Corentin : J’accueille Benjamin Benoit qui, aujourd’hui, va nous expliquer son amour des marathons caritatifs de jeu vidéo, une des nombreuses disciplines de niche d’Internet.
Benjamin : Corentin, tu es toi même un runner du mythique Mario 64, me trompe-je ?
Benjamin : Le week-end du 9 et 10 septembre 2017, le marathon caritatif ZeEvent a récolté 450 000 euros en faveurs des victimes de l’ouragan Irma. Marathon Caritatif, comprendre : Marathon de Gaming Caritatif. C’est l’équivalent en jeux de nos très ritualisés Sidaction ou Téléthon, pour des causes plus variables. Cependant, ils sont davantage variés dans l’exécution et hypnotisant à regarder. Aujourd’hui, on vous explique comment rester une semaine sur votre canapé à regarder d’autres personnes jouer à des jeux vidéo peut aider une bonne cause.
**EXTRAIT : MEMES**
Expliquons ensemble la structure d’un tel évènement, pouvant prendre des proportions immenses en logistiques et dons. Ca peut varier de la bande de potes qui récoltent un millier d’euros à l’association Games Done Quick qui, en deux fois par an, récoltent presque quatre millions de dollars. Le déroulé est diffusé sur Twitch, d’où une interaction avec les auditeurs, et à l’écran les joueurs se succèdent pour performer.
Corentin : Quel serait, selon toi, l’évènement le plus signifiant dans l’année ?
Benjamin : L’exemple alpha est américain. Dans la première semaine de janvier et juillet se tient le bi-annuel Awesome Games Done Quick ou Summer Games Done Quick. Contre le cancer ou pour Médecins sans frontières, c’est l’étalon du genre. C’est devenu un évènement très codifié, avec des règles de conduite très précises, c’est d’ailleurs littéralement une convention qui se tient dans un hotel quelque part aux States.
Evenement codifié puisqu’aux gros enjeux, d’abord pécunier, mais aussi per- formatifs. Rien ne doit déconcentrer l’attention de ce qu’on appelle les runners. L’AGDQ est le pinacle d’une catégorie précise de marathons : ce sont des spee- druns. Tous les moyens sont bons pour massacrer un jeu dans une catégorie pré- cise et le terminer en un temps record. Il y a une discipline olympique par jeu et autant de règles et de dérivation. Chaque communauté, parce qu’il y en a une par jeu, se retrouve au même endroit et offre un divertissement très luxueux pour des enthousiastes un peu avertis dans le jeu vidéo - tout en étant un évènement ouvert à tous des deux cotés de l’écran. Avec ses moments de bravoure, ses records du monde, ses performances et parfois ses petits drames et moments de grand ma- laise. Après tout, nous sommes entre nerds, et ça peut impliquer des séquences qui ne sont pas d’une grande acuité sociale. En l’occurence, elles seront vues par des centaines de millier de personnes et compilées dans des séquences «best of malaise !!!! » avant même que le marathon ne soit terminé.
Corentin : Mais en tant que spectateur, comment assister à un évènement aussi long ?
Benjamin : C’est l’avantage d’un évènement où l’enjeu est de récolter plusieurs millions : l’AGDQ est un marathon marathonant en toute marathonance. Une semaine de jeux non-stop, six heures de décalé avec nous, dont un week-end et demi. Idéal si on ne travaille pas à l’instant, c’est sûr, mais tout est ratrappable en VOD. Rien de plus agréable que de se constituer un programme de jeux qu’on a aimé et qui vont être triturer, commentés et analysés par des pros du genre. Il y a un coté confy à mater le dernier jeu de l’évènement, parfois une course, qui mobilisera le quart des dons de la semaine, sous sa couette jusqu’à quatre heures du matin. Et peut- être que si vous donnez, votre message sera lu par un des bénévoles de l’asso !
Corentin : Tout ça c’est bien beau, mais ça reste réservé à des fins connoisseurs.
Benjamin : Ce type d’évènement se décline dans un grand éventail de causes, de mentali- tés et d’exécutions. Généralement on s’en trouve rapidement un qui nous parle un peu plus.
**EXTRAIT : Mario Marathon**
Je vous conseille aussi le Mario Marathon, fin juin, qui est littéralement familial. Chaque année on retrouve des parents, leurs enfants qui grandissent toujours un peu plus, leurs amis, les mèmes idoines et les personnages qui reviennent à chaque fois. Un peu moins de dix éditions, bientôt le premier million récolté, mais une mentalité différente. Le Mario Marathon n’est pas performatif, mais porté sur l’interaction avec le donateur, qui est toujours au coeur de la manoeuvre. Ils jouent à des titres Marios que tout le monde connaît par coeur, c’est quasiment automa- tique et ça se suit à n’importe quel moment comme un stream de real-tv d’enfer- mement.
Tu donnes de l’argent ? Ton pseudo apparaît dans une animation sur le flux et les animateurs le disent systématiquement. Chaque donation te fait participer à des concours constants, tout est prétexte à une animation, une motivation supplé- mentaire, une incentive comme ils disent. Ca danse, ça chante, ça fait des prédic- tions pour les spectateurs, c’est rempli de bonne humeur, il n’y a pas une once de négativité dans le lot. Et là on a l’impression d’être avec eux, on rejoint un rendez- vous annuel, une capsule temporelle, c’est une couverture de sécurité.
Corentin : Tout ça c’est bien beau, mais il faut comprendre l’anglais. Et en France, finale- ment ?
Benjamin : Les évènements réguliers sont pas légion mais ils peuvent émerger ponctuel- lement ou exploser selon les circonstances avec la même ferveur qu’un Twitch Plays Pokemon.
C’était le cas du fameux ZeEvent.
Le Desert Bus Pour l’Espoir commence à devenir un rendez-vous incontournable, vers novembre. Inspiré d’une version américaine plus « familiale », ici le but du jeu c’est d’inviter le plus de pointures, de personnalités publiques ou personnalités du monde médiatique, de l’édition, du jeu vidéo ou du journalisme. on l’a fait tous les deux Corentin par exemple, pour conduire le Desert Bus, littéralement un jeu où l’on ne fait qu’accélérer et donner des coups de volant vers la gauche. Un marathon oulipien, qui se repose sur ses concours et le bagout de ses invités. Un peu plus petit : l’AFA Live, qui a récolté 6 000 euros contre la maladie de Crohn mi-2015.
Une certaine centralisation du milieu du stream FR va accélérer ce genre d’initiatives.
Et chacun peut le faire, à peu de frais. Vous vous sentez généreux ? Vous avez besoin d’un coup de com ? Vous voulez participer à un évènement dédié ? Écou- tez, mettez votre webcam, jouez à la Trilogie Crash Bandicoot et mettez deux euros en cagnotte pour l’asso de votre choix à chaque mort. Il ne vous restera plus qu’à très bien jouer, et vous-même serez passé de spectateur à acteur, tout de même sous condition d’avoir un minimum d’audience au préalable.
Corentin : Merci Benjamin pour ces éclaircissements !
Benjamin : Mais de rien, expliquer comment bien ne rien faire est toujours plaisir.
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