Corentin : Aujourd’hui, Omar Belkaab de FrAndroid a une grande nouvelle à nous annoncer : il se lance dans une carrière de YouTubeur !
Omar : Alors si je sors une vidéo ce soir, je pourrais faire le montage de la suivante dans la foulée et puis j’enchainerai avec un tournage entre 2h du matin et 23 heures. Là boum, je sors encore une vidéo, puis après je fais une vidéo de 30 minutes tous les deux heures et c’est parfait : ça me laissera 15 minutes pour dormir et 26 secondes pour manger. Tout va bien, tout va bien, TOUT VA BIEN !
C : Oooooh Omar calme-toi ! Qu’est-ce qu’il se passe ?
O : (respire…..) Excuse-moi Corentin. Je n’arrive pas à tenir la cadence sur YouTube. Comme beaucoup de YouTubeur je crois que je frôle le burn-out.
C : Mais non tu abuses. Tout le monde sait que YouTubeur c’est le métier de rêve. Tu fais ce que tu veux quand tu veux et les gens viennent mettre des pouces bleus dès que tu dis un truc. En plus tu deviens célèbre en quelques clics !
O : Ce que tu décris là Corentin, c’est l’image qui est effectivement véhiculée par un certain nombre d’influenceurs. Mais comme pour beaucoup de choses, il y a une sorte de face cachée au métier de YouTubeur. Pendant plusieurs années, ça a été un peu mis de côté mais aujourd’hui c’est de plus en plus évoqué : je parle évidemment du stress auquel est soumis un YouTubeur ou une YouTubeuse.
C : Tu évoquais la notion de burn-out… Est-ce que tu peux rappeler ce que c’est s’il te plait ?
O : Burn-out, c’est une expression anglaise qui veut dire s’épuiser, se surmener. Mais cette expression elle décrit aussi une maladie qui se manifeste par un état dépressif lié au travail que l’on effectue. En France, cette maladie est officiellement reconnue sous le nom de syndrome d’épuisement professionnel.
C : Une personne peut être en burn-out à partir du moment où elle est constamment soumise à du stress au travail.
O : Exactement. Et cet état de dépression peut entraîner des comportements irritables, des accès de colère, des états de fatigue ou de tristesse, des pertes de l’attention ou des insomnies. En somme : plein de choses pas cool du tout.
C : Et les YouTubeurs seraient régulièrement soumis à ce stress permanent ?
O : Tout à fait. Et c’est un problème qui a commencé à être mis en lumière depuis 2018 seulement. Donc ça ne fait pas longtemps, alors que ce mal-être au sein de la communauté de YouTube il existe sans doute depuis plusieurs années.
C : Mais qu’est-ce qu’il s’est passé en 2018 pour qu’il y ait cette prise de conscience ?
O : Eh bien, il y a eu de plus en plus de créateurs qui ont osé parlé du mal-être qu’ils ressentaient, qui ont tout simplement essayé de mettre des mots dessus. Parmi eux, on compte le très célèbre vlogger Casey Neilsat qui compte 10 millions d’abonnés sur Youtube.
Il y a aussi le YouTubeur El Rubius qui a abordé la question devant 28 millions d’abonnés (il en compte aujourd’hui 33 millions). Mais surtout il y a une personne qui est devenue l’icône du burn-out chez les YouTubeurs : elle s’appelle Elle Mills.
C : Elle Mills c’est une jeune YouTubeuse qui est suivie par plus d’un million d’abonnées. Mais en 2018, elle a souffert d’un burn-out alors qu’elle avait 19 ans seulement
O : Et elle a posté une vidéo très introspective où elle raconte ce qui lui est arrivé. Et dans cette vidéo, il y a notamment un passage où elle laisse simplement éclater sa colère devant la caméra. Et tu n’auras pas besoin de traduire ses propos par-dessus Corentin pour que les auditeurs et auditrices ressentent toute sa détresse.
[EXTRAIT ELLE MILLS]
C : Vous l’aurez sans doute compris, mais dans cette extrait, la YouTubeuse explique qu’elle est en train de vivre la vie dont elle a toujours rêvé et elle ne comprend pas pourquoi elle est si malheureuse. Mais justement Omar, pourquoi est-ce qu’elle ressent ça alors que c’était son rêve ?
O : Il y a énormément de raisons qui peuvent l’expliquer et on pourra surtout citer cette obligation que ressent un YouTubeur a toujours créer plus de contenus pour pouvoir être toujours mis plus en avant.
C : C’est le fameux algorithme de YouTube que personne ne maîtrise vraiment mais on sait que quand on ne poste pas de vidéos assez régulièrement, il y a un risque de disparaître des radars.
O : Tout à fait et on reviendra un peu plus tard sur cette histoire d’algorithme. Juste avant ça, il faut aussi rappeler qu’un YouTubeur qui rencontre le succès doit gérer énormément de changements d’un coup. Il passe d’une vie normale -- on va dire -- à une soudaine célébrité.
Et forcément ça génère une stimulation qui appelle à plus de stimulation et on veut toujours faire plus, pour toujours plaire au public, voir ses vidéos partagées, avoir des pouces bleus des bons commentaires etc etc…
Et pour les gros comptes YouTube c’est encore pire. Parce qu’un compte qui passe de 1000 à 1100 abonnés, c’est bien, c’est encourageant et ça fait plaisir. Mais un compte de 10 millions d’abonnés qui en gagne 100 de plus… Là le créateur il ne ressent pas la même chose. Il lui faut des chiffres plus gros pour toujours ressentir une émotion positive.
C : En gros plus on a d’abonnés plus on a de pression et contrairement à ce que l’on pense on n’a pas forcément plus de plaisir.
O : Exactement. Le milieu de YouTube est donc un environnement très stressant et le YouTubeur Léo Grasset de DirtyBiology le résume très bien.
[EXTRAIT DIRTY BIOLOGY]
O : Léo Grasset explique aussi qu’il est difficile pour un YouTubeur d’exprimer ce ressenti : l’audience pense que tu as un métier de rêve et ce serait donc déplacé et mal perçu de venir se plaindre ton public.
C : Il mentionne aussi que chaque YouTubeur a vécu des épisodes de fragilité psychologique et que l’audience finalement est une source de motivation pour le créateur mais aussi ce qu’il craint le plus.
O : On en vient donc à la question de l’algorithme que l’on a très brièvement évoqué. YouTube a clairement un rôle à jouer dans cet environnement toxique. C’est YouTube qui fixe les règles et c’est en respectant ces règles que les vidéastes se retrouvent dans des états de fragilité.
Et après avoir laissé le truc traîner depuis bien trop longtemps, un responsable de la plateforme s’est enfin exprimé un peu plus concrètement sur le sujet lors d’une discussion avec Elle Mills justement que l’on a entendu au début de cette chronique.
Ce responsable a précisé que YouTube cherchait activement des manières de faire en sorte que l’algorithme ne soit plus aussi oppressant. Il n’a malheureusement pas donné beaucoup de détails : mais l’idée c’était de dire qu’un YouTubeur pourrait partir en vacances plus facilement sans avoir constamment à se poser la question de sa prochaine vidéo.
Et après tout : le droit de se reposer et quand même quelque chose de fondamental lorsque l’on est un être humain.
C : Ce n’est pas encore suffisant mais c’est un premier pas pour lutter contre cette épidémie de burn-out.
O : On espère en tout cas qu’il n’y aura plus de jeunes de 19 ans qui tombent en dépression à cause d’une surcharge de stress.
C : On croise les doigts. Merci Omar pour ces explications et bon courage pour ta chaîne YouTube.
O : Je n’ai qu’une vidéo dessus et ça va probablement s’arrêter là. Mais tu peux lâcher un pouce bleu, ça mange pas de pain !
Être youtubeur en 2019 : un algorithme insoutenable
Un responsable de YouTube a récemment affirmé que la plateforme cherchait des moyens de faire en sorte que son algorithme soit moins oppressant pour les créateurs de contenus. Car il faut savoir que les youtubeurs sont soumis à énormément de stress et certains ont même souffert de burn-out comme on le verra avec Omar Belkaab de « FrAndroid ».
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