Matière grise, bleue ou rose : le cerveau a-t-il un sexe ?

Th : Aujourd’hui Tatiana, tu vas nous parler de sciences, de féminisme et de cerveau. Et ces 3 gros thèmes tu les as réuni sous une seule question : le cerveau a-t-il un sexe, en gros, est-ce-qu’il y a une différence entre le cerveau des hommes et celui des femmes.
T : Et oui Thomas, si on nous allongeait là tout de suite sur une table d’opération, qu’on découpait notre crâne et qu’on en sortait notre cerveau, puis, qu’on donnait ces deux grosses masses blanches là à des scientifiques, en mode test à l’aveugle, est-ce-qu’ils arriveraient à savoir lequel est ton cerveau et lequel est mon cerveau ?
Th : j’espère que ça ne va jamais nous arriver
T : Et la réponse est non. Si on devait ensuite nous remettre notre cerveau dans notre boîte crânienne, il se pourrait que tu te retrouves avec le mien, et moi, avec le tien, à parler d’histoire et de bouffe. Alors pourquoi ? Et bien réponse avec Catherine Vidal, une neurobiologiste, interviewée par France Télévision
[SON Cerveau - Catherine Vidal - Itw FranceTV]
Th : donc en gros, si je résume, il y a bien des différences entre les cerveaux des hommes et des femmes, mais il y en a tout autant, voir plus, entre le cerveau de 2 hommes, ou le cerveau de 2 femmes.
T : exactement. Et cet argument a été démontré par de très très nombreuses études, des méta-analyses même, comme on les appelle, qui compilent les résultats de plusieurs recherches différentes pour avoir un échantillon très très large de personnes pour comparer.
Th : bon, ben merci pour cette mini chronique, on a notre réponse, à bientôt Tatiana !
T : Non, pas si vite, parce que même si toi tu es convaincu - et surtout que tu as un peu peur que je demande à ce qu’on nous ouvre notre cerveau pour vraiment comparer - il y a souvent des contre-arguments qui sont avancés à ce constat. Et le premier d’entre eux, comme d’habitude, est bien c’est la taille. Et oui, parce que c’est vrai, les hommes ont en moyenne une, euh, un plus gros cerveau que les femmes, comme nous le détaille la chaîne Youtube Homo Fabulus
[SON Cerveau - Homo Fabulus - Taille]
Th : Ok, mais taille du cerveau et intelligence ne sont pas forcément liés, si ?
T : Si, plusieurs études ont montré qu’il y avait une faible corrélation entre la taille du cerveau et l’intelligence. Mais ce n’est pas une vérité absolue, ça ne veut pas dire que systématiquement, les gens qui ont un cerveau plus gros sont toujours plus intelligents. Sinon, les éléphants par exemple, domineraient déjà la planète, et ils nous auraient réduit en esclavage.
Th : Ok, ça clairement, on sait que c’est pas le cas, et pour ceux qui auront la ref, c’est plutôt les dauphins qui dominent le monde, merci pour le poisson, tout ça, et leur cerveau est clairement plus petit que celui des éléphants.
T : exact, donc, taille du cerveau et QI ne sont que faiblement liés, mais surtout, pour trancher la question, il suffit tout simplement de comparer l’intelligence des hommes et des femmes. Et ça, de multiples études l’ont faites, et toutes sont arrivées au même résultat, que tu auras sans doute deviné Thomas…
Th : Les femmes et les hommes ont exactement le même QI !
T : Oui, en moyenne, femmes et hommes sont aussi intelligents.
Bon, maintenant, je devance de nouveau le prochain contre-argument : hommes et femmes sont aussi intelligents, ok, mais par contre, les hommes et les femmes n’ont pas la même intelligence. Les mecs sont plus doués pour les maths, les femmes sont plus littéraires, on connaît la rengaine. Un bel exemple ici, dans la série Un gars une fille.
[SON Cerveau - Un gars une fille - Orientation]
Bon là, on a la grosse caricature, bien sexiste, mais il arrive très souvent que des études scientifiques arrivent à montrer que si, ça y est, on a trouvé une différence entre le cerveau des femmes et celui des hommes, comme c’était le cas là, dans un reportage de France 2 diffusé en 2013.
[SON Cerveau - France 2 reportage multitâches]
Th : Aha, donc il y a bien des différences hommes et femmes. C’est pas au niveau de la forme du cerveau ou quoi, mais au niveau des connexions entre les neurones, qui ne sont pas les mêmes ?
T : Oui, c’est vrai, mais c’est là qu’il faut faire très attention aux interprétations que l’on fait des études scientifiques. Sur cette étude américaine par exemple, on voit des différences de connexion entre les cerveaux des hommes, et celui des femmes. Sauf que ces connexions, et bien elles n’étaient pas là à la naissance. Les connexions, elles se créent à mesure qu’on grandit, comme l’a expliqué l’Inserm, dans une courte vidéo intitulée “Genre et santé, attention aux clichés”
[SON Cerveau - Inserm - Genre et santé, attention aux clichés]
T : le fait que le cerveau se transforme, au cours de notre vie, ça s’appelle la “plasticité cérébrale”, c’est vraiment une des clefs du fonctionnement du cerveau.
Et donc, notre cerveau, et bien, il se transforme en fonction de l’environnement dans lequel on vit. Et je laisse donc de nouveau la neurobiologiste Catherine Vidal nous expliquer les conséquences que cela peut avoir. C’était lors d’une conférence enregistrée par Univers Science TV
[SON Cerveau - Catherine Vidal - Universcience TV]
Th : Donc finalement, si je comprends bien, les différences entre les cerveaux des hommes et des femmes, elles ne sont pas dû à un déterminisme biologique, mais au fait que notre cerveau s’adapte à notre société ?
T : C’est exactement ça. Ca s’appelle le biais d’éducation.
Sauf qu’attention, en sciences, tout n’est jamais tout blanc, ou tout noir. Oui, les biais d’éducation influencent la manière dont nos cerveaux évoluent, mais ça ne veut pas non plus dire qu’il n’y a aucune différence génétique entre le cerveau des hommes et des femmes. C’est ce qu’explique par exemple le doctorant Christophe Rodo dans son podcast “La tête dans le cerveau”
[SON Cerveau - La tête dans le cerveau - Différences génétiques]
Th : Bon, si je résume tout, en gros, il y a des différences entre hommes et femmes, mais il y a aussi beaucoup de différences entre deux femmes distinctes. Et toutes ces différences sont souvent dûes à l’éducation, mais une partie est peut-être liée à la génétique.
T : Oui et en gros, une seule conclusion, à tout ça : arrêtons de confondre science et égalité des sexes. La biologie ne pourra jamais justifier qu’il existe un ordre social distinct entre les femmes et les hommes. Ca, c’est sociétal. Alors, tant mieux si les sciences nous montrent que biologiquement, il n’y a pas tant de différences que ce que l’on pensait avant entre filles et garçons, mais surtout laissons les scientifiques travailler en paix, sans continuellement chercher une justification de classe à tous leurs résultats.
Th : Ca a le mérite d’être clair. Merci Tatiana, et à bientôt !