Corentin : Tous les quatrièmes jeudi de novembre, les Etats-Unis célèbrent la fête de Thanksgiving. Et en 2018, ça tombe le 22 novembre. Mais au fait, Thomas, c’est quoi Thanksgiving ?
Thomas : Bonjour Corentin. Eh bien Thanksgiving, comme son nom l’indique, est une célébration permettant à tout à chacun de dire merci pour les bonnes choses qui ont eu lieu dans l’année, ou que l’on souhaite voir exaucées. C’est LA fête familiale étasunienne, plus que Noël, où l’on va voyager de longues heures pour retrouver ses proches et partager un long week-end avec eux. Si vous consommez de la pop culture américaines, Thanksgiving ne vous est certainement pas étranger.
Corentin : Ah, ça, c’est sûr, même si l’on ne sait pas trop de quoi il s’agit, on sait que ça implique une gigantesque dinde et des discussions animées entre convives. Mais du coup, à quand ça remonte, Thanksgiving ? Quelle est la signification de cette fête ?
Thomas : On va commencer par le volume administratif, parce que c’est le moins intéressant. Officiellement, Thanksgiving n’est reconnu comme fête à l’échelle fédérale seulement depuis 1941. Cependant, depuis 1863, les présidents américains ont tous proclamé cette journée comme fériée, et plus ancien encore, depuis l’indépendance américaine, la fête peut être célébrée à la discrétion des différents états.
Corentin : Attends un instant… Tu as parlé de 1863… Même en pleine Guerre de Sécession, on a célébré Thanksgiving ?
Thomas : Oui. C’était une façon pour Lincoln de rappeler que, même divisé, le pays avait des valeurs communes. Et finalement, c’est toujours le sens que peut avoir Thanksgiving : le pays est politiquement très divisé, comme nous l’ont montré les élections de mi-mandat, mais malgré tout, tout le monde se retrouve autour de la table parce qu’on appartient finalement tous à une même et grande famille.
Corentin : OK, on a un contexte administratif, mais bon, comme tu l’as dit, c’est pas la facette de l’histoire qui nous intéresse le plus. Donc pourquoi est-ce que les Pères Fondateurs ont décidé que ce jour devait être célébré, en plus du 4 juillet par exemple ?
Thomas : Pour savoir cela, il faut remonter au début du XVIIe siècle, lors de la colonisation de l’Amérique du Nord par les puritains du Mayflower, comme l’explique cette vidéo du quotidien La Croix :
[01 - la croix.mp3]
Thanksgiving, en français “action de grâce”, remonte au 26 novembre 1620, lorsque des premiers immigrants anglais en Amérique avaient décrété 3 jours de remerciement à Dieu pour avoir survécus aux épidémies et obtenus des récoltes abondantes. A cette occasion, les Amérindiens leur ont apporté des dindes sauvages.
Il y a deux éléments à retenir de cet extrait sonore. D’abord que Thanksgiving a des racines religieuses. Et ensuite que les Amérindiens étaient présents. Cet épisode de 1620 est fondateur dans la mythologie des Etats-Unis.
Corentin : On est d’accord qu’on parle des Amérindiens qui vont se faire décimer par la suite lors de la colonisation du continent, hein ? Ca voudrait dire que le mythe de Thanksgiving est une fake news ?
Thomas : Non ! Car, oui, des représentants de la confédération tribale Wampanoag sont bien là ce 26 novembre 1620. Lors de l’établissement de la colonie de Plymouth (où s’établissent les puritains), ce sont les Wampanoag qui vont apprendre aux colons la pêche à l’anguille et la culture du maïs. Leur présence lors de l’action de grâce est donc légitime. Grâce à cela, l’idée que Thanksgiving est la fête de tous les Américains, anciens comme nouveaux, apparaît.
Corentin : Du coup, est-ce une réalité, cet aspect unitaire autour de Thanksgiving ?
Thomas : En partie. J’ai l’impression que dès lors que l’on fête Thanksgiving, on s’inscrit dans l’histoire des Etats-Unis, et donc on devient un peu plus américain. Davantage que lors du 4 juillet, par exemple, puisque, si cette date est devenue la fête nationale américaine, elle marque la signature de la Déclaration d’Indépendance par des personnes qui représentent aujourd’hui assez peu la diversité des États-Unis.
En intégrant dès le départ les Amérindiens dans le discours sur Thanksgiving, on fête aussi d’une certaine façon le multiculturalisme américain. Et, de fait, lorsque l’on échange avec des immigrés aux Etats-Unis de première ou deuxième génération, le récit autour de leur première célébration de cette fête est important, avec des histoires de tentatives - parfois ratées, parfois non - de préparation de dindes.
Corentin : Ah ben tiens, puisque tu parles de dinde, que mange-t-on, traditionnellement, lors de Thanksgiving ? Tu as dit que le repas occupait une place centrale dans cette fête.
Thomas : Eh oui, parce que ne l’oublions pas, à la base, Thanksgiving, c’est aussi une fête des bonnes récoltes. Il faut donc apporter sur la table l’abondance, le fruit du labeur de l’année écoulée. Et ça, c’est beaucoup de travail, qui peut prendre près d’une semaine de préparatifs. C’est de là que vient l’image de la mère de famille exténuée à Thanksgiving dans la culture populaire : c’est elle qui abat tout le travail, et lorsque tout le monde met les pieds sous la table, elle est au bout du rouleau.
Donc outre la dinde - que l’on prépare farcie, et pas aux marrons comme en France - on trouvera de la sauce aux airelles, de la purée de pomme de terre, du pain de maïs, des légumes verts, le tout arrosé de gravy, cette sauce épaisse préparée avec les abattis de la dinde. En dessert, on trouvera souvent de la tarte au potiron ou aux noix de pécan.
Corentin : Que des plats légers, dis-moi ! Et à part ce repas, on fait quoi pendant Thanksgiving ?
Thomas : Pendant le repas, on mange en discutant de façon parfois véhémente avec ses proches. Et puis globalement, on ne fait rien. Le lendemain, généralement on comate devant un match de football américain. Ou alors on affronte le froid et les hordes de badauds lors du désormais célèbre Black Friday, journée de soldes exceptionnelles qui marque le début de la “saison des fêtes” aux Etats-Unis. Globalement, c’est comme un Noël familial chez nous : on fait rien en famille, à regretter les abus de la veille.
Corentin : Merci pour ces éclairages, Thomas, on comprendra un peu mieux les tenants et aboutissants des épisodes de Thanksgiving dans les séries américaines à présent. A bientôt !
Thomas : A bientôt !
Thanksgiving : une fête gravy dans le marbre de la culture américaine
En France, on ne l’a jamais vraiment vécue, mais on la connaît tous un peu par le biais de la pop culture américaine. Thanksgiving est la fête familiale par excellence outre-Atlantique. Thomas Hajdukowicz nous en explique les origines et son déroulement.
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