Corentin : Ça y est, les résultats des Emmy Awards 2017 sont tombés ! Ce qu’on appelle souvent les “Oscars de la télévision” récompensent le meilleur du petit écran aux États-Unis. Mais cette année, Marie Turcan nous explique pourquoi c’était un peu différent des années précédentes. Salut Marie !
Marie : Salut Corentin ! Absolument, voilà des années que les Emmys Awards, c’est un peu comme les dîners de Noël cuisinés par ta mamie. A chaque fois, tout le monde se met sur son 31 pour aller déguster un bon repas, et chaque fois, mamie ressort le même plat : la fameuse dinde aux marrons. Et la dinde aux marrons, c’est bon. C’est classique, ça plaît à tout le monde, il y a des petites patates au four en accompagnement, tout le monde apprécie, tout le monde est content, on mange, on rigole et tout le monde est couché à minuit.
Corentin : Je ne comprends pas bien où tu veux en venir...
Marie : Et bien chaque année depuis une bonne décennie, les Emmy Awards font ce qu’ils savent faire. Il y a les outsiders qui ne gagnent jamais (Louie, parks and recreation) et les grands favoris qui gagnent toujours (comme l’éternelle modern family). Bref, et on s’ennuie à mourir.
Corentin : Et alors ? 2017 ? Toujours pareil ?
Marie : Eh bien non ! En 2017, mamie a décidé de préparer un risotto aux gambas à la fleur de courgette avec et un petite émulsion de pommes de terre sur le côté.
En gros, cette année, les Emmys ont enfin adopté le rôle que l’on attendait d’eux.
D’abord parce qu’ils ont donné la palme de la meilleure série dramatique à la Servante Ecarlate (“the handmaid’s tale”) et à son actrice elisabeth moss. Montrant qu’ils avaient compris que la société changeait et qu’il fallait changer avec elle.
**Extrait 1**
The handmaid’s tale, c’est une dystopie angoissante (adaptée d’un roman) où les femmes sont réduites à leur statut soit de “procréatrice” soit de “femme à tout faire” soit de” femme au foyer”. C’est aussi une série sur les dérives sécuritaristes, fort d’actualité à l’heure on va bientôt célébrer nos 2 ans d’Etat d’urgence permanent.
Corentin : Pourquoi c’est une surprise?
Marie : Parce que traditionnellement, les Emmys ne se mouillent pas. Ils récompensent les séries qui plaisent au public et à la critique, qui font de bonnes audiences, bref, qui font “l’unanimité”. Par exemple au hasard: Game of Thrones.
Mais ce dimanche, l’académie ne s’est pas arrêtée là.
Elle a aussi récompensé Big Little Lies en tant que meilleure mini-série (ainsi que 3 de ses actrices/acteurs)
Big Little Lies c’est une série de HBO que je vous conseille de regarder avec un bon gros plaid douillet à serrer très fort contre soi. C’est extrêmement fort, ça prend aux tripes, ce sont 5 personnages de femmes magnifiquement écrits, profonds et imparfaits. C’est du féminisme beaucoup plus latent que la Servante Écarlate, qui montre tout, qui violente pour choquer. Ici, le choc vient de la “normalisation”, de la violence sourde et écrasante.
Ce qui est marrant c’est qu’elle était au départ présentée en tant mini série mais au final elle est censée avoir une deuxième saison. Du coup, ça permis à HBO de la présenter dans une autre catégorie que the Handmaid’s Tale, et donc de doubler les récompenses féministes cette année.
Corentin : Au final ça ne fait que deux séries...
Marie : Non il y a eu bien plus de bonnes surprises ! Deux acteurs noirs ont remporté des récompenses: Sterling K. Brown dans This is Us et Donald Glover en tant que réalisateur de la série Atlanta,
Sans oublier Riz Ahmed qui est d’origine pakistanaise, dans la minisérie glaçante The Night Of, et Aziz ansari et Lena waithe pour le meilleur scénario dans Master of None.
Corentin : Diversité, féminisme… est-ce que ça y est, on peut se réjouir?
Marie : Evidemment, c’est plus compliqué que ça.
Il ne vous aura pas échappé que Trump est devenu président des Etats-Unis. Eh oui. Et les Emmys n’ont pas manqué de s’attaquer à lui.
Stephen Colbert, le présentateur d’un talk show US, a donné le ton avec un premier sketch d’ouverture très politique. Il chante “everything is a litte bit better on tv”. Entendre: tout est mieux en ce moment à la télé, par rapport à la vraie vie.
**EXTRAIT 2**
Et c’est exactement ce qu’il s’est passé pendant ces emmys. Pendant 3 heures, tout allait bien, entre les 4 murs de l’amphithéâtre blindé de stars. Les gens étaient drôles, passionnés, indignés, ils critiquaient violemment donald trump… ça aurait pu être le concours de la personne qui sera la plus tolérante dans la salle.
Puis la cérémonie se termine et laisse un goût amer dans la bouche.
Corentin : Comment ça ?
Marie : En fait le problème, c’est qu’à cause de cette réputation de “cérémonie plan-plan” qu’ils se trainent depuis des lustres, les Emmys ont cessé d’être un événement qui marque les esprits. Du coup, même si les discours étaient beaux et sincères, au fond, on les aura probablement oubliés dans quelques jours. Enfin sauf l’intervention super gênante de Sean Spicer, l’ancien porte parole de la Maison Blanche, viré au bout de 7 mois par l’administration Trump.
Attention, ça n’enlève rien au côté historique de la diversité des personnes et oeuvres qui ont été récompensées cette année ! Il faut se réjouir, mais il faut aussi réaliser qu’on est quand même en train de se féliciter, en 2017, qu’un acteur noir ait remporté le prix du meilleur acteur dans un drame, car ça n’était pas arrivé depuis vingt ans. Il y a encore du chemin.
Emmy Awards 2017 : il était temps, les « Oscars de la télévision » se politisent enfin
Marie a vu les Emmy Awards 2017, ce qu’on appelle souvent les « Oscars de la télévision », qui récompensent le meilleur du petit écran aux États-Unis. Elle débriefe avec nous une cérémonie qui prend une tournure très politique.
0:00
5:20
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.