CORENTIN : Le monde des médias ne va pas très bien, ça vous le saviez sans doute déjà. Mais certains sites en particulier paient le prix d’un ajustement récent vers la vidéo, c’est le cas de Mic, qui vit des moments compliqués. Xavier, est-ce que tu peux m’expliquer ce que je viens de dire, c’est toi qui l’a écrit et c’est pas super clair.
Xavier : Bonjour Corentin, bonjour à toutes et à tous ! Alors prenons les choses les unes après les autres, avec méthode, si vous voulez bien. Tout d’abord, Mic, qu’est-ce que c’est ? Eh bien c’est un média créé en 2011, qui avait pour cible principale ce que l’on appelle les millennials, vous savez, ce terme un poil bullshit qui permet de désigner ce qui était avant connu comme la génération Y, née entre le début des années 80 et le tout début des années 2000.
C : donc des jeunes connectés aux réseaux sociaux quoi, qui sont sur la toile toute la journée, prêts à hacker le système
X : oui, si tu veux Corentin, faisons comme ça. Donc c’est un site qui propose un mix entre des articles sérieux, qui proposent des analyses sur des sujets de société qui importent aux plus jeunes, mais aussi des contenus lol et mdr, sous la forme de listes par exemple. Je dirais qu’il fait partie de ce très vague groupe informel de médias cool et sympas qui sont apparus dans le courant des années 2000 et dont ferait aussi partie Buzzfeed.
C : Des sites qui jouent aussi sur la viralité et le partage des contenus, aussi donc, c’est ça ?
X : Oui en effet Corentin ! Ils étaient connus pour ça, aussi. Et comme beaucoup de ces médias très branchés sur le partage de contenu sur les réseaux sociaux, Mic a opéré ce que l’on appelle un “pivot to video”, en gros, un changement de stratégie qui oriente la boîte davantage vers la création de contenus visuels, principalement la vidéo, donc.
C : je vois, ça s’est fait à peu près à quelle époque ?
X : cette mode, même si je ne sais pas s’il est très judicieux de parler de “mode”, a traversé l’industrie des médias dans les années 2016-2017. En gros, ça s’est traduit par des restructurations parfois assez violente dans les groupes qui prenaient le train en marche. Mic a donc licencié 25 personnes, ce qui n’est pas rien, en 2017, pour devenir “the leader in visual journalism”, rien que ça.
C : Alors, du coup, j’aimerais bien savoir, d’où est venue cette envie que tout le monde a eu de faire de la vidéo ?
X : C’est un phénomène qui est arrivé avec la massification de l’utilisation des réseaux sociaux au milieu des années 2010, et avec la consommation de plus en plus importante de contenus vidéos par les utilisateurs. Buzzfeed, qui a été en pointe sur le partage de contenus sur internet, avait commencé dès 2014 à investir de façon importante dans la productuction de ce genre de contenus à destination des services sur lesquels on pouvait les diffuser et les partager. C’est à dire, au bout d’un moment, quasiment tous.
C : Du coup, quelle est la part des réseaux et médias sociaux là-dedans?
X : Eh bien, ils ont eu une part assez importante dans tout ça, qu’on le veuille ou non. Facebook par exemple. La société a sans cesse, soit dans ses déclarations, chiffres à l’appui, ou dans le fonctionnement-même de sa plateforme, laissé entendre que le futur était à la vidéo. Sauf que…
[WOHOHO]
C : sauf que ??? trop de suspens tue le suspens, Eutrope !!!!
X : sauf que pas mal de ces chiffres étaient erronés, Corentin ! En septembre 2016, la société avait annoncé s’être trompé sur les données communiquées sur les vidéos, le nombre de vues principalement, les surestimant entre 60 et 80%.
C : ouille
X : … avant de révéler peu après qu’ils avaient commis d’autres erreurs sur les données d’autres contenus.
C : aïe
X : et en octobre dernier des documents publiés dans le cadre d’une class action contre Facebook sembleraient indiquer que la société aurait artificiellement augmenté certains chiffres liés aux vidéos en 2015.
C : Donc ce que tu me dis, c’est que des tas d’acteurs des nouvelles technologies ont vendu la vidéo comme le futur des médias
X : oui
C : que beaucoup de titres et de sites ont orienté leur stratégie vers la vidéo, en licenciant au passage des journalistes
X : Absolument
C : mais qu’il s’avère au final que la vidéo était peut-être pas si prometteuse et que les gens qui en ont fait la promotion le savaient peut-être depuis le début,
X : eh bien, je l’aurais pas mieux resumé mon vieux ! et j’ajouterais qu’il y a eu des changements dans les algorithmes de Facebook, pour ne nommer que cette plateforme, qui ont fait du mal à pas mal de médias. Mic, pour revenir à l’actualité qui m’a fait vous parler de tout ça, a licencié une grande partie de ses employés et a été racheté par un autre groupe le 29 novembre. Tout ça est arrivé suite à l’arrêt d’une partenariat video avec… Facebook. Mais Mic n’est pas la seule victime, puisque Vox a licencié 5 % de ses employés en février 2018, la plupart dans les équipes destinées aux contenus vidéos. Mais il y a de nombreux autres exemples et je ne peux pas vous assurer que ça aille mieux dans les mois à venir.
C : Eh bien, c’est pas très réjouissant tout ça. On espère quand même que tu reviendras un de ces quatres avec des bonnes nouvelles pour les medias. Merci pour l’info en tout cas, et à très vite !
Quand la vidéo sur internet éternue, c’est le monde des médias qui s’enrhume
Il y a quelques années, beaucoup de médias ont décidé de tout miser sur la vidéo sur internet. À cause de chiffres présentés par les plateformes qui ne reflètent pas la réalité du public, de nombreux médias payent aujourd’hui les pots cassés de ces restructurations parfois violentes. Xavier Eutrope vient nous en parler en prenant comme exemple, le cas pratique de « Mic ».
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