Co : Le dimanche 10 mars dernier, des dizaines de milliers de personnes manifestent dans les rues de Moscou afin de protester contre un projet de réforme sur l’Internet russe. Une réforme à laquelle s’ajoute le vote de nouvelles lois qui ont de quoi inquiéter les Russes sur les libertés d’expression et la neutralité du Web.
Ca : 15 000 personnes selon les organisateurs, 6 500 d’après la police, les Russes se sont déplacés dans les rues de la capitale pour marquer leur mécontentement envers le projet d’une loi pour un internet russe souverain. Une manière de se protéger contre les attaques d’après le gouvernement, une façon d’isoler l’Internet russe du reste de la planète selon les opposants.
Co : Et comment ça marche concrètement cet Internet russe ? Qu’est-ce qu’il a de si spécial ?
Ca : Avec ce projet, il devrait être capable de fonctionner de manière indépendante si jamais il y a une coupure du pays des serveurs mondiaux. Les fournisseurs d’accès à Internet russes auront la tâches d’assurer sur leurs propres réseaux des moyens techniques afin de mettre en oeuvre un contrôle centralisé du trafic pour lutter contre les attaques.
Co : Ou comment accroître toujours plus son contrôle du réseau…. De quelle manière les autorités ont présenté ce projet, histoire de mieux faire avaler la pilule ?
Ca : C’est assez cocasse, justement. Au départ, cette loi incarnait la solution pour lutter contre les cyberattaques. Mais pour répondre aux premières critiques, ses défenseurs ont avancé un autre argument de taille : il s’agirait de la réponse la plus logique à donner face à la méfiance des États-Unis envers la Russie. Dans un document datant de 2018, les Américains auraient dévoilé leur volonté de durcir leur stratégie en matière de cybersécurité face aux menaces que représenteraient la Russie, aux côté de la Corée du Nord et l’Iran.
Co : C’est vrai que les États-Unis ont révélé ces derniers mois des activités de cyberattaques et piratage de la part des Russes visant la maison blanche. Ils ont pris la mouche d’accord mais leur ligne de défense c’est quand même un peu de la surenchère…
Ca : D’autant plus que les autorités russes ne se gênent pas dans leur communiqués officiel à rendre responsable les États-Unis de cette mesure. On écoute Vladimir Poutine qui s’exprimait à ce sujet le 20 février dernier dans une conférence de presse. Traduite par RT France :
[Audio 1
https://www.youtube.com/watch?v=N2Tci5oNens]
Co : On peut dire que les relations entre les deux nations sont on ne peut plus tendues. Mais bon, on dirait que l’État russe s’est un peu jeté sur l’occasion pour essayer de faire croire au peuple qu’il existe un ennemi extérieur qui veut leur couper Internet alors qu’en fait…
Ca : Ben oui, finalement c’est bien la Russie qui va censurer la libre circulation des internautes en leur fermant l’accès au monde extérieur et en imposant leur propre Internet, bien régulé, bien surveillé. C’est une atteinte aux droits et libertés des humains, tout comme ce qu’on peut déjà observer en Chine. On ne leur souhaite pas d’en arriver là, les protestations se sont d’ailleurs fait vite entendre. Voici les revendications des manifestants récoltées par Euronews :
[Audio 2
https://www.youtube.com/watch?time_continue=17&v=4dAiNUkHgZ4 ]
Co : Contrairement à ses voisins chinois, la Russie a encore tout à construire, elle baigne depuis toujours dans le système mondial que l’on connaît.
Ca : Oui exactement, ses opposants parlent de grosses perturbations dans la mise en place d’un tel processus mais aussi, des frais très conséquents : 1,8 milliard d’euros par an selon le conseil des experts auprès du gouvernement. Même techniquement cela relèverait de l’impossible : les opérateurs voient leurs réseaux évoluer constamment donc impossible pour eux malgré l’exigence du texte de loi, de fournir définitivement leur cartes réseaux au gouvernement.
Co : On comprend pourquoi les citoyens ont manifesté, surtout qu’à cela s’ajoute deux autres lois qui ont elles déjà étaient votées.
Ca : Oui, il s’agit de mesures qui viennent faire de l’ombre là encore à la liberté d’expression et d’opinion. Elles pourront permettre d’attribuer des amendes de plusieurs centaines d’euros en cas de diffusion d’informations jugées fausses et je cite “susceptibles d’avoir un écho social significatif” ou toute autre manifestation “d’irrespect” à la société.
Co : Je ne sais pas si on pouvait faire plus vague que cela.
Ca : C’est là tout le danger. Les opposants y voient une manière simple de les réduire au silence. Donc toute cette accumulation de mesures prises ou à venir inquiètent.
Co : Cela s’inscrit dans une stratégie déjà mise en place depuis plusieurs années en Russie.
Ca : Effectivement, de plus en plus de contenus, sites et services qui ne vont pas dans le sens du gouvernement ou refusent de coopérer avec eux se sont fait bannir. On pense notamment à Dailymotion ou encore l’appli de messagerie cryptée Telegram. Un manifestant russe nous rappelle aussi que la télévision russe a été victime d’une prise de pouvoir par le gouvernement :
[Audio 3]
https://www.youtube.com/watch?time_continue=17&v=4dAiNUkHgZ4
Co : Et c’est ce qui est en train de se passer pour l’Internet… Le projet de loi a été adopté mardi à 334 voix contre 47 en première lecture à la Douma, la chambre basse du Parlement, nous allons suivre cette affaire de près. Merci Camille et à très vite !
Quand le gouvernement russe rêve d’un internet à la chinoise
Le 10 mars 2019, les Russes étaient dans la rue pour défendre un internet libre et ouvert. En effet, le gouvernement cherche à mettre en place un cadre législatif qui s’inspire du modèle de l’internet chinois. On décortique tout ça avec Camille Suard.
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