ANCHORENTIN
Peut-on présenter mon invité de ce matin sans tomber dans les excès de panégyrique, les dithyrambes, et disons-le franchement, le suçage de mister Freeze ? Pas sûr, pas sûr...
Pas sûr, mais essayons tout de même : une carrière brillante à Florence, en Italie, un caractère bien trempé, dans l’huile d’olive sans doute, mais qui le pousse parfois à la castagne. Une culture tentaculaire, qui fait le pont (la chance !) entre l’Antiquité et l’actualité ; un drôle de bonnet inimitable sur toutes les images publiées, et une plume, une plume unique, qui résonne et résonnera à travers les siècles, on en est certain, ici, à la rédaction.
Bonjour Dante Alighieri.
DANTE
Voilà. Bonjour.
ANCHORENTIN
En cette rentrée littéraire, sort en librairie une nouvelle traduction de votre livre La Divine Comédie, aux éditions Points. Sacré morceau, votre bouquin, là ! On a envie de savoir, Dante, est-ce qu’il y a du vécu, dans La Divine Comédie ?
DANTE
Hmm... Vous voulez dire quand je vois devant moi une mer souterraine dont les flots furieux sont rouges sang, et que mon frêle esquif tente de se frayer un passage entre les corps putrescents qui sont à la surface ?
ANCHORENTIN
Oui, vous avez raison... Mieux vaut laisser le lecteur se faire sa propre idée. Vous écrivez page 33 : « Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir ». C’est un peu dur, non ?
DANTE
Oui, alors non, ça, c’était une private joke avec un ami de Florence, mon ancien colloc. On avait un paillasson devant la porte de l’appart, et y avait écrit ça dessus, pour faire une blague, quoi. C’est un petit clin d’oeil.
ANCHORENTIN
Hahaha, c’est drôle !
DANTE
Voilà.
ANCHORENTIN
Sinon, en vous lisant, Dante Alighieri, on a envie de vous poser la question : il est comment Satan, en vrai ?
DANTE
Très sympa, vraiment. Peut-être...
ANCHORENTIN
Oui ?
DANTE (mystérieux)
Peut-être un peu trop sympa, même.
ANCHORENTIN
Bon... Parlons un peu du livre en lui-même. Votre avis, sur cette nouvelle traduction ?
DANTE
(soupire) Une de plus, j’ai envie de vous dire... A croire que les Français sont obsédés par mon oeuvre. Je comprends pas trop, honnêtement. Moi à votre place, ça fait longtemps que je me serais mis à l’Italien, pour éviter de me taper des traductions tous les 10 ans. Si vous aviez accueilli nos armées il y a quelques siècles, on en serait pas là. Enfin, je vais pas refaire le match ce matin, c’est trop tôt.
ANCHORENTIN
J’ai une petite séquence blindtest pour vous : (Anchorentin apporte une pizza dans le studio) Voilà. Vous êtes italien, vous pouvez me dire ce que j’ai apporté dans le studio ?
DANTE
Oh bah quand même ! Me prenez pas pour un cannolo... C’est une pizza.
ANCHORENTIN
C’est une pizza en effet ! Et qu’est-ce que j’ai mis sur cette pizza ? Le truc rouge ?
DANTE
Le truc rouge, je... c’est... bonne question... je... (paniqué) OH MON DIEU quelqu’un a saigné sur ma pizza AAAAAAA !
ANCHORENTIN
Oh là, Dante, du calme ! C’est rien ! C’est de la tomate ! De la tomate, pas du sang, tout va bien !
DANTE
C’est quoi, ça encore, la tomate ? Je savais bien que j’aurais pas dû venir dans votre émission !
ANCHORENTIN
Eh ben la tomate, c’est un fruit rouge délicieux que des grands explorateurs européens ont trouvé en Amérique.
DANTE
(silence) En quoi ?
ANCHORENTIN
En Amérique. Je vous expliquerai. Ce que vous voyez, c’est de la purée à base de tomate. Allez-y goûtez.
DANTE
(il croque dans la pizza puis parle la bouche pleine) Hm. Hmmm. Oui c’est chaud mais c’est bon. C’est vrai.
ANCHORENTIN
Bien c’est l’heure de la question rituelle qui conclut cette rubrique. Dante Alighieri : êtes-vous « Croissant au beurre » ou « Croissant ordinaire » ?
DANTE
(la bouche encore pleine) Hm, euh... On parle beaucoup de bouffe dans votre émission, je trouve... Pour vous répondre... Vous savez sans doute (si vous avez lu mon livre) que l’Amour absolu avec un grand A, c’est celui qui triomphe de la mort. Sans vouloir spoiler, hein.
ANCHORENTIN
OK, mais quel est le rapport ?
DANTE
Le rapport, c’est que l’Amour absolu, s’il peut sublimer nos existences sublunaires ternes et monochromes, peut également sublimer le plus rassis des croissants ordinaires... Dans ces conditions, le beurre du croissant n’est qu’un expédient. De la poudre aux yeux. Va pour l’ordinaire.
ANCHORENTIN
Merci Dante Alighieri d’être passé nous voir ce matin. Je rappelle le titre de votre livre qui vient de sortir aux éditions Points dans la traduction de René de Ceccatty : La Divine Comédie.
DANTE
Merci de m’avoir reçu. Et merci pour la pizza !
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