L’appel de l’aventure est souvent synonyme de grands espaces, de patience et de longueur de temps, entre le point de départ et l’objectif final. C’est pourtant à contrepied de ces idées reçues, que l’éditeur Devolver nous propose une épopée riquiqui. Une aventure de poche. Dans l’espace, certes, mais surtout dans le temps. Avec Minit, ce petit jeu en 2D vu du dessus, la vie est éphémère. En fait, comme son nom l’indique elle ne dure qu’une toute petite minute. 60 secondes pour tenter d’avancer dans un monde qui demandera évidemment plus d’une seule tentative pour être parcouru, découvert et enfin résolu.
Dans les faits, nous contrôlons un petit personnage, assez mignon au demeurant, il ressemble à une espèce de petit canard, qui trouve à deux pas de chez lui, une épée laissée dans le sable d’une plage.
Tout joueur de Link’s Awakening, ce Zelda ou Link retrouve également son instrument de prédilection au bord de la mer, saura alors ce qu’il doit faire : se saisir de cette lame.
Sauf que pour notre ami caneton, pas de chance : l’épée est maudite et sa vie est désormais bornée à 60 secondes au bout desquelles, il s’effondre inexorablement. Commence alors une aventure à la fois frustrante et fascinante, qui nous renvoie systématiquement à notre point de départ une fois le délai passé.
C’est un collectif de 4 personnes qui se cache derrière ce mini-titre. Jan Willem Nijman d’abord, qui représente la moitié de Vlambeer. Vous connaissez peut-être Nuclear Throne, voilà, c’est Vlambeer. Kitty Calis, productrice qui connaît très bien le milieu du jeu vidéo, elle a quand même travaillé sur le blockbuster de Guerrilla Games : Horizon Zero Dawn.
Côté graphismes, Dominik Johann. Lui, vous aurez peut être vu son travail chez Crows, Crows, Crows. Un studio berlinois qui aime à faire des petites expérimentations narratives. Pour ce qui est de Minit, on est sur du gros pixel, avec une définition extrêmement réduite. Mais surtout : du noir et blanc. Pardon. Du noir et blanc EXCLUSIVEMENT. On devrait même plutôt dire du noir OU blanc. Autant vous dire, qu’avec des limitation pareilles, il n’est pas possible d’exprimer tout ce qu’on veut dans le jeu. Et pourtant, les petits personnages de Minit sont tous plus adorables les uns que les autres. Qui aurait cru qu’avec 10 pixels de hauteur et deux couleurs on pouvait faire des créatures aussi attachantes et expressives ?
Côté musiques, vous avez pu les entendre un peu tout à l’heure, elles sont signées Jukio Kallio. L’homme n’est pas un béotien en la matière, on a déjà pu l’entendre sur Nuclear Throne - tiens donc - mais aussi sur Luftrausers ou bien dans un des remix des Faces B du chef d’oeuvre de la plateforme : Celeste. Benjamin Benoit en a déjà parlé, vous pouvez retrouver tout ça dans le Brunch.
Le résultat est plus que convenable. Ces thèmes mélodiques de deviendront pas cultissimes, non plus, hein ? Mais bon. On s’en remet un petit peu quand même car elles restent bien agréables...
Mais attardons nous un peu sur ce système de jeu si particulier. Vous partez de votre maison, vous faites… des trucs. Ce que vous voulez. Et au bout d’une minute PAF. Tout s’arrête. Et vos repartez depuis votre foyer pour une nouvelle minute. Les buissons qu’on aura eu l’occasion de couper auront repoussé, les blocs qu’on aura décidé de déplacer se seront remis à leur place, les monstres que l’on aura occis auront ressuscité. La progression heureusement se fera par les objets récoltés au fur de l’aventure. Ces trésors seront le plus souvent synonyme de nouvelles capacités, comme la possibilité de déraciner des souches, nager, courir plus vite ou bien s’éclairer dans des recoins sombre. Ces nouvelles possibilités permettent bien entendu de visiter de nouvelles zones qui elles aussi contiennent d’autre quêtes, etc. Etc.
Mais comment conserver la distance parcourue si on est sans cesse renvoyé au point de départ ? D’abord, certains objets débloquent divers raccourcis permettant de rallier certaines zones plus rapidement. Mais notre petit héros aura également la possibilité d’élire domicile dans toute nouvelle habitation libre qu’il rencontrera. Ainsi, la prochaine mort le renverra là, et plus au tout début. Ouf !
Minit est aussi osé et innovant qu’il le paraît. Certes, l’idée de devoir contourner une limite de temps pour réussir une mission qui en demande beaucoup n’est pas complètement nouvelle. On pense immédiatement à des titres comme Half-minute Hero, ce RPG parodique où le protagoniste doit empêcher la fin du monde qui aura lieu dans 30 secondes. Mais là où dans ce titre, le héros devait sans cesse soudoyer une déesse du temps à coup de pièces d’or pour réinitialiser un compte à rebours, ici, dans Minit cette limite est inexorable. Impossible de restaurer du temps. On est sur une minute, un point, c’est tout.
Dernière solution : couvrir de plus en plus d’espace. Et c’est à ce moment précis que l’on comprend toutes la complexité pour un game designer de créer une réelle synergie entre la gestion du temps, de l’espace et des capacités du personnage. On ne pense plus en espace, ou en temps, mais bien en espace-temps. On ne se demande plus si l’endroit où on doit se rendre est loin, mais s’il faudra du temps pour s’y rendre. Et je peux vous l’assurer, par moment, ça se joue vraiment à la seconde près.
Est-ce que Minit vaut le coup ? Certainement. Le jeu relève parfois d’une certaine frustration à cause de sa limite de temps réellement serrée, mais ce sentiment d’impuissance a également un bon côté. Si on n’a qu’une minute pour obtenir un nouvel objet, ou trouver un nouveau foyer, on finit par se dire qu’en fouillant bien, on finira bien par trouver un moyen de se débloquer.
Finissons d’achever cette liste des défauts avec une progression parfois un peu trop old-school. On peut vraiment se retrouver perdu et ne comptez pas sur le jeu pour vous donner des indices.
Notons aussi durée de vie aussi raccourcie que la vie de ce pauvre canard. En fonction de votre réussite, le titre sera plié en une à deux heures.
Mais la bonne nouvelle, c’est que le jeu propose un new game plus intéressant dont je vous laisserai découvrir les modalité. De plus, c’est pas comme si le prix allait vous ruiner.
Minit, c’est édité chez Devolver Digital. C’est disponible sur PS4, Xbox One et PC. Ça coûte 10 euros et c’est déjà disponible.
« Minit » : mon éphémère veille
L’aventure, une minute à la fois, c’est le principe étonnant de « Minit ». Ce drôle de titre force le joueur à retourner à son point de départ toutes les soixante secondes. On verra ensemble comment cette idée saugrenue et pourtant géniale peut fonctionner.
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