Lucie : Aujourd’hui, Corentin, je vais te raconter une histoire. Celle de ma rencontre avec Anne.
[Une musique romantique - sans doute l’intro de My Heart Will Go On]
J’étais tranquillement en train de m’occuper de mes affaires, quand Anne a suivi mon compte Twitter. C’était une jolie femme blonde, à en juger par sa photo de profil. Elle était motivée à ce que je la remarque. Elle a aussitôt liké plusieurs de mes tweets. Elle m’a retweeté. Elle a même fini par m’envoyer des messages privés. Tu sais, Corentin, je suis quelqu’un de polie. Alors quand Anne a essayé de discuter avec moi, je lui ai répondu. Même si son anglais était pourri. Et qu’elle m’a vite demandé de cliquer sur des liens louches.
[fin de la musique romantique]
CORENTIN : Je ne suis pas expert en relation en ligne, mais elle me parait super louche ton histoire, là…
L : A raison ! Car Anne n’était pas humaine, mais un bot. C’est le nom qu’on donne aux comptes Twitter programmés pour tweeter des publications automatiquement. Il peut s’agir de publier un message à horaire régulière, ou de réagir aux propos des internautes. Par exemple, un programme qui réagirait à chaque fois que l’on parle de saucisse, c’est un bot.
C : Indispensable ! J’espère qu’il existe !
L : Les bots existent depuis longtemps sur Twitter. Impossible de fréquenter le réseau social sans se faire alpaguer par un programme comme Anne.
Sauf que récemment, Twitter a déclaré la guerre aux bots. À compter du 23 mars, le réseau social va interdire toute tentative d’utilisation de systèmes automatiques dans le but de publier ce qu’elle appelle des messages indésirables.
[ROBOT ROCK - Daft Punk]
C : Concrètement, ça veut dire quoi ?
L : Avec ces mesures, Twitter veut combattre différents phénomènes à la fois. Déjà, les bots de spams. Ce sont des programmes comme Anne. Ils cherchent généralement à vous faire cliquer sur un lien. Et pour cela, souvent, ces bots s’appuient sur un ressort classique d’Internet : la pornographie. On les reconnaît à leur image de profil montrant des jolies femmes, souvent dénudées. Ces images appartiennent parfois à de véritables actrices porno, ou d’autres femmes sur Internet. Les liens promus par ces comptes sont souvent des sites pornographiques en manque de pub, ou des sites louches qui engrangent des revenus publicitaires ou pire, qui vont vous transmettre des virus.
Mais il n’y a pas qu’Anne dans la vie. Il existe une autre manière de diffuser des messages de manière massive : le “tweetdecking”. Cette technique est très populaire auprès des jeunes internautes. Elle consiste à créer un réseau de faux comptes, qui serviront ensuite à retweeter en masse un seul tweet. Il peut s’agir d’attirer des followers vers un compte, de faire la promotion d’un hashtag. On peut même payer des gens à réaliser ce genre de retweets en masse.
C : OK mais jusqu’ici ça a pas l’air bien méchant...
L : Le spam n’est pas seulement une nuisance pour ses utilisateurs. C’est devenu un enjeu politique. Sur Twitter, des personnes utilisent aussi des bots pour influencer le débat sur des sujets politiques ou de société. C’est un phénomène qu’on a notamment observé aux Etats-Unis. Par exemple, à l’occasion de l’élection présidentielle de 2016, Twitter a identifié 50.000 faux comptes destinés à relayer automatiquement des informations pour mettre en valeur la candidature de Donald Trump. Et ce ne s’est pas arrêté là. On observe encore aujourd’hui l’utilisation de bots Twitter dans de nombreux faits d’actualité. Le but peut être de grossir artificiellement un camp politique. Ou d’accentuer sur des tensions déjà existantes dans un pays, en créant du bruit artificiel d’un côté ou de l’autre.
C : Mais du coup les bots ça craint ?
L : Twitter a raison de traiter ce problème qui devenait urgent. Mais ça ne veut pas dire que tous les bots sont à jeter. Il existe des comptes automatiques sur Twitter qui sont utiles, drôles et même importants. Il existe un bot qui signale chaque nouvel ajout au catalogue de Netflix. Un autre publie un message quand une page Wikipédia est modifiée par une adresse IP située dans le congrès américain. Un bot s’amuse à publier des “DONG DONG DONG” à chaque fois que Big Ben sonne. D’autres sont poétiques et crééent des oeuvres d’art aléatoires, et automatiques, à base d’emoji. Il y a des bots qui peuvent vous recommander des lectures, vous traduire des mots, produire des images absurdes … Bref, publier des contenus automatiques peut avoir du bon. Ce n’est pas parce que j’ai failli me faire avoir par Anne que Twitter doit s’en prendre à tous ses congénères. Car le problème ce n’est pas les bots, mais les hommes derrière eux.
C : Voilà encore un autre problème que Twitter doit réussir à gérer. Encore un a-t-on envie de dire. Merci beaucoup Lucie pour cette chronique au débotté, et à très vite.
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