Corentin : Angèle Chatelier, tu parles aujourd’hui d’une auteure bien connue des amateurs de séries. Elle est revenue avec son dernier ouvrage C’est le coeur qui lâche en dernier
Angèle : Margaret Atwood. Vous qui flânez là sur les plateformes comme Netflix ou OCS le soir en cherchant désespérément quoi regarder, il est possible qu’une fois, vous ayez cliqué sur The Handmaid’s Tale, la Servante Écarlate.
C : Tu nous as d’ailleurs déjà parlé de cette série dans une chronique à retrouver dans le brunch
A : Tout à fait. C’est pas étonnant si vous avez déjà cliqué dessus avant même que je vous en parle. Cette série a fait un carton. (EXTRAIT 1)
Mais bien avant la série, c’est le bouquin dont elle est tirée, sorti en 1985, qui a fait connaître son auteure canadienne, Margaret Atwood.
Atwood est une auteure que l’on pourrait qualifier de téméraire. Elle écrit comme elle parle. Son écriture est parfois irrévérencieuse, souvent et principalement langoureuse et spirituelle, aussi. C’est ce que l’on retient.
C : Mais The Handmaid’s Tale fait froid dans le dos
A : Oui, tout autant que Captive, un autre de ses romans sorti en 1998. Dans le premier effectivement c’est pas marrant. Je le rappelle : des femmes sont réduites à des rôles après une crise biologique. Plus personne n’arrive à faire d’enfants. Et parmi ces rôles, il y a celui des Servantes : elles, elles doivent juste enfanter. Elles habitent chez un couple riche pour la plupart et l’homme de la maison - j’ose le dire -, la viole, lors de messes quadrillées tous les mois. Voilà, ça c’est le Pitch de départ. Dans le roman Captive, il y a un discours tout aussi féministe mais un peu plus caché. Le roman a lui aussi été adapté en série, sur Netflix (EXTRAIT 2)
Dans Captive, le discours est tout aussi dérangeant.
C : Parce qu’on se prend d’affection pour quelqu’un qui est accusé de meurtre
A : Oui, et c’est là toute la qualité d’écriture de Margaret Atwood. Son personnage, paysanne et domestique Alias Grace, est accusée d’avoir tué sa supérieure. Or, elle prétend ne se souvenir de rien. C’est le tout début de la pratique de la psychologie, principalement celle de Freud. Un psychologue va donc tenter de lui remémorer des souvenirs.
Le roman Captive est lui aussi féministe. Pourquoi ? Parce qu’Alias Grace se bat contre son statut, contre le viol, le fait de ne pas pouvoir se protéger, aussi.
C : Et toi, tu avais lu tout ça, tu étais un peu retournée j’imagine, mais ça ne t’a pas empêchée d’acheter et de lire le nouveau livre de Margaret Atwood.
A : Ce livre, oui, s’appelle C’est le coeur qui lâche en dernier. Il est sorti en août 2017 aux éditions Robert Laffont.
En voici quelques lignes
[« qu’est ce que tu bricoles ?, demande Stan.
« C’est cool, rien de dangereux, du haut de gamme, des commandes… »
Stan se demande s’il ne pique pas des oeuvres d’arts mais où pourrait-il encore en rester, dans la région…]
Ça, c’est un passage qui dit beaucoup de choses du dernier livre de Margaret Atwood. C’est une pro des intrigues dystopiques. Dans C’est le coeur qui lâche en dernier, il y a eu une crise économique qui a absolument bouleversé les États-Unis. Résultat, un jeune couple, Stan et Charmène, qui vivaient pourtant une vie plutôt rangée, tranquille, mais ils se retrouvent à devoir vivre dans leur voiture. Charmène gagne un peu d’argent dans un pub qu’on peut vraiment qualifier de sordide. Y’a des prostitués qui s’y baladent, les poivrots y restent toute la journée avec leurs joues bien joufflues et bien bien rouges. Mais un jour elle tombe sur une annonce et c’est là toute l’intrigue. Le rêve :
C : Consiliance : une ville spécialement créée pour faire des expériences psychologiques
A : Là-bas vous êtes logés, nourris, blanchis, sauf qu’un mois sur deux, vous allez dans une prison. Une prison, certes, bien moins glauque que l’image que l’on en a mais une prison quand même. De fait, un mois sur deux, Stan et Charmène ne se voient pas.
Pire encore : un autre couple vient s’installer chez eux pendant qu’ils sont en prison.
C : Et un jour, Stan découvre un mot lorsqu’il retourne chez lui avec marqué dessus : « Je suis affamé de toi »
A : Je suis affamé de toi… C’est là le début de l’intrigue. Qui a pu écrire ce mot ? Qui est ce couple qui vit chez eux et se sont-ils déjà croisés ?
Dans ce nouveau roman, l’écriture de Margaret Atwood est absolument divine. Elle vous prend aux tripes et surtout vous met face à vos contradictions. C’est ce qu’elle aime, Margaret Atwood. Nous plonger au fin fond de tous nos plus grands vices, nos obsessions, nos névroses mais aussi notre mélancolie.
Il y a beaucoup de dialogues et elle n’y va pas par Quatre Chemins : pas besoin de trois pages pour décrire ce bar sordide dont je vous parlais tout à l’heure, un personnage morne et sombre suffit. Pas besoin non plus de décrire l’amour entre Stan et Charmène pendant des heures puisque rien que leurs doutes et leurs discussions veulent tout dire. C’est ça la magie de Margaret Atwood et c’est finalement ce qu’il y a de plus angoissants.
Ses intrigues dystopiques, parfois glauques et psychologiques peuvent arriver ici et maintenant.
C : Merci Angèle Chatelier. Je rappelle le nom de ce livre de Margaret Atwood : C’est le coeur qui lâche en dernier. Il est disponible dans toutes les bonnes librairies !
Margaret Atwood, l’autrice qui aimait les dystopies terrifiantes
Surtout connue pour « La Servante écarlate », Margaret Atwood a évidemment bien d’autres dystopies dans son sac. Angèle Chatelier souhaite notamment nous parler de « Captive » et de « C’est le cœur qui lâche en dernier », un de ses derniers romans en date.
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