Les Pussy Riot, de la Cathédrale de Moscou à la finale de la Coupe du monde
Corentin : Vous les avez peut-être découvertes le soir de la finale de la Coupe du monde de football. Elles, ce sont les Pussy Riot. Celles qui se sont introduites sur la pelouse du stade Loujniki pendant le match. A l’heure où nous écrivons ces lignes, elles sont toujours en prison. Mais qui sont-elles ? Angèle Chatelier fait le point.
Angèle : Leurs noms sont Veronica Nikoulchina, Olga Pakhtoussova, Piotr Verzilov et Olga Kouratcheva. Trois femmes et un homme, le mari de l’une d’elle. Ils sont russes, membres de près ou de loin du groupe de post-punk Pussy Riot et avant tout activistes (EXTRAIT 1)
Ce sont eux que vous avez vu débarquer sur le terrain lors du match de la finale en tenue de policiers. Dans une vidéo, publiée sur les réseaux sociaux de Pussy Riot, ils s’en expliquent ** c’est en russe, à voir si je parle par dessus leurs voix ?*** (EXTRAIT 2)
“Chers amis. Vu que l’État de droit n’existe pas en Russie, et que n’importe quel policier peut s’inviter dans votre vie sans raison, la coupe du monde a montré des policiers qui se comportent bien. Mais que va-t-il se passer quand la compétition est finie ?”
Vous l’aurez compris donc, en s’immisçant dans le match de la finale, les quatre activistes dénonçaient les violences policières. Une action qui fait écho à leur dernier titre, Police State, sorti il y a huit mois (EXTRAIT 3)
Avec cette action, les Pussy Riot souhaitaient aussi la libération de tous les prisonniers politiques de Russie ou encore l’autorisation à la concurrence politique dans le pays. Une photo de cette action a fait le tour du monde : celle de l’activiste Olga Kouratcheva faisant un high five à Mbappé. Deux jours après leur intrusion, les Pussy Riot ont sorti un nouveau titre, Track About Good Cop, un morceau qui dénonce la répression policière en Russie (EXTRAIT 3 BIS)
C : Mais qui sont les Pussy Riot ?
A : Avant d’être un groupe de punk, les Pussy Riot (« émeutes de chattes », en anglais), est un collectif formé en 2011. Activistes pour le droit des femmes en Russie avant toute chose, les Pussy Riot ont commencé dès 2012 à s’opposer fermement à la campagne de Vladimir Poutine, temporairement Premier ministre, à l’élection présidentielle. Leur nom est directement inspiré du mouvement Riot Grrrl. Un mouvement musical né aux États-Unis au début des années 90, féministe et militant.
Les femmes de Pussy Riot, elles, ont un sacré CV. Nadejda Tolokonnikova, par exemple.
En 2008, alors étudiante en philosophie à l’une des plus prestigieuse université de Moscou, elle organise avec son mari (Piotr Verzilov, donc), une immense action : celle de participer, alors enceinte, à des relations sexuelles publiques avec des membres du collectif Voina, directement dans l’enceinte du Musée des Sciences Naturelles de Moscou. Le but : protester contre l’élection de Dmitri Medvedev, l’homme de paille de Poutine.
C : Mais c’est dès 2012 que les Pussy Riot entament une action de grande ampleur qui leur vaudra plusieurs mois d’emprisonnement
A : Avec cette chanson (EXTRAIT 4)
Vierge Marie, chasse Poutine, un titre particulièrement contestataire qui dit notamment : « Le fantôme de la liberté est au ciel. La gay-pride est envoyée en Sibérie enchaînée. Le chef du KGB, leur saint patron, Conduit des protestataires en prison sous escorte », voilà pour les paroles.
Trois Pussy Riot l’entonnent en février 2012 dans la cathédrale de Moscou, encagoulées, comme à leur habitude. Cette prière punk devait servir à demander le départ de Vladimir Poutine du pouvoir. Cinq femmes participent à cette action.
C : Sauf que forcément, il y a eu de graves conséquences…
A : En août, trois d’entres elles Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch sont condamnées pour « hooliganisme » et « incitation à la haine religieuse ». La sentence : 2 ans d’emprisonnement dans un camp en Russie. Les deux autres membres de l’action avaient réussi à fuir la Russie et ainsi, échapper aux poursuites judiciaires. Dès l’annonce de la condamnation, le journal britannique The Guardian mettait en ligne ce titre (EXTRAIT 5)
Putin Lights Up The Fire, le dernier single des Pussy Riot. En octobre 2012, toujours, Ekaterina Samoutsevtich ressort libre de son audience en appel. Les deux autres elles, voient leur peine confirmée.
C : Quelles avaient été les réactions à propos de cette action à l’époque ?
A : Mauvaises du côté d’une partie de l’Eglise orthodoxe russe qui criait au blasphème, forcément. Mais cela avait engendré un débat inédit, selon Le Monde, sur les liens entre Eglise et pouvoir. Car le diacre Andrei Kouarev à l’époque, avait appelé à la clémence et au pardon, jugeant que la peine était démesurée au regard des faits.
A l’international, de nombreux soutiens aux Pussy Riot se sont levés : Sting, Kate Nash, Yoko Ono, Franz Ferdinand, pour ne citer qu’eux. La presse européenne, elle, estime que c’est une dérive du gouvernement russe, tout comme l’a dit Angela Merkel. Najat Vallaud Belkacem, alors ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement français, tweet que l’impertinence ne devrait jamais amener en prison.
C : D’autant que les camps russes n’ont pas la réputation d’être les plus accueillants.
A : Dans une lettre destinée à la presse, Nadejda Tolokonnikova avait d’ailleurs dénoncé ses conditions de détention. Elle disait, entre autre : « afin de maintenir discipline et obéissance, il existe un système de punition officieux. Les prisonnières perdent leurs privilèges hygiéniques. Il n’y a pas le droit de se laver ni d’utiliser les toilettes. » Concernant les conditions de travail, elle dénonce aussi : « ma brigade travaille dans l’atelier entre 16 et 17h par jour. De 7h30 du matin jusqu’à 00h30. Au mieux nous dormons 4h par nuit. Nous avons une journée de repos tous les mois et demi ».
Pour accompagner ses dires, l’activiste entame alors dans le même temps une grève de la faim. Elle fut hospitalisée 7 jours après l’avoir commencé.
Les deux dernières Pussy Riot condamnées sont libérées en décembre 2013.
C : Qu’est ce qui va donc leur arriver après leur intrusion sur la pelouse du match de la finale, une action une nouvelle fois d’une grande ampleur ?
A : A l’heure où j’écris ces lignes, les quatre protagonistes sont condamnés à 15 jours de prison et à une interdiction d’assister à des événements sportifs pendant trois ans.
Sauf que dans la foulée, les Pussy Riot ont réussi à faire condamner la Russie par la Cour européenne des droits de l’Homme. Selon elle, les autorités russes se sont rendues coupables à leur égard de traitements dégradants, de violation du droit à un procès équitable, violation du droit de liberté et violation de la liberté d’expression. Les trois Pussy Riot condamnées obtiennent donc 32 000 euros en réparation de ce préjudice moral.
Sacré revanche.
C : Néanmoins, ça reste bien maigre qu’on compare cette réparation aux mauvais traitements dans les camps que ces activistes ont subis. Merci Angèle, et à très vite.
Les Pussy Riot, de la Cathédrale de Moscou à la finale de la Coupe du monde
Les Pussy Riot ont fait irruption sur la pelouse de la finale de la Coupe du monde de football 2018. Mais qui sont ces féministes aux actions spectaculaires ? Angèle Chatelier s’est intéressée à ce groupe de militantes qui n’ont pas froid aux yeux.
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