M : Quand je te dis “chanteuse pop” Corentin, tu penses à qui ?
C : Euh, à Britney Spears, Lady Gaga, Katy Perry, Madonna, P!nk, euh… Camilla Cabello ! Dont tu nous avais parlé il y a quelques mois Morgane Giuliani ! Ah et puis en France on a Maï Lan aussi ! Tu avais fait une chronique sur son 2e album en début d’année.
M : Je vois que tu as bien révisé. Outre leur talent, il y a une chose qui les relie toutes : quand elles parlent d’amour, c’est toujours à propos de mecs. Quand elles évoquent des relations avec des femmes, c’est de manière exceptionnelle, et souvent extrêmement sexualisée. N’oublions pas que dans I Kissed A Girl, Katy Perry présente l’attirance pour une femme comme une sorte d’excentricité sulfureuse.
C : Ce qui est considéré comme problématique ! Mais bon, la pop n’était pas du tout éveillée à ce genre de sujets à l’époque.
M : Et surtout, la pop a longtemps mis à la marge les artistes gay, bi ou queer, notamment féminines. Parce que côté hommes, on est servi depuis longtemps avec Elton John, Boy George, Freddie Mercury, George Michael, David Bowie ou Prince. Ils ont des relèves, très jeunes : Sam Smith, Troye Sivan, Perfume Genius ou Olly du groupe Years and Years, pour ne citer qu’eux. Cette nouvelle génération n’a aucun problème à parler ouvertement de sexualité et de genre, au contraire. On ne peut pas en dire autant du côté des artistes féminines.
C : Elles sont plus rares ou en tout cas, moins exposées.
M : Côté francophone, on a Christine and the Queens, qui est pansexuelle et navigue entre les genres. Elle fera son retour à l’AccorHotels Arena le 18 décembre 2018. Coeur de Pirate s’est aussi déclarée pansexuelle en 2016, mais sa vie privée s’est retrouvée scrutée. Pour trouver des popstars féminines étrangères issues de minorités sexuelles, il fallait jusqu’à présent regarder du côté de musiques pas toujours accessibles au plus grand nombre, comme la pop bizarroïde et très explicite de Peaches, icône queer et lesbienne, ou le rock alternatif très classe de St. Vincent. À la différence que St. Vincent se dit de genre fluide, ne parle pas de sa vie privée, et n’est pas très engagée sur ces questions. En mars 2018, l’Américaine Janelle Monae a provoqué l’émoi en reprenant Make Me Feel, de Prince, dans un clip où elle s’affiche bisexuelle. Un sujet qu’elle avait déjà évoqué dans certains titres.
C : Mais une jeune Américaine de 27 ans vient changer la donne.
M : Elle s’appelle Hayley Kiyoko, et elle a déjà plus de 4 millions d’auditeurs uniques mensuels sur Spotify. Si vous passiez vos goûters devant Disney Channel, vous l’avez peut-être aperçue dans la série Les Sorciers de Waverly Place. Côté cinéma, elle a joué dans Scooby-Doo et l’adaptation de Gem et les Hologrammes. Pas glorieux. Heureusement, cette Californienne planche sur sa propre musique depuis des années. Son premier tube, Girls Like Girls, est sorti il y a 3 ans. Le clip, qu’elle a réalisé, montre une jeune ado défendre sa meilleure amie, dont elle est amoureuse, face à son petit-ami violent. Plus de 80 millions de vues et 34 millions d’écoutes sur Spotify :
EXTRAIT 1 : baisser à 12 secondes puis laisser la track se finir
C : “Les filles aiment les filles/Tout comme les garçons/Rien de nouveau”
M : Voilà ce que dit Hayley Kiyoko sur le refrain de Girls Like Girls. Ça semble d’une simplicité confondante, sauf que ça n’avait jamais été dit dans la pop. Jamais l’homosexualité féminine n’avait été aussi franchement et fièrement chantée, sur un air accrocheur. Après 3 EPs qui ont peu à peu fait grandir sa fanbase, Hayley Kiyoko a sorti son 1er album, Expectations, le 30 mars, chez Warner Music. On y trouve notamment le tube Feelings, où elle s’amuse de son tempérament volcanique :
EXTRAIT 2 : baisser après 12 secondes et laisser le son se terminer
C : Pour Hayley Kiyoko, il s’agit simplement de raconter sa vie amoureuse. Elle revendique de pouvoir écrire sur des “femmes sexy”.
M : Expectations est un album de pop intrinsèquement californienne, vaporeuse et brûlante, et qui déborde d’assurance. Hayley Kiyoko tourne en dérision ses tourments amoureux et les condense dans des titres entêtants, où la basse et le beat sont primordiaux. Sur Curious, elle demande ainsi à une fille si elles sont sur la même longueur d’ondes. Comme n’importe qui au début d’une relation :
EXTRAIT 3 : baisser après 14 secondes et laisser le morceau se finir
M : Dans Curious et He’ll Never Love You, Hayley Kiyoko aborde même un sujet, parfois délicat : le fait de fréquenter une femme qui n’a jamais eu de relation lesbienne auparavant. Un sujet ultra courant quand on est une femme homosexuelle, mais dont la pop ne parle jamais.
C : Si la pop est là pour faire rêver et divertir, elle a aussi un rôle représentatif.
M : Le succès d’une artiste comme Hayley Kiyoko s’inscrit dans un mouvement de normalisation d’un storytelling gay, voire, queer, dans tous les champs culturels. Alors, elle dit que ça ne la dérange pas d’avoir grandi sans chansons pop racontant des histoires d’amour entre femmes. Mais en même temps, personne ne songeait même à avoir cette discussion dans les années 90 et 2000, tellement la pop féminine est hétérocentrée depuis toujours.
C : Pour l’instant, Hayley Kiyoko est seule sur ce terrain.
M : C’est important que Hayley Kiyoko raconte sa réalité, celle d’une jeune lesbienne qui cherche l’amour, comme n’importe qui sur Terre. Pour que celles qui sont dans le même cas se reconnaissent, et pour qu’elle donne envie à d’autres aspirantes chanteuses lesbiennes de parler de leur vie sans craindre d’être étiquetées et/ou de se fermer à une partie du public.
EXTRAIT 4 : baisser à 9 secondes et laisser le morceau se finir
C : Elle est par contre engagée dans les causes LGBT.
M : Aux États-Unis, c’est l’une des chouchoutes des jeunes LGBT, qui la surnomment “la Jésus lesbienne”. En début d’année, elle a rendu populaire le hashtag #20GAYTEEN, un jeu de mot entre “2018”, et “gay”, en disant : “2018 sera l’année de l’acceptance”.
C : Expectations, le 1er album de Hayley Kiyoko, est disponible chez Warner Music. Aucune date de tournée européenne n’est encore prévue, mais elle a juré faire de son mieux pour venir sur le Vieux Continent en 2018. Merci pour la découverte Morgane Giuliani, et à très vite !
Hayley Kiyoko, la « Jésus lesbienne » sort un premier album pop accrocheur
Si les égéries homosexuelles masculines se trouvent à la pelle dans le monde du show-business, ce n’est pas tout à fait le cas des égéries lesbiennes. Mais avec Hayley Kiyoko, Morgane Giuliani tient une nouvelle icône jeune et prometteuse du genre !
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