Narrateur (une tierce personne si possible) : C’était une matinée comme les autres à la rédaction des Croissants. Comme les autres ? Pas vraiment. Corentin se posait des questions...
Corentin : Ah, Noël… Décorer le sapin, se retrouver en famille autour de la dinde et d’une bonne bûche… Sans oublier le Père Noël ! Elle est pas bien, cette bonne vieille tradition bien de chez nous, Thomas ?
Thomas : Tu veux dire quoi par “bien de chez nous”, au juste ?
Corentin : Bah… de chez nous, tu sais. Je veux pas entrer dans un débat religieux, mais les racines chrétiennes de l’Europe, ce genre de trucs, tu vois ? C’est l’anniversaire de Djizuss’, quand même !
Thomas : Oui, mais en es-tu bien sûr ? Aucun des écrits chrétiens canoniques ne fait mention d’une date exacte. D’ailleurs, aujourd’hui, la plupart des historiens et théologiens s’accordent à dire qu’il est né entre 6 et 4… avant Jésus-Christ.
Corentin : Né avant lui-même, ça c’est du miracle ! C’est pas Jésus pour rien, le gars.
Thomas : Du coup, compte tenu de cette incertitude, tu comprendras qu’affirmer que Jésus est né un 25 décembre, c’est s’avancer beaucoup. Certains théologiens se basent sur des références à des bergers dans la Bible, ce qui positionnerait la naissance de Jésus davantage dans le courant de l’automne, entre la mi-septembre et début octobre.
Si le 25 décembre a été associé au jour de naissance de Jésus, c’est à cause d’une célébration romaine, les Saturnales. Cette fête célèbre le dieu Saturne (Chronos chez les Grecs), qui a un rôle similaire à celui d’Osiris dans l’Egypte ancienne : il gouverne sur l’agriculture, le temps et la mort. La date de tenue des Saturnales a évolué, passant du 15 au 17 décembre, ainsi que sa durée (allant de 3 à 7 jours selon les différents dirigeants de Rome).
Corentin : Excuse-moi de t’arrêter un instant, mais le 15 ou le 17 décembre, même en ajoutant 3 à 7 jours, ça n’atteint pas le 25 décembre..
Thomas : Bien vu, Corentin ! En fait, au IIIe siècle après JC, on associe aux Saturnales un jour férié supplémentaire, célébré le 25 décembre, lui, le jour de naissance du Sol Invictus. Cette divinité solaire créée à cette époque a pour objectif d’unir toutes et tous les ressortissants de l’Empire Romain sous une figure divine commune, Sol Invictus, tout en conservant leurs croyances locales.
En outre, la fin décembre correspond au solstice d’hiver dans l’hémisphère nord. Et c’est peut-être ça le plus important dans l’histoire. A partir du 21 décembre, les jours rallongent, et même s’il fait toujours froid, ça veut dire que sous peu, la nature va à nouveau se réveiller et se régénérer. C’est un symbole important lorsque l’on est un dieu du temps et de l’agriculture comme Saturne. Et c’est un symbole important également quand on est l’incarnation d’une divinité solaire et qu’on revient des morts, comme Sol Invictus ou Jésus.
Corentin : Bon, OK, la fête même de Noël est d’origine païenne, comme d’autres fêtes du calendrier chrétien comme Pâques, en fait. Mais au moins, il nous reste le beau sapin, roi des forêts. Ca, c’est l’esprit de Noël !
Thomas : Oui, euh, alors…
Corentin : QUOI ENCORE ?
Thomas : Ben, c’est que… Bon, le mieux, c’est que je laisse parler les experts de la chaîne catholique KTO :
[01 - KTO.mp3]
Entre 2000 et 1200 avant Jésus Christ, les Celtes fêtent la renaissance du soleil le 25 décembre. Du coup, ils prennent l’habitude de fêter le solstice d’hiver en décorant un épicéa, arbre symbole de la vie. Ils y suspendent des offrandes pour les dieux, qui sont des fruits, du blé et des fleurs.
Cette tradition va perdurer longtemps dans certaines régions, au point qu’au milieu du Moyen ge, l’Eglise est obligée d’intercéder et reprend à son avantage ce symbole, notamment dans le théâtre mystique chrétien de l’époque.
Mais il faut attendre le XVIe siècle pour que le sapin de Noël tel qu’on le connaît aujourd’hui. Il serait né dans ce qui correspond aujourd’hui à l’Allemagne. Certains disent même que ce serait Martin Luther, le père du protestantisme, qui en serait l’initiateur. Dans tous les cas, la première trace claire du sapin de Noël se trouve en France, dans une sculpture de la ville alsacienne de Turckheim. Elle date de 1576.
Corentin : OK, super. Toutes nos bonnes vieilles traditions ont en fait des origines barbares. Au moins, la christianisation a mis de l’ordre dans tout ça.
Thomas : Oui, enfin, tout ça ne s’est pas fait sans heurts. Les Saturnales étaient une fête où la boisson coulait à flots, et où les rôles étaient inversés. Les esclaves étaient libres un jour, certains se faisaient même servir par leurs maîtres.
Et si Noël remplace peu à peu les Saturnales entre les IIIe et Ve siècle après JC, les traditions des Saturnales persistent : on célèbre une fête des fous organisée par l’Eglise, sorte de grand rassemblement paillard comprenant d’abord des ecclésiastiques, puis élargi aux gens du peuple à la fin du XIVe siècle. Evidemment, ça chante des chansons, ça ripaille et ça picole à tout va. Avec l’apparition du protestantisme, ces pratiques vont se calmer, puisqu’elles sont même interdites dans certaines colonies américaines. Donc pour le calme et la paix des hommes originels, on repassera.
Corentin : J’ai bien compris que tu cherchais à détruire l’esprit de Noël, Thomas. C’est pas joli-joli, ce que tu fais… C’est pas bien du tout… Et j’imagine que tu vas me dire que le Père Noël est en fait un serial killer d’origine viking ou un truc du genre ?
Thomas : Ah, non, j’ai rien sur le Père Noël, lui, il a l’air clean.
Corentin : C’est vrai ?
Thomas : EH BEN NON ! PRANK !
Corentin : Oh mais c’est pas vrai…
Thomas : Certains font remonter l’origine du Père Noël une nouvelle fois aux Saturnales, le Père Noël trouvant ses origines dans la figure de Sol Invictus. Mais d’autres estiment, comme tu l’as flairé, Corentin, que ce bon vieux papa Noël serait une réminiscence de certains dieux nordiques, comme Odin ou Thor, avec qui il partage une longue barbe. Mais l’origine la plus admise du Père Noël remonte à Saint Nicolas.
Corentin : Ah ben voilà, quand même ! Un saint chrétien !
Thomas : Évêque du IVe siècle, il était connu pour sa générosité envers les plus démunis. Au fil des siècles plusieurs miracles vont lui être attribué, le faisant évoluer peu à peu en protecteur des enfants. Mais le fait est que l’image qu’il a de vieille personne distribuant des cadeaux se calque sur des figures plus anciennes : pendant les Saturnales et durant les fêtes hivernales païennes scandinaves, on distribuait des cadeaux aux enfants.
Enfin, pour finir de tuer le mythe, certains experts estiment que si le Père Noël se pare de rouge, ça n’est pas à cause de Coca-Cola comme une légende urbaine tenace l’affirme (d’autres firmes habillent le Père Noël de rouge avant Coca), mais peut-être à cause de rites chamaniques sibériens qui utilisent l’amanite tue-mouche (rouge et blanche elle aussi), ou encore à cause de Thor, qui dans la mythologie nordique a les cheveux et la barbe rousse, et des yeux rouges (la fatigue, sûrement).
Corentin : Je sais plus quoi dire, au milieu de ces fêtes des fous, de ces dieux nordiques ou romains et de ces arbres celtiques, moi. Tout ce que je voulais, c’était souhaiter son anniversaire à Jésus !
Thomas : Mais tu sais, Corentin, Noël, c’est avant tout ce que tu en fais. Regarde, au Japon, c’est une fête pour les amoureux où on se rue sur les chaînes de fast-food de poulet frit pour acheter des buckets que l’on consommera en se regardant dans les yeux. Ou encore en Afrique du Sud, où plutôt que de la dinde, on déguste des chenilles frites. La tradition de Noël n’est pas figée dans le temps, et dépasse le simple statut religieux (à l’exception de certains pays comme Brunei ou la Somalie où il est strictement interdit de célébrer cette fête). Aussi, en toute sincérité, Corentin, et malgré tous les sous-entendus païens que ça peut avoir, je te souhaite un joyeux Noël.
Corentin : Joyeux Noël, Thomas.
Narrateur (une tierce personne si possible) : Et c’est ainsi que, malgré leurs différences de points de vue sur le sens de Noël, Corentin et Thomas continuèrent à être amis. Joyeux Noël, Corentin. Joyeux Noël, Thomas. Et à toutes et à tous, joyeux Noël ! Ho ho ho !
Thomas : Oui, alors ce “Ho ho ho !” n’est absolument pas traditionnel de l’imagerie du Père Noël puisqu’on ne le retrouve quasiment que dans les cultures anglo-saxonnes, puisqu’il s’agit d’une interprétation de… C’est quoi cette musique de transition ? Non, ne me coupez pas ! Je n’ai pas fini !
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