TH : Les élections européennes approchent, alors, Tatiana, tu as décidé d’essayer de décortiquer pour nous les programmes des différentes listes. Et aujourd’hui, tu te penches sur l’immigration, qui a souvent été LE sujet numéro 1 des élections européennes.
TG : Qui dit Europe, dit frontières bien plus vastes, et ça, les frontières, ça divise. Depuis toujours, et encore plus depuis la crise migratoire. En tout cas, c’est ce qu’ont toujours pensé les hommes politiques, qui ont très souvent fait campagne sur ce sujet là.
Sauf qu’en réalité, les électeurs, ils sont un peu passés à autre chose. D’après un sondage publié le 1er avril dernier dans Le Monde, seuls 14% des sondés considèrent que l’immigration est la principale menace pour l’Union européenne. Le chômage et le coût de la vie arrivent bien au dessus.
TH : Bon, alors l’immigration n’a plus tant la côte que ça, mais les Républicains, eux, il semblerait qu’ils n’aient pas eu vent de ton sondage, ou alors ils ont écrit leur programme avant que ce sondage soit réalisé. Non mais sans rire, eux en tout cas, ils pensent toujours que l’immigration, c’est ça qui compte le plus, et ils l’ont mis au centre de leur campagne.
TG : Oui, pour Les Républicains, il faut que l’Europe “arrête l’immigration de masse”, je cite. C’est leur point numéro 1, la première ligne de leur programme, #L’Europe frontière.
Le chef de file du parti, François Xavier Bellamy, l’a d’ailleurs expliqué sur le plateau de Salut les Terriens, le 19 janvier dernier
SON François Xavier Bellamy - Elections européennes immigration - Salut les terriens
TG : Alors pour empêcher ce flux de migrants, Les Républicains ont plusieurs propositions : ils veulent tripler le budget des garde-côtes, ils veulent mettre en place des flottes navales qui parcourront la Méditerranée et qui ramèneront les migrants repêchés en mer vers les côtes africaines, et puis ils veulent que les demandes d’asile se fassent dans le pays d’origine des réfugiés et non en France.
Voilà, pour les grosses lignes.
TH : Ok, donc Les Républicains veulent renforcer les frontières extérieures. Mais, ça ressemble un peu aussi au programme de l’UDI, l’Union des démocrates et indépendants.
TG : Oui, sur ce point, les programmes des deux partis de droite se recoupent vraiment beaucoup. L’UDI aussi pense qu’il faut que les demandes d’asiles des réfugiés se fassent au niveau des pays d’origine. L’UDI aussi veut renforcer les pouvoir des garde-côtes, avec plus d’hommes.
Mais il y a quand même des différences.
Contrairement aux Républicains, il n’est pas question pour le parti de Jean Christophe Lagarde de renforcer les frontières intra européennes, les frontières entre la France et l’Allemagne, alors que ça, c’est une des propositions des LR.
Au niveau du traitement des demandes d’asile, là aussi les 2 partis n’ont pas la même opinion. L’UDI estime qu’il faut mettre en place un système qui ressemble à celui qui existe au Canada, un système où chaque pays, chaque Etat de l’UE peut fixer comme il le souhaite le nombre de réfugiés qu’il veut accueillir, les conditions, etc.
Les Républicains eux parlent toujours d’un système européen, avec des critères européens, donc communs à tout le monde.
TH : Ah par contre ce système européen, cette harmonisation des critères de demande d’asile au sein de toute l’Europe, ça c’est un point où les Républicains se recoupent avec La République en Marche, non ?
TG : d’après les interviews qu’on peut lire à droite à gauche de Nathalie Loiseau, et notamment une longue interview qu’elle a accordée au Figaro sur ce sujet, oui, la chef de fil de la République en marche veut elle aussi que les demandes d’asiles soient traitées au niveau européen.
Il y a d’autres points communs entre la République en marche et les Républicains à ce propos, notamment ce dont on parlait tout à l’heure, les gardes-frontières, renforcer les frontières extérieures de l’Europe. Et la République en marche va même plus loin dans cette démarche. Le parti présidentiel, estime que c’est tout l’espace SChengen qu’il faut remettre à plat. Nathalie Loiseau l’a expliqué au micro de RTL
SON Nathalie Loiseau - Elections européennes immigration - RTL
TG : Et là, tu l’auras compris Thomas, c’est sur cette remise à plat de l’espace Schengen que la République en marche diffère des Républicains. Parce que comme les Républicains veulent ré-instaurer des contrôles à l’intérieur des frontières, ils sont moins inquiets vis à vis des pays de l’Union qui laisseraient passer des réfugiés.
TH : La boucle est bouclée. Donc, ça, c’est un peu le tour de la droite et du centre, je suppose qu’en revanche, au niveau de l’extrême droite, c’est très différent.
TG : L’immigration, ça a toujours été le cheval de bataille de Marine Le Pen et de son rassemblement national, et pourtant, cette année, ce n’est pas du tout le thème central de sa campagne. Bien au contraire, il n’y a que quelques lignes sur les frontières de l’Europe et le problème de l’immigration. Alors par contre, ces quelques lignes, elles n’ont pas beaucoup changé depuis des années, le Rassemblement national prône toujours la même politique pour l’Europe, à savoir, des mesures bien plus fortes pour protéger les frontières, et surtout une politique avant tout nationale et non européenne. Le RN veut rétablir les frontières entre chaque pays, et mener une politique plus individualiste, comme le fait l’Italie depuis l’arrivée au pouvoir de Matteo Salvini. C’est ce qu’expliquait le chef de file du parti pour les européennes, Jordan Bardella, sur l’antenne de France Culture.
SON Jordan Bardella - Elections européennes immigration - France Culture
Une fois les frontières nationales rétablies, le Rassemblement national veut supprimer les règles de regroupement familial, cesser le renouvellement automatique des titres de séjour et expulser les clandestins, je cite.
TH : Même programme je suppose pour les Patriotes, de Florian Philippot, pour François Asselineau de l’Union populaire républicaines, l’UPR et pour Debout la France, de Nicolas Dupont-Aignan ?
TG : Quasiment le même programme oui, parce que ces 3 partis politiques, de toute façon, ils veulent sortir de Schengen, sortir de l’Europe. Certains le disent ouvertement, ils veulent un Frexit, d’autres le disent moins ouvertement, en expliquant qu’il faut réformer tous les traités de l’Union européenne. Mais bref, dans tous les cas, pour l’extrême droite, la question de l’immigration est une question nationale, qui doit être réglée par chaque Etat, et qui ne doit plus être soumise aux décisions de Bruxelles.
TH : Passons à la gauche maintenant, comment se positionne l’Alliance Place publique, PS ?
TG : Là, évidemment, la politique migratoire est diamétralement opposée à celle de la droite et de l’extrême droite. Le parti mené par Raphaël Glücksmann veut que la question des réfugiés soit réglée au niveau européen, comme c’est le cas actuellement, mais par contre, il veut réformer le système qui existe pour l’instant, et notamment supprimer les accords de Dublin. Il l’a expliqué sur Radio Classique.
SON Raphael Glücksmann - Elections européennes immigration - Radio Classique
TH : Supprimer les accords de Dublin, ça, c’est quelque chose qu’on retrouve chez beaucoup de partis de gauche, non ?
TG : Oui, avec les accords de Dublin, le principe c’est que les demandes d’asiles se font dans le pays où arrivent les migrants. Du coup, ben la répartition est assez inégale, et c’est la Grèce et l’Italie qui se retrouvent en première ligne. Tous les partis de gauche, tous, disent qu’il faut réformer ce règlement. Le PS Place publique comme on vient de l’entendre, la France insoumise de Jean Luc Mélenchon, le Parti communiste aussi, et puis aussi les Verts.
TH : Alors du coup, est-ce-qu’il y a des différences entre ces partis de gauche ?
TG : Honnêtement, sur la question des migrants, pas beaucoup, beaucoup, tous sont à peu près sur la même longueur d’onde. Il y a de petites subtilités après, par exemple, le parti Europe écologie les Verts veut créer un statut de réfugié climatique, et ça c’est un peu les seuls à le mentionner.
Mais bref, sinon, la musique est la même : réformer les accords de Dublin, mais aussi mieux accueillir les migrants. Le parti mené par Yannick Jadot propose par exemple de moins mettre d’argent dans les garde côtes, la protection des frontières, etc, et plutôt utiliser cet argent pour améliorer le sort réservé aux réfugiés qui arrivent en Europe, leur proposer des cours de langue, des formations et faciliter l’insertion.
Et puis dernier point des partis de la gauche, c’est mieux accueillir les migrants, mais aussi mieux gérer leur arrivée, en mettant en place des corridors humanitaires, notamment en Méditerranée.
TH : Bon, si je récapitule tout Tatiana, on a d’un côté, les partisans de la fin de l’espace Schengen, et ou du Frexit, à savoir le Rassemblement national, les Patriotes, l’UPR et Debout la France. Eux, ils veulent que chaque pays gère comme il veut l’arrivée des réfugiés, et qu’on remette en place des frontières nationales. Les Républicains aussi sont un peu dans cette catégorie, puisqu’ils veulent aussi des frontières entre chaque pays, mais par contre pas la fin de l’espace Schengen.
Ensuite, on a toute la gauche, qui elle, veut continuer l’accueil des migrants, mais en réformant les fameux accords de Dublin et en mettant en place des dispositifs européens pour venir en aide aux réfugiés qui meurent en Méditerranée. Et pour eux évidemment, pas question de remettre en cause l’espace Schengen.
Et puis, on a ceux qui sont un peu entre deux. L’UDI, qui ne veut pas rétablir de frontières nationales, mais qui veut que chaque pays gère indépendamment sa manière d’accueillir les réfugiés. Et enfin, la République en marche, qui pense que la question des migrants est une question européenne, mais par contre, qui veut réformer l’espace Schengen.
TG : Exactement, ça peut paraître un peu manichéen comme ça mais c’est bien résumé.
TH : Et bien merci Tatiana, et à bientôt.
Élections européennes et immigration : la question des frontières divise
La question de l’immigration a souvent été au cœur des élections européennes. Tatiana Geiselmann a donc analysé les programmes des différentes listes françaises sur cette thématique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les frontières divisent, et pas que géographiquement.
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