Corentin : Las de parler téléphones et gadgets le temps d’une chronique, je reçois maintenant un Geoffroy Husson de Tom’s Guide qui ressort de quelques jours en ermite, si j’ai bien compris. Qu’est-ce qui t’arrives mon bon Geoffroy ?
Geoffroy : Eh oui, et ça fait du bien de voir la lumière. J’ai bien enchainé les trades favorables, j’ai fait de bons topdecks, parfois mon mulligan était un peu aléatoire, mais heureusement, mes adversaires ont fait plusieurs mislétal et j’ai pu contrôler le board face à des decks agros orientés tempo.
C : Alors, c’est simple je n’ai strictement rien compris. Et je commence à m’inquiéter sur ta capacité à communiquer avec les autres, mon bon Geoffroy.
G : Bon je vais essayer d’être plus clair. J’ai joué à Hearthstone. En fait, Blizzard a sorti le 8 décembre dernier, une nouvelle extension à Hearthstone, baptisée Kobolds et Catacombes. L’occasion, comme trois fois par an, de découvrir une centaine de nouvelles cartes, de nouvelles mécaniques et de s’amuser pendant quelques semaines à découvrir quelles cartes fonctionnent bien avec telles autres dans le but d’assembler le deck ultime. Ou du moins le plus sympa à jouer.
C : Hearthstone, c’est bien le jeu de carte à collectionner adapté de Warcraft, c’est ça ?
G : C’est ça, oui, enfin à la base. Depuis l’éditeur Blizzard a ajouté plein de nouvelles créatures et de personnages qui ne sont pas forcément connus dans l’univers de Warcraft. Disons que c’est surtout inspiré et que plus ça va, plus les développeurs se laissent pousser des ailes et se permettent de jouer avec l’histoire officielle du jeu. La dernière extension, Kobolds et Catacombes reprend par exemple des thématiques liées à l’exploration de cavernes et de donjons.
[Insert : Kobolds et Catacombes]
Le plus amusant à observer, c’est une sorte de renouveau du jeu de carte à collectionner depuis la sortie de Hearthstone, en 2013. Avant Hearthstone, il y avait bien les cartes Pokémon ou le leader du secteur, Magic. Magic avait même eu droit à plusieurs versions sous forme de jeu vidéo, mais sans jamais percer.
Quand Hearthstone est arrivé, le jeu ne payait pas de mine. Il s’agissait d’un projet d’une toute petite équipe chez Blizzard. Mais le concept a très rapidement pris. Le jeu est constamment dans le top cinq des jeux les plus regardés sur Twitch, il comptait 70 millions de joueurs en mai dernier, sans qu’on sache si on parle d’inscrits ou d’actifs, mais quand même. C’est un vrai carton.
De quoi donner des idées aux éditeurs concurrents. On a eu droit à une avalanche de jeux comme Gwent, The Elder Scrolls Legend ou même Krosmaga, basé sur Dofus et Wakfu. Et c’est sans compter les jeux basés sur leur propre univers comme Hex ou Duelyst. Même Dota 2 va avoir sa déclinaison avec Artifact.
C : Et pourtant, on entend surtout parler d’Hearthstone et pas des autres...
G : Normal, ils font tous un four. Histoire de comparer, sache par exemple que The Elder Scrolls Legend était le cinquantième jeu le plus regardé sur Twitch le 7 novembre avec 2700 spectateurs. Gwent était encore derrière et Krosmaga avait seulement 76 spectateurs. De son côté, Hearthstone était premier avec 190 000 spectateurs. Et même si le contexte lui était favorable puisque Blizzard lançait sa nouvelle extension, y a pas photo.
C : Comment expliquer ce règne sans partage ?
G : En fait il y a trois raisons principales. La première c’est le fait que Hearthstone soit arrivé le premier et a créé une grosse communauté. Blizzard a sorti à ce jour 11 extensions pour Hearthstone, plus de 1300 cartes. Les joueurs ont donc une grosse collection de cartes et il est hors de question qu’ils la perdent. Parce que la plupart de ces jeux, sinon la totalité, sont gratuits, puis tu achètes des paquets de cinq cartes. Les joueurs ne veulent pas repartir de zéro sur un jeu où il faudra parfois dépenser plusieurs centaines d’euros pour se mettre à niveau, sans même parler des règles à réapprendre ou de la connaissance du jeu et des meilleures cartes.
La deuxième raison, c’est le gameplay. Le jeu est super simple à jouer et les règles sont très facilement compréhensibles, sans terrain ni phase de blocage comme dans Magic. Tu pioches, tu joues et tu attaques, point. Cette simplicité rend le jeu particulièrement adapté aux smartphones et aux tablettes. D’ailleurs, le jeu est arrivé sur ces plateformes très rapidement après le PC. Du coup il est plutôt tentant de se faire une partie dans le train, dans une salle d’attente, dans le bus ou en attendant son rencard à la terrasse d’un bar.
Enfin, Hearthstone est un jeu taillé pour Twitch et le spectacle. Il y a certes du tour par tour, donc les joueurs peuvent communiquer avec le chat et détailler leurs actions en amont. Mais surtout, contrairement ses concurrents, il y a une grande part d’aléatoire en plus des seules cartes que tu vas piocher. Cette imprévisibilité, c’est ce qui va créer le spectacle, de gros retournements de situation particulièrement inattendus non seulement pour les joueurs, mais pour les spectateurs. Ça donne des extraits de parties qui se prêtent particulièrement bien à des compilations sur YouTube, comme ici Un33d de la structure Gamers Origin.
[Insert Un33d]
C : Pourtant, certains pro critiquent le facteur chance trop présent dans Hearthstone, au point que certains s’en détournent au profit du Gwent.
G : Oui, comme Lifecoach ou SuperJJ, deux joueurs allemands par exemple. Particulièrement reconnus et talentueux sur Hearthstone, ils ont annoncé début 2017 qu’ils quittaient la scène pour se déporter vers Gwent. Mais paradoxalement, c’est pour la même raison que Hearthstone est populaire et qu’ils partent : à cause de l’aléatoire. C’est très frustrant pour un joueur de tournoi de perdre 15 000 euros parce que l’adversaire avait une chance sur cent de générer une carte qui allait le faire gagner. Et en même temps, c’est ce qui plait aux spectateurs.
En bref, Hearthstone est un jeu où la chance importe beaucoup, du moins si l’on cherche à gagner. Moi ça fait bien longtemps que j’ai perdu tout espoir d’atteindre le rang légende et quelque part, ça m’arrange tout autant de blâmer ma malchance pour ça.
C : Un jeu parfait pour les mauvais joueurs en somme ! En tous cas merci Geoffroy pour cette exploration des jeux vidéo de cartes à collectionner.
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