflix mais aussi à tous les autres services SVoD ?
O : Hélas oui. Ce sera plus ou moins la même règle sur myCanal, Molotov, Prime VIdeo…
Donc chers auditeurs et auditrices, c’est quelque chose de bon à savoir avant d’acheter un smartphone à un prix attractif. Parce que c’est souvent l’une des concessions que font les constructeurs de smartphones.
Malheureusement, c’est une information qui reste difficile à connaître avant un achat. Donc c’est bien de le savoir, mais reste à savoir ce que l’on peut y faire.
C : Nous voilà avertis ! Merci Omar pour ces précisions très techniques mais importantes. Et à la prochaine !
O : Ciao !
Sur smartphone, la HD trop souvent sacrifiée sur l’autel des DRM
Que ce soit des films, des livres ou des jeux vidéo, une grande partie des contenus que nous consommons sont dématérialisés et sont consultables en ligne. Les DRM sont des outils spéciaux qui permettent de lutter contre le piratage de ces œuvres. Mais derrière cette noble initiative se cachent plusieurs contraintes pour les utilisateurs. Avec Omar Belkaab de « FrAndroid », nous parlerons d’un cas très précis qui concerne les vidéos Netflix sur nos smartphones.
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