Corentin : Je me considère comme un excellent chanteur sous la douche, mais ça ne suffit probablement pas à gagner une Victoire de la musique. Non. Ce qu’il faut, Angèle Chatelier, vas nous l’expliquer, alors que la 33ème édition des Victoires de la musique se déroule le 9 février prochain.
Angèle : Tu as vendu 100 000 album Corentin ? Été écouté des millions de fois sur les plateformes de streaming ?
C : Eh bien, qu’est-ce que t’en sais d’abord ?
A : Oui, bah, même si c’était le cas, ça ne veut pas dire que tu auras une Victoire de la musique ! C’est d’ailleurs là toute la difficulté de cette cérémonie et tous les sujets des principales polémiques qu’elle engendre et c’est l’objet de cette chronique.
Nous connaissons depuis le 9 janvier dernier la liste des nommés de cette 33ème édition. Des artistes partagés dans divers catégorie comme le meilleur album de l’année, la révélation scène, la chanson de l’année etc..
C : Et ce sont 600 professionnels de la musique qui décident des nommés
A : Oui, 600 personnes du milieu de l’industrie musicale. Des journalistes, des labels ou des producteurs de spectacles qui choisissent qui doit être nommé et dans quelles catégories.
Enfin qui choisissent… En réalité, c’est plus compliqué que cela.
J’ai rencontré Natacha Kantz, la Présidente des Victoires de la musique. Elle le dit en tout honnêteté, oui, les Victoires sont en partenariat avec la plateforme de streaming Deezer.
La production des Victoires a ce qu’ils appellent un aide-mémoire. C’est eux qui créent des playlists sur Deezer avec les sorties musicales de l’année pour que les 600 jurys fassent leur choix. Même s’ils ont la possibilité de rajouter des artistes comme nous l’a dit l’un d’entre eux, la sélection est quand même un peu orienté.
C : Autre point qui pourrait faire grincer des dents : dans ce jury, ce qu’on appelle les majors, soit Sony, Warner et Universal, les labels les plus gros et les plus influents, représentent environ 60% des bulletins
A : Les labels indépendants constituent eux environ 40%. Ce sont les propos même de Gilles Désangles, le directeur des Victoires de la musique, dans Le Parisien.
Résultat OUI : la sélection fait souvent beaucoup de déçus. Car s’ils y a bien une chose sur laquelle la production des Victoires de la musique est claire, c’est que le succès commercial n’apparait pas comme un facteur déterminant d’éligibilité.
Ceci explique donc que le rappeur Booba, par exemple, déjà certifié double disque de platine avec Trône, son album sorti début décembre, ne soit pas nommé cette année dans la catégorie « album de musique urbaine ». (EXTRAIT 1)
C : Une catégorie qui a fait beaucoup polémique cette année
A : Oui. Pour deux raisons. La première, c’est que certains se sont indignés qu’aucun artiste black n’est était nommé dans cette catégorie.
Ce sont Orelsan, Big Flo & Oli et le rappeur Lomepal qui ont été sélectionnés cette année. Certains comme la journaliste militante Rokhaya Diallo y ont vu là une forme de racisme pour un genre musical appartenant, selon eux, plus à des personnes de couleur.
La seconde raison, c’est que comme je le disais tout à l’heure, Booba par exemple, mais aussi le rappeur Damso, ont eu un succès considérable auprès du grand public avec leurs derniers albums. Aucun d’entre eux n’a été nommé alors qu’ils ont vendu des milliers de disques et surtout… ils font parti des artistes francophones les plus écoutés sur les plateformes de streaming.
A ce sujet, la présidente des Victoires de la musique, Natacha Krantz s’explique (EXTRAIT 2)
C : Ce n’est donc pas à l’ordre du jour de créer une catégorie qui récompenserait les artistes les plus streamés
A : Non. Se pose alors la question de la représentation et de l’accessibilité de ces Victoires de la musique.
Plusieurs problèmes se posent : notamment sur la question d’un éventuel élitisme du milieu musical qui décide si oui ou non, un artiste doit être nommé.
On peut en effet se demander si ces décideurs ne sont pas juges et partis en défendant leurs propres intérêts. Il y a aussi la question de ce qu’implique la diffusion à la télévision en heure de grande écoute. Est-ce que France 2 aurait pu avoir son mot à dire sur l’idée de diffuser des chansons de Booba dont les propos sont parfois très violents en heure de grande écoute ?
On a posé la question à Natacha Krantz : est-ce que la production des Victoires de la musique prend assez de risques ?
(EXTRAIT 3)
C : Quoi qu’il en soit, c’est une super promo pour un artiste que d’être nommé aux Victoires de la musique
A : Oui, quoi de mieux pour Orelsan par exemple, nommé dans 3 catégories et revenu cette année avec son album la Fête est finie, d’être consacré juste avant d’entamer sa tournée ? (EXTRAIT 4)
A : Quoi de mieux aussi pour la chanteuse Juliette Armanet qui vient tout juste de publier une nouvelle édition Deluxe de son album Petite Amie (EXTRAIT 5) ?
Mais Natacha Kantz est claire, elle veut nous faire découvrir des artistes. La catégorie « révélation scène » et « album révélation » de l’année sont très importantes, selon elle.
C : C’est d’ailleurs aussi la première fois cette année qu’un artiste peut être distinguer pour un EP, et pas forcément un album.
A : Oui, tu sais Corentin. Un EP, c’est une sorte de mini-album. Trop long pour être un simple single mais trop court pour être un opus. Auparavant, les artistes nommés devaient avoir sorti au moins un album. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Tout ça pour dire que OUI, il y aura toujours de grands absents aux Victoires de la musique. Si les nommés sont décidés par des personnes de l’industrie musicale, cela ne représente pas nécessairement l’ensemble des Français.
C : Merci Angèle Chatelier de nous avoir éclairé sur les Victoires de la musique. En attendant, vous pouvez voter pour vos artistes préférés sur le site des Victoires, et rendez-vous le 9 février pour la grande cérémonie
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