Tik Tok, l’application qui les rend tous toc-toc

Corentin : Aujourd’hui, Elodie Carcolse de la Réclame va nous parler de ce véritable phénomène générationnel qu’est l’application TikTok. Les adolescents en sont dingues, et certains d’entre eux sont même devenus de véritables célébrités grâce à la plateforme. Mais quelle est donc cette application au nom sous forme d’onomatopée, Élodie ?
Élodie : Avec 500 millions d’utilisateurs actifs dans le monde et 2,5 millions en France, TikTok est tout simplement l’application dont tous les adolescents raffolent. Elle se place à la troisième position dans le coeur des 12-16 ans, juste derrière Snapchat et Instagram. Deux syllabes qui sont sur toutes les lèvres, et pour cause, TikTok est une application de création et partage de vidéo, façon synchronisation labiale, ou « lip syncing ». Du play-back pour résumer. La plateforme est même devenue l’application la plus téléchargée sur l’AppStore au premier trimestre 2018, avec 45,8 millions de téléchargements devant Facebook, Instagram, Snapchat ou encore YouTube. Excusez du peu.
Corentin : C’est normal que cela ne m’évoque pas grand-chose, voire rien ?
Élodie : Alors déjà, tu n’es plus un adolescent Corentin, il faudra t’y faire. Ensuite, tu la connais peut-être sous le nom de Musical.ly.
Corentin: Ah, déjà ça me parle un peu plus.
Élodie : Musical.ly existait depuis 2014 et permettait de réaliser de courtes vidéos de 15 secondes maximum. Ici, des adolescents, dans la grande majorité des cas, se filmaient en train de chanter ou danser sur des musiques célèbres. Qui n’a jamais rêvé de se prendre pour Beyoncé sans faire saigner les oreilles de son auditoire ? L’application est rapidement devenue très populaire auprès des adolescents, son coeur de cible. D’après le dernier baromètre BornSocial de l’agence Heaven réalisé en partenariat avec l’association Génération Numérique, l’application est la troisième application préférée des collégiens français de moins de 13 ans, devant Instagram et Snapchat.
En 2017, Musical.ly est racheté par le groupe chinois de médias, Beijing ByteDance Technology, pour un milliard de dollars environ. Moins d’un an après ce rachat, Musical.ly est fusionnée avec le service concurrent du groupe. Je vous le donne dans le mile Corentin …
Corentin : TikTok, mais c’est bien sûr !
Elodie : Bingo ! TikTok est une application gratuite connue sous le nom de Douyin en Chine. Elle a été lancée en 2016 par Zhang Yiming, le directeur général de ByteDance et fondateur de Toutiao, la plus grosse plateforme de contenus d’actualité en Chine, avec 120 millions d’utilisateurs quotidiens. Comme l’explique Victoria Castro du Figaro, ByteDance Technology est l’une des étoiles montantes de la tech chinoise et elle rassemble aussi un empire d’applications sociales tournées vers la vidéo. La fusion a permis à ByteDance de récupérer les 100 millions d’utilisateurs de Musical.ly, essentiellement basés aux États-Unis. Contrairement à TikTok dont les utilisateurs se situent principalement en Asie.
Corentin : Essentiellement en Asie, mais plus pour longtemps, non ?
Élodie : C’est, semble-t-il, l’objectif affiché par cette fusion. Les résultats sont là puisqu’en septembre dernier, et pour la première fois, TikTok a été l’application la plus téléchargée dans le monde avec 3,81 millions de téléchargements sur l’App Store et Google Play réunis, selon les données du cabinet Sensor Tower.
Corentin : Mais alors, justement, en quoi elle se démarque des autres. En soi, c’est une app de play-back basique si j’ose dire.
Élodie : Ose Corentin ! Tu as en partie raison puisque des applications de play-back, ou de vidéo en format court, il en existe pas mal. Certaines ont eu leur petite heure de gloire, comme Vine par exemple.
Corentin : eh oui, la célèbre plateforme rachetée par Twitter en 2012 et fermée définitivement en 2016 lorsque ses utilisateurs sont partis voir si l’herbe était plus verte ailleurs.
Élodie : exactement ! C’est aussi le cas de Dubsmash notamment. Pour ceux qui s’en souviennent : en 2015 déjà, on pouvait y voir l’acteur Tom Hardy donner de sa personne sur du 50 Cent ou du Simon & Garfunkel, et ce, pour notre plus grand plaisir.
Corentin : Le tien surtout, non ?
Élodie : Tsss. Bref, le play-back c’est la vitrine de TikTok, mais ce sont surtout les fonctions de l’application et ce qu’elle permet qui font son succès auprès des ados aujourd’hui. En gros, elle combine le meilleur de YouTube, Instagtam et Snapchat. Bref, tout ce qui est susceptible de plaire aux adolescents : de la vidéo a gros potentiel de viralité - et donc de notoriété - mais aussi des effets visuels en pagaille pour réaliser ses propres clips, la présence d’influenceurs, des hashtags et du filtre à n’en plus savoir qu’en faire.
Les vidéos réalisées sont partagées à l’ensemble de la communauté, soit actuellement 500 millions de spectateurs potentiels. TikTok ne se limite d’ailleurs pas aux chansons puisqu’on peut rejouer des scènes de films ou se lancer des défis, à l’instar du fameux ice bucket challenge de Facebook. Les défis, c’est d’ailleurs l’ADN de TikTok, la plateforme en propose un nouveau chaque jour. Comme le “Oh nanana dance challenge” qui consiste à danser, en groupe généralement, sur cette chanson de Bonde R300 et Kondzilla
[Extrait 1 Ohnana
Élodie: Et comme toute plateforme. TikTok a ses stars. Sur Musical.ly et à tout juste 14 ans, Jacob Sartorius est devenu l’une des personnes les plus suivies de la plateforme, avec plus de 14 millions de followers. Depuis, et après avoir longtemps fait du play-back, le jeune homme a sorti un premier single baptisé, Sweatshirt, et visionné près de 50 millions de fois sur YouTube.
Corentin : Ouh ça va aiguiser des appétits ça.
Élodie : Oui, les marques ne devraient pas tarder à courtiser les “influenceurs” de la plateforme. Cette année, Danielle Cohn, 13 ans et 11 millions de followers a signé plusieurs partenariats avec des marques comme Samsung ou Live nation, la société de production de concert. Mais cette exposition lui a attiré certaines critiques concernant ses tenues et poses inappropriées pour son âge.
TikTok a d’ailleurs été confronté à la polémique, puisque plusieurs cas de harcèlement ont été dénoncés, ainsi que des signalements de prédateurs sexuels attirés par le jeune public de la plateforme. L’hypersexualisation des jeunes filles est d’ailleurs un problème récurrent sur ces plateformes, avec tout ce que la recherche de visibilité et la course au like peuvent engendrer. Sur France Inter Sonia Devilliers revient sur l’hypersexualisation présente sur TikTok.
https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-m/l-edito-m-06-novembre-2018
Quoi qu’il en soit, l’application du moment ne cesse de prospérer. Facebook s’est donc lancé dans la bataille au début du mois de novembre avec sa propre version de TikTok, l’application Lasso. Vidéo courte, play-back, filtres, danse et challenge, tout y est. Elle n’est disponible qu’aux États-Unis pour l’instant, mais elle affiche ses prétentions : reconquérir les adolescents, cible chouchous des publicitaires qui ont déserté Facebook depuis un bon moment maintenant. Comme l’explique The Verge, Facebook tente de “rester cool”, tout en la jouant profil bas pour ne pas réitérer les échecs de Poke et Slingshot, applications quasi mort-nées de Facebook.
Corentin : Ce sera tout de même un sacré défi, si ce n’est un test pour TikTok face à la force de frappe de Facebook. Je crois que Snapchat s’en rappelle encore avec les stories...
Élodie : Oui, TikTok va devoir relever pas mal de défis. D’autant que le taux d’engagement de l’application, c’est-à-dire la part des utilisateurs mensuels ouvrant l’application quotidiennement, est beaucoup plus faible que Facebook ou Snapchat par exemple. Selon Apptopia, le taux d’engagement de TikTok est à 29%, contre 96% pour Facebook, 95% pour Instagram, 95% pour Snapchat et 95% pour YouTube. Mais rappelons que la maison mère Bytedance est désormais valorisée 75 milliards de dollars. Ça fait d’elle la start-up la plus valorisée du monde devant Uber. De quoi rivaliser avec Facebook, mais aussi avec les géants du web chinois que sont Tencent et Alibaba.
Corentin : Encore une bataille entre géants de la tech à prévoir donc ! Merci Élodie, pour cette plongée vertigineuse dans l’univers impitoyable des applications mobiles.