Corentin : Facebook et Google pensaient certainement s’en tirer à bon compte, en payant des adolescents une poignée de dollars pour obtenir un libre accès sur leur vie numérique. C’était sans compter sur Apple qui leur a gentiment, mais fermement, montré la sortie de l’AppStore, sa boutique d’applications en ligne. Une prise de position qui fait les affaires d’Apple, comme nous l’explique Elodie Carcolse de la Réclame.
Élodie : Salut Corentin, et bonjour à tous ! Cette information n’est peut-être pas parvenue jusqu’à vous, mais elle ne risque pas de vous surprendre : Facebook crée une nouvelle fois la polémique à cause de son appétit démesuré pour les données des internautes en général et de ses utilisateurs en particulier. À ceci près que la firme n’est pas la seule cette fois-ci à être pointée du doigt, puisque Google a également été pris la main dans le pot de confiture.
Corentin : C’est d’ailleurs assez tragique de se dire qu’au fil des polémique on baisse la barre de nos attentes. Comme si on avait abandonné la partie. Qu’ont-ils donc fait cette fois-ci ?
Élodie : Ils se sont offert une fenêtre, que dis-je, un panorama à 360° sur les activités numériques de leurs jeunes utilisateurs. Comment ? Par la ruse et une poignée de dollars. C’est le site américain TechCrunch qui a levé le bon gros lièvre le 29 janvier dernier dans un article intitulé : « Facebook paie des ados pour installer des VPN qui les espionnent ».
Corentin : VPN pour Virtual Private Network, soit un réseau privé virtuel qui permet notamment de masquer son adresse IP, pour ceux qui l’ignorent encore.
Élodie : C’est cela même. L’article cible spécifiquement Facebook Research. Depuis 2016, cette application proposait aux utilisateurs de 13 à 35 ans la somme stratosphérique de 20 dollars par mois contre une mise à nu de leurs activités numériques, smartphone et ordinateur compris. Soit la dernière stratégie de Facebook pour capter toujours plus d’informations sur les usages et habitudes des internautes. En acceptant ce deal, ces victimes consentantes lui fournissaient leurs messages personnels, e-mails, recherches sur le web, historique de navigation, leurs photos et vidéos échangées, mais aussi les applications utilisées et leur localisation. Chez Facebook, le mantra c’est donc
Extrait https://www.youtube.com/watch?v=Z9Fid76m8dU
Corentin : Facebook s’offrait donc une observation poussée sur les habitudes des utilisateurs de smartphones en épiant leurs moindres faits et gestes en ligne. Mais aussi sur ses concurrents du coup, non ?
Élodie: Exactement. En surveillant leurs habitudes et pratiques Facebook pouvaient obtenir des informations sur ses concurrents : à quelle fréquence leur application est utilisée, par qui, à quel moment de la journée. Et chez Facebook, on sait ce que ça donne si une application prend trop d’importance auprès de sa cible favorite, les jeunes : elle est rachetée, tout simplement.
Corentin : Rappelons que Facebook a déjà tenté de racheter Snapchat sans succès et avait donc tout simplement pillé les fonctionnalités star de l’application pour les copier-coller sur son propre réseau social et sa filiale Instagram, comme les fameuses stories. Mais avec succès cette fois-ci.
Élodie : Oui. Et Facebook Research ressemble fortement à l’application Onavo Protect rachetée par la firme en 2013 et bannie l’an dernier par Apple pour violation de ses règles sur la collecte de données personnelle. Mais Facebook a quand même récidivé avec le même procédé : Facebook Research était distribué hors de l’App Store via le programme de développeurs d’entreprise d’Apple, qui sert notamment à installer des applications internes d’entreprise. Ce genre d’applications n’ont donc aucune vocation à atterrir sur les téléphones des consommateurs lambda.
Corentin : Oui, et ça lui évite de passer par le portail de test officiel des applications d’Apple qui est beaucoup plus regardant sur tout ce qui a trait à la protection des données personnelles des utilisateurs. Je suppose que Facebook plaide l’erreur.
Élodie : Élementaire mon cher. Du côté de Google, ce n’est pas forcément mieux puisque la firme de Mountain View proposait Screenwise Meter, une application similaire créée en 2012, distribuée par les mêmes moyens. À ceci près qu’elle suivait l’activité sur internet des utilisateurs d’iPhone de 18 ans au moins, ou 13 ans avec autorisation parentale, contre rémunération : des points cumulables pour obtenir des cadeaux.
Au chapitre des excuses et justifications, c’est tout comme Facebook : Google plaide l’erreur et assure l’application était utilisée de façon volontaire et éclairée.
Corentin : quelque chose me dit qu’Apple n’a pas dû apprécier qu’on se joue ainsi de ses services.
Élodie : et pas qu’un peu. Apple a réagi en supprimant les deux app incriminées pour avoir contrevenu aux règles d’utilisation des développeurs. La firme ne s’est pas arrêtée là puisqu’elle a également bloqué toutes les app développeur de Facebook et Google en représailles le 30 et 31 janvier dernier. C’est-à-dire les applications testées en bêta ou celles utilisées en interne par les salariés de Facebook pour échanger entre eux. Il faut imaginer la cacophonie créée par Apple au sein de ces deux entreprises à travers le monde.
Corentin : Oui Apple ne fait pas dans la dentelle. L’entreprise monte régulièrement au créneau lorsqu’il s’agit de défendre et protéger les données personnelles des internautes en général et de ses utilisateurs en particulier. Et s’oppose à Facebook depuis 2017 sur ces questions.
Élodie :Tout à fait, comme récemment au moment du scandale Cambridge Analytica. Tim Cook n’a pas manqué de tancer Facebook et Mark Zuckerberg tout en assurant qu’Apple ne se trouverait jamais dans ce type de situation.
Pour la bonne et simple raison que le business économique d’Apple ne repose pas sur les données, à l’inverse des deux géants de la publicité en ligne. Apple vend des produits premium, très chers dirons certains, et se rémunère majoritairement ainsi. Facebook et Google revendent des profils publicitaires à des annonceurs, qui proposent ensuite des publicités ciblées sur leurs plateformes. Ils ont donc besoin de toujours plus de données utilisateurs.
Corentin : Oui, donc Apple ne se mouille pas vraiment on se faisant le chantre de la protection des données. Ça fait plutôt leurs affaires d’ailleurs non ?
Élodie : Effectivement. Lors du dernier CES, Apple a ainsi pu placarder une énoooorme affiche surplombant l’entrée du salon de l’innovation de Las Vegas avec une publicité proclamant : “Ce qui se passe sur votre iPhone, reste sur votre iPhone”. Une référence à une tagline de la ville du vice, certes.
Corentin : Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas.
Élodie : Voilà, mais aussi, et surtout un petit tacle dans la surface à l’adresse de ses concurrents qui s’étaient démarqués en 2018 pour leur gestion toute personnelle des données de leurs clients. Facebook et Google, bien-sûr, mais aussi Samsung et Amazon. Pour la firme, il s’agit de faire de la confidentialité des données un argument marketing majeur aujourd’hui et plus encore demain. Et à ce jeu-là, les déboires de Facebook et Google sont la meilleure publicité que la firme pouvait souhaiter.
Corentin : C’est ironique nous en conviendrons. Et je ne suis pas sûr de faire confiance à 100% à un AUTRE géant de la tech pour mes données personnelles. Merci en tout cas Élodie pour avoir fait le point sur cette affaire, et à la prochaine.
Vie privée : Google et Facebook sanctionnés en cour d’Apple
Google et Facebook se sont fait épinglés par Apple pour avoir permis l’installation de logiciels espions sur ses iPhones. Les volontaires étaient en effet payés quelques dollars pour laisser un accès total à toutes les données qui transitent par le téléphone. Devant cette situation, Apple continue de jouer les chantres de la défense de la vie privée. Voyons tout ce que cela implique avec Élodie Carcolse de « La Réclame ».
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