Twitter : plus c’est long, moins c’est bon
[SON TELEPHONE]
Lucie : Corentin tu as eu un téléphone portable à quel âge ?
Corentin : REPONSE CORENTIN
L : Est-ce que tu te souviens de l’époque où on payait les SMS à l’unité ? Moi c’était un truc qui me frustrait beaucoup : j’étais obligée de tout écrire en abrégé pour discuter avec ma meilleure amie du collège, sans exploser mon forfait. Après j’ai eu Internet, mais je ne pouvais toujours pas discuter comme je voulais, parce qu’on payait la connexion à la minute.
Les nouvelles technologies ont longtemps été limitées car leur généralisation au grand public coûtait cher. Il fallait les rembourser, puis les rentabiliser. Aujourd’hui, ces limitations n’existent presque plus. On ne compte plus les SMS à l’unité. Vous allez sur Internet comme vous voulez si vous passez par le Wi-Fi. Et ce son n’est plus qu’un lointain souvenir :
[SON VIEUX MODEM] https://www.youtube.com/watch?v=gsNaR6FRuO0
Pourtant, il reste un vestige de ce passé très limité : le réseau social Twitter. Créé en 2006, ce dernier impose à ses utilisateurs de publier des messages en 140 caractères maximum. C’est court, 140 caractères. Pour vous faire une idée, voici une phrase qui fait très exactement 140 caractères :
“Au petit-déjeuner Lucie Ronfaut a toujours préféré les pains au chocolat aux croissants. Pourtant elle est chroniqueuse pour les Croissants.”
Malgré cette limite, Twitter est devenu un réseau social populaire. Il compte plus de 330 millions d’utilisateurs dans le monde. La raison de ce succès, c’est justement parce que Twitter pousse à la concision. Il est devenu le royaume de l’humour incisif, de l’information brûlante et des petites phrases qui font mouche. Ce n’est pas par hasard si Twitter est devenu très populaire auprès des journaliste ou des adolescents : tout y va très vite. Surtout, c’est une bulle de frais dans un Internet qui sent trop souvent le souffre. Il y a beaucoup trop de choses longues sur Internet. Les vidéos YouTube d’une demi heure. Les chaînes de mails que vous envoie votre père. Les statuts Facebook de cet ancien camarade de lycée que vous ne connaissez plus vraiment, mais qui se sent obligé de vous informer en détail des progrès de son nouveau-né. Twitter permettait d’échapper à tout ça, en proposant des contenus toujours courts.
Corentin : Et je ne peux m’empêcher de remarquer que tu utilises le passé...
L : Depuis le 7 novembre, Twitter a augmenté la limite des caractères disponibles. Les messages publiés sur le réseau social peuvent désormais atteindre 280 caractères. C’est encore assez court, mais c’est tout de même deux fois plus long. T’as vu Corentin, je suis très forte en maths ! Cette annonce a provoqué un petit séisme au sein du réseau social. Beaucoup d’utilisateurs de Twitter ont regretté ce changement. Selon eux, Twitter vend un peu de son âme en abandonnant les sacro-saints 140 caractères. Parmi les critiques les plus bruyants, on retrouve JK Rowling ou même … Bernard Pivot. Voici un extrait d’une interview qu’il a donné au Figaro à ce sujet : “Moi ce qui m’intéresse dans ce réseau social, c’est à la fois l’exercice mental et l’exercice de style. C’est-à-dire arriver à résumer une pensée, un souvenir, un fait, un sentiment en 140 signes. Les 280 signes tombent dans la facilité.” À les entendre, Twitter a fait une grave erreur.
Corentin : Mais si ça fâche tout le monde, pourquoi Twitter a fait ça ?
L : Parce qu’ils avaient tout intérêt à changer de formule ! Je disais tout à l’air que Twitter était un réseau social à succès. C’est vrai jusqu’à un certain point. 330 millions d’utilisateurs, ce n’est pas rien. Mais c’est aussi peu par rapport à Facebook, qui a dépassé les 2 milliards d’utilisateurs. Surtout, le plus gros problème de Twitter est que son audience stagne : il recrute de moins en moins d’utilisateurs tous les mois. Cela signifie que Twitter a certes une audience fidèle, mais qu’il n’est pas capable de séduire des utilisateurs en dehors de cette sphère. C’est un vrai problème pour l’entreprise, dont le modèle économique repose sur la publicité, et donc le nombre de personnes qui fréquentent son service.
Twitter est un réseau social à part. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Il est très difficile pour une personne lambda de comprendre comment marche Twitter de prime abord. Les 140 caractères sont devenus le symbole de ce problème : c’est apprécié par une petite partie des internautes, mais imbitable pour les autres. L’entreprise a fait beaucoup d’efforts pour simplifier son fonctionnement. Par exemple, elle a changé son icône pour mettre un favoris un tweet. Avant, il s’agissait d’une étoile. Désormais on doit cliquer sur un coeur. Le but est de rappeler le “like” d’autres réseaux sociaux, comme Facebook et Instagram, et donc de moins perturber les internautes. Le fait de passer aux 280 caractères, c’est le plus gros effort que Twitter pouvait faire. Alors certes, ça ne plaît pas aux utilisateurs de la première heure. Et c’est tant mieux, car ce n’est pas eux qui sont visés par cette mesure.
Corentin : C’est vrai qu’on perd quand même une partie de ce qui faisait le sel de Twitter… C’est un peu triste non ?
L : Non, c’est du capitalisme ! Twitter est avant tout en entreprise, qui a besoin de survivre et qui cherche à évoluer pour mieux plaire à ses potentiels consommateurs. On peut le regretter mais au final, c’est une décision logique. En tant qu’utilisatrice, je trouve pratique le fait d’avoir davantage de places dans mes tweets. Je n’ai plus à me casser la tête pour faire rentrer une phrase un peu trop longue dans un tout petit espace. Une preuve que Twitter a pris une bonne décision, c’est son gros succès au Japon. Il s’agit en effet de l’un des plus gros marchés pour le réseau social. Pourquoi ? Les Japonais peuvent dire plus de choses dans un tweet grâce à leurs caractères, qui ont bien plus de sens à l’unité que nos lettres de l’alphabet. Twitter est donc plus intéressant chez eux et plus populaire.
Enfin, à titre personnel, je ne crois pas trop en l’intérêt de la nostalgie. Encore moins sur Internet. Il est normal que les choses bougent, surtout quand elles sont en ligne. Et si vous ne voulez pas bouger avec elle, rien ne vous empêche de garder vos petites habitudes. La limite des 280 caractères ne vous empêche pas de continuer à écrire des tweets plus courts. Ou de payer vos SMS à l’unité, si vous regrettez vraiment le passé.
Corentin : Eh oui, la nostalgie a parfois la vie dure. Merci Lucie en tout cas pour le topo de ce séisme qui a secoué la Twittosphère !
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